17115ème jour
Quintette
Le piano entre seul, une petite ritournelle anodine
do dièse, ré, do dièse, do, do dièse, reprise ensuite un ton plus bas. Le piano semble se chercher, n'aboutir nulle part. Au bout de trois minutes, le quatuor intervient pour reprendre à son tour la même ritournelle, encore plus désespérée qu'au piano. Les cordes et le piano se cherchent ensuite dans ce climat aride et sans espoir, jusqu'à la fin du mouvement qui s'achève dans un légato macabre et instable des cordes et un fa dièse hyper aigu obstiné du piano qui disparait peu à peu dans le néant. Le deuxième mouvement reprend avec la même ritournelle qui, sadiquement, se métamorphose en une valse à la Schostakovich, grinçante à souhait et incapable de savoir elle aussi où elle pourrait bien aboutir. Le piano persiste dans sa valse tandis que les cordes l'accompagnent dans le légato funèbre. Mais peut-on choisir entre la danse macabre et le macabre dantesque? Le Troisième mouvement démarre sans même que l'on s'en rende compte dans une instabilité harmonique complète, on ne peut se raccrocher à rien, on a l'impression de saisir du sable qui s'enfuit entre nos doigts, destiné à mesurer l'heure des montres molles de Dali. Parfois, les quatre cordes semblent s'enflammer comme un essaim d'abeilles que rien ne peut maîtriser. Le mouvement se termine de nouveau par un si bémol obstiné du piano bientôt relayé par le bruit étrange des pédales enfoncées à vide...
Le quatrième mouvement démarre lui aussi en ne sachant pas très bien savoir où aller. Quelques accords du piano, des pizzicati violents, quelques notes stridentes et incontrôlées puis on retrouve la ritournelle du début dans un régistre sur aigu et des do dièses plein la figure. Le dernier mouvement démarre incroyablement par une sorte de berceuse très douce et répétitive, comme un repos final tant attendu. Elle revient toujours la même mais subtilement transformée, se mue de nouveau en une valse macabre, revient obstinée obstinée jusqu'à s'évanouir.
Alfred Schnittke : Quintette avec piano - Keller Quartett - Alexei Lubimov, piano - ECM
17114ème jour
Panic! at the Disco
J'écoute depuis quelques mois le CD de ce
groupe de rock américain qui est la coqueluche
emo des post-ados, un peu partout dans le monde. Musique plaisante, pillage de diverses influences, celà ne fait guère mal à la tête. Je ne sais pourquoi (ou plutôt je sais pourquoi mais j'ai honte de l'avouer) j'avais pris deux places pour le concert de ce soir à L'Elysée Montmartre et nina (qui vient d'ouvrir un nouveau
blog (combien de temps tiendra-t-elle cette fois ci?)) a eu la gentillesse de m'y accompagner. Première partie de
Fickle, un groupe Marseillais, qui restera probablkement abonnée aux premières parties. Venait ensuite The Sound, un
groupe suédois dont je n'ai su le nom que le lendemain et qui était plutôt sympa. Bon rock bien frappé,
chanteuse aux allures d'Eva nordique aimant montrer ses cuisses et se jeter dans le bain de ses spectateurs et surtout un mec aux claviers au déanché irrésistible. Venait enfin le groupe de la soirée
Panic! at the Disco. La panique était surtout dans la salle où la fine fleur de tous les lycées des beaux quartiers sautillait comme un seul homme en chantant avec le groupe tous ses succès. Il y avait une véritable forêt d'appareils photos et de téléphones dressés au dessus des têtes (les photographes eux ne sautillaient pas) et on entendait plus facilement la salle chanter faux que les chanteurs chanter (assez faux eux aussi il faut bien le reconnaitre). Bref, il s'agissait d'une soirée évitable. Pardonne moi nina.
Message personnel au jeune homme au très beau sourire et à la casquette
Nike beige vissée à l'envers sur sa jolie tête:
T'as un ticket avec Nina.
17113ème jour
Le bal des vampires
Ce qui est vraiment bien à l'
Action Ecoles, c'est que non seulement il y a toujours des films intéressants à revoir, mais de plus, les enfants payent leur place trois euros. J'en ai profité ce week end pour emmener mes filles voir
Le bal des Vampires. Ce film sera toujours associé dans mon esprit au personnage joué par Terry Downes, l'atroce homme à tout faire du comte Von Krolock. Lorsque j'avais vu ce film, j'avais vingt ans environ, et j'étais lié d'une intense amitié avec deux frères, dont je parlerai probablement ici un jour, et qui m'avaientt quasiment adopté comme leur grand frère. Il m'avaient affectivement surnommé
Glork, qui dans leu esprit, était le nom de ce personnage. De fait, j'ai vérifié tout à l'heure que l'abominable serviteur s'appelle
Koukol. Nuance...
17112ème jour
Du côté de chez Jean
Je l'ai salué et me suis penché vers lui en le remerciant pour mes dernières vacances d'été. Il m'a regardé surpris, de ses grands yeux bleus et brillants. Je lui ai expliqué que je séjournais à Symi. Il a dit alors: "
Ah en effet, j'y suis pour quelque chose!". Il a ouvert son nouveau livre et a inscrit sur la première page :
Pour Vincent, en souvenir de Symi, avec Amitié. Jean.
17111ème jour
Le quignon
J'ai toujours adoré les quignons de pain. Ils seraient vendus à part, je n'achèterais que celà. Si la baguette est blanche et fade, le quignon est supportable. Si elle est croustillante, bien cuite et farineuse, le quignon est un véritable délice. Dès que la panière de pain arrive sur la table, je regarde s'il y a un quignon. Et s'il est là je ne résiste jamais. Mes collègues ont sans doute observé mon manège. Peut-être s'en plaignent ils entre eux, mais rien n'y fera. Je serai toujours le premier à prendre le quignon. Sauf lorsque je déjeune avec mon père. Il fait de même et le prend souvent avant moi.
17110ème jour
Brighton Londres
C'etait plutôt agréable de quitter Brighton au voklant de ma 207 de location, de foncer vers le nord par la M23, de laisser
Gatwick sur la gauche, de couper la M25 et de m'enfoncer dans la banlieue de Londres, d'arriver dans le centre par
Lambeth Bridge.
Westminster,
Trafalgar Square, je laisse la voiture dans un parking de Soho, un cookie et un expresso chez
Prêt à Manger, un tour chez
Paul Smith à Covent Garden, une visite au
Virgin's de Picadilly et au
HMV d'Oxford Street, je reprends la voiture,
Waterloo Station, l'embarquement
Eurostar, Paris.
17109ème jour
Impressions de Brighton
Brighton, c'est un peu Menton pour la moyenne d'âge des habitants et Brest pour le climat, le tout dans un décor victorien. En cette fin octobre, il fait gris et pluvieux. Le petit centre-ville, charmant malgré sa disneylisation avancée se cache derrière les grand hotels blancs à colonnade. Et un peu plus loin se trouve l'extravagant "
Royal pavilion, sorte de patisserie indienne aux toits ottomans, construit par le futur roi George IV pour y cacher ses liaisons.
Chez le client, en faisant le tour de table, j'ai dit: "
As you can hear, I usually do not live on this side of the Channel". Succès assuré.
17108ème jour
Londres
Une journée fastidieuse et grise. Un voyage triste par un soir sombre et venteux. Quarante minute de retard à l'arrivée à
Waterloo Station. Un chauffeur de taxi qui bouffe un truc dégeulasse qui sent l'ail. Pas de connexion internet dans la chambre. Le bar bruyant de l'hôtel. Mon lit.
17107ème jour
Rotterdam à Amsterdam
Le Concergebouw accueillait hier l'orchestre de Rotterdam autour d'un programme quelque peu hétéroclite, dirigé par Heinrich Schiff qui, le temps passant, ressemble de plus en plus à Johannes Brahms. Lorsqu'un chef dirige du piano ou du violon, il est facile à l'instrumentiste de regarder son orchestre, tournant parfois le dos au bublic, comme un chef "normal". J'ai découvert hier qu'il en va fort différemment d'un violoncelliste voulant diriger. Heinrich Schiff était donc bien sûr assis face à nous pour jouer et diriger le magnifique
Deuxième Concerto pour violoncelle de Josef Haydn. Il entrainait donc les tutti d'orchestre d'une main libre, ou de la tête, mais avec beaucoup de mal pour tenter d'apercevoir quelques uns de ses musiciens. Il nous a offert une très belle interprétation du concerto, ne manquant pas de fantaisie, en particulier dans les cadences à l'audace teintée d'humour. Et hélas, il n'y a pas de partie de basson dans le concerto de Haydn.
Suivait la
Kammersymphonie de Franz Schreker, une oeuvre de 1916 en un seul mouvement, pour 23 instruments (sept vents, onze cordes, harpe, célesta, harmonium, piano, timbale et percussions) ce qui limite un peu la portée chambriste d'une oeuvre que j'ai pour ma part trouvée un peu boursouflée. Et hélas, il n'y a évidemment dans cette oeuvre qu'un seul basson dont la partie était tenue par le deuxième basson de l'orchestre.
La deuxième partie était consacrée à
Totenfeier, la version originale du premier mouvement de la
Deuxième Symphonie, que Mahler a brièvement dirigé de façon indépendante sous forme d'un poème symphonique. L'orchestration diffère relativement peu du mouvement définitif. Ayant profité de l'entracte pour changer de place, je me suis retrouvé assis au premier rang du
Podium Sud, face au chef, juste derrière les quatre cors, à quatre mètres environ des cimbales et à environ six mètres des trois bassons. J'ai été subjugué par l'orchestration mahlerienne, depuis cette place quasiment de l'intérieur de l'orchestre, où l'on entend vraiment toutes les parties et d'où l'on comprend combien il doit être important pour les musiciens d'orchestre de s'écouter. Pas toujours facile d'ailleurs, comme en témoignent les coupe-sons que certains musiciens font installer derrière leur tête, en particulier ceux se trouvant devant les trompettes et les trombones. Heinrich Schiff a dirigé le mouvement avec une magnifique conviction, un vrai sens mahlerien des contrastes. Très souvent mon regard se tournait vers le profil du premier basson qui est non seulement
le plus beau bassoniste au monde, mais sans doute aussi l'un des meilleurs, puisqu'il vient d'entrer au London Symphony Orchestra et c'est probablement l'un de ses derniers concerts au sein de l'orchestre de Rotterdam. A la fin des applaudissements, alors qu'il est encore sur scène, je suis allé lui transmettre un message et le féliciter pour le concert. "
Je n'ai pas fait grand chose!" m'a-t-il modestement répondu.
Le
Rotterdams Philharmonisch Orkest sera le 14 novembre au
Théâtre des Champs Elysées sous la direction de Lothar Koenigs. Ils accompagneront Ben Heppner dans des extraits de
Tristan et de la
Tétralogie.
17106ème jour
Sheherazade au Concertgebouw
J'ai entendu quatre fois Sheherazade de Rimsky Korsakov en concert. Une première fois il y a fort longtemps au Théâtre du Chatelet par l'orchestre du Concertgebouw dirigé par Chailly,
plus récemment avec tigger, dans la salle du Concertgebouw, mais par l'orchestre de la Radio Néerlandaise et il y a
quelque mois à Tel Aviv, avec Iván Fischer à la baguette. Cette fois ci, un peu comme une reconstitution de puzzle, j'entendais enfin cette oeuvre par l'orchestre du Concertgebouw dans sa propre salle et dirigée par le même Iván Fischer. Je ressors de ce concert très décu. Sheherazade est une oeuvre d'accès facile, mais qui peut terriblement sombrer dans la musique de film insipide, dans le sensuel banal. C'est ce que nous avons eu hier soir avec un Iván Fischer peu inspiré à la tête de l'orchestre. J'étais d'alleurs ressorti du concert de Tel Aviv avec le même sentiment d'ennui. La première partie était composée d'un nocturne peu connu et plutôt ennuyeux de Dvorak et du deuxième concerto pour violon de Bartok, joué par Leonidas Kavakos.
17105ème jour
Une courte nuit
Arrivée un peu avant onze heures à Roissy, terminal 2B en provenance de Bucarest. Bizarrement il n'y a pas de taxi et il faut patienter une vingtaine de minutes pour en avoir un. J'arrive chez moi vers minuit. Pas envie de dormir. Je me couche vers deux heures. Quatre heures plus tard le réveil sonne. A sept heures je suis de retour à Roissy. Terminal 2F. Direction Amsterdam, cette fois ci.
17104ème jour
Deux jours à Bucarest,
Deux nuits à Bucarest,
Deux lapins d'Adrian,
et deux ratons laveurs...
17103ème jour
Papa
J'ai toujours une certaine tristesse à revoir mon père. Notre relation est plutôt bonne, apaisée, confiante, mais l'espacement de nos rencontres et son entrée dans la dernière étape de la vie confère à nos déjeuners une sorte d'émotion teintée de nostalgie. Comme la dernière fois, il m'indique ne pas bien comprendre mon activité. Je la lui décris patiemment. Il n'écoute pas ma réponse et je sais que la prochaine fois, il me reposera cette question rituelle. Il a beaucoup plus envie de me raconter une nouvelle fois sa carrière que je connais dans le moindre détail.
On évoque des souvenirs, il me décrit sa peine de ne pas arriver à construire une relation normale avec mon frère.
Il me raccompagne à ma voiture. Je le regarde, encore bronzé, un mois après ses vacances en Bretagne. Il s'éloigne peu à peu en me tournant le dos. Je démarre. Direction le bureau, puis Roissy et Bucarest.
17102ème jour
Coïncidences
J'ai une réunion de prévue vendredi aux Pays Bas. Le client est censé m'envoyer l'adresse par email. Lorsque je la reçois, je lis
Gustav Mahler laan, 10. La vie est un roman.
17101ème jour
Oublis
J'oublie régulièrement une carte de crédit quelque part, mais je la retrouve toujours. Mon seul souvenir de perte définitive correspond au vol de mon portefeuille dans le métro d'Athènes il y a quelques années. Ce soir, alors que je réservais des billets d'avion avec mes miles Air France pour l'été prochain, je me suis rendu compte que je n'avais plus ma carte
American Express. Je me souvenais l'avoir utilisée la dernière fois dans un restaurant chinois samedi midi. J'appelle le restaurant. Une jeune femme à l'accent terrible semble à peine comprendre ce que je lui dis mais m'indique qu'aucune carte de n'a été oubliée chez eux récemment. J'appelle
Amex où l'on m'indique que ma carte n'a pas été utilisée depuis. Je décide de me donner la soirée pour tenter de la retrouver et ne fais pas opposition. Je suis perplexe car j'ai souvenir d'avoir effectué deux autres paiements seulement pendant le week-end. L'un à la
fnac et l'autre au
Virgin's et toujours avec ma carte bleue. Il me parait donc peu probable d'y avoir oublié mon
Amex. Par acquis de conscience je décide de visiter, en sortant du bureau la
fnac, le
Virgin's et le restaurant chinois. Je commence par la
fnac. Ma carte my attendait. Ravi de ce coup de chance, je m'offre le très beau coffret de quatre CD que la Deutsche Grammophon vient d'éditer en hommage à György Ligeti et comprenant toutes les oeuvres du compositeur enregistrées chez cet éditeur.
17100ème jour
Retour à l'Action
Vu ce jour avec mes filles
Some like it hot à l'
Action Ecoles. J'étais ému de revenir dans cette petite salle car c'est probablement ici même que j'avais découvert les frasques de Tony Curtis et Jack Lemmon voici vingt cinq ans...
17099ème jour
Le dernier Sting
Le dernier disque de Sting vient de sortir chez
Deutsche Grammophon. Il est constitué d'une vingtaine de ballades de John Dowland (1563-1626). Dans le livret que l'on peut consulter
ici (le mot de passe est Dowland), Sting raconte sa longue rencontre avec ce compositeur dont on sait assez peu de choses. Il y est question d'une découverte voici vingt ans, d'un labyrinthe dans le jardin de Sting ayant la forme de celui de la cathédrale de Chartres, d'un luth cadeau dont la rosace au centre de la table est ornée de ce même labyrinthe. Et puis la rencontre étonnante avec le luthiste Edin Karamazov qui l'accompagne tout au long de ce disque.
Ce disque devrait déplaire à la fois aux amoureux de Dowland et aux admirateurs de Sting. Pourtant il a une vertu essentielle : celle de rendre à ces chants vieux de quatre siècles leur modernisme et surtout leur naturel.
17098ème jour
Francesco Tristano Schlimé - Murcof suivi de The Knife
Je ne savais pas grand chose du contenu de ce concert, j'y allais juste pour entendre
Francesco Tristano Schlimé en improvisation, genre qui ne représentait qu'une faible partie des quatre de ses concerts auxquels j'ai assisté cette année. C'est en arrivant que j'ai découvert qu'il n'était que la première partie et que le public, lui n'était là que pour entendre la seconde,
The Knife. C'est ce face à face qui a créé l'insurmontable contradiction de cette soirée.
Sur la scène, à gauche un grand Steinway de concert, à droite un petit bureau tourné vers le public avec juste un
vaio posé dessus.
Murcof entre en scène. Il est mexicain mais a l'allure d'un taliban concentré sur sa tâche. Il démarre par des sons planants dans des fréquences graves. Les vagues semblent toujours les mêmes et pourtant elles changent imperceptiblement.
Francesco entre discrètement en scène, dans l'ombre. Le concert, une petite heure, consiste à capter le son du piano, à le transformer et à le rediffuser, en direct ou en différé, un peu commme pour le
Mantra de Stockhausen. Le piano est minimaliste, des phrases souvent très courtes, à la Philip Glass, répétées et variées à l'infini. De temps à autres, Francesco abandonne le clavier pour frapper gratter ou triturer directement les cordes du piano comme il le fit dans sa composition
Barcelona trista. A un moment, il me semble reconnaitre la si belle mélodie obstinée du finale du quintette de Schnittke. J'ai beaucoup de mal à avoir un avis sur ce concert en raison de l'attitude infecte d'une partie de public qui, venu pour
The knife a tranquillement discuté tout au long de la première partie et ce brouhaha permanent rendait impossible la concentration nécessaire à ce que l'on essayait d'entendre. Je ne sais ce que les deux artistes ont pensé de leur public. Pour ma part j'ai eu honte de me mêler à ce ramassis d'abrutis intolérants.
The Knife donc, la
coqueluche des noctambules qui se veulent branchés. La recette est simple. On prend des ritournelles à la Chantal Goya que l'on assomme d'une sauce electro faite de basses bien fortes qui font vibrer le bide. On se déguise en spiderman d'opérette, ca fait genre. On balance des images niaises en noir et blanc sur un écran au fond et sur une toile transparente devant. On ne joue même pas en live, autant passer le disque et on mime des musiciens de cirque frappant des tambours imaginaires ou chantant dans des microphones probablement débranchés. Et ça marche. Tous ces crétins se dandinent au son de la soupe grasse et du beat agressif. J'espère qu'ils font ça souvent. Le nombre de décibels accumulés devrait les rendre sourds dans un avenir proche, à moins qu'ils ne le soient déjà, ce qui expliquerait leur goût pour le mime...
17097ème jour
Solaris
Lorsque j'étais étudiant, je passais de temps à autres des nuits de discussion à réinventer le monde avec un autre étudiant de Sciences Po d'origine russe, que j'ai brièvement évoqué
ici. Il était l'un des piliers du cinéma
Le Cosmos sis rue de Rennes, spécialisé dans le cinéma soviétique et aujourd'hui avantageusement remplacé par une agence EDF.
Il m'avait un jour vanté les mérites d'un film soviétique d'Andrei Tarkovski racontant les aventures métaphysiques d'un cosmonaute. Je n'avais pas suivi son conseil et je n'ai jamais vu ce film. J'ai vu en revanche son remake américain de Steven Soderbergh avec George Clooney, sans doute l'un de mes films préférés, un moment étrange de poésie et de réflexion sur la mort comme il existe rarement au cinéma.
Hier soir sur arte était diffusé l'original de Tarkovski. J'en avais dit un mot à
mister tigger qui depuis Amsterdam peut recevoir arte. Las! Si en France, on pouvait recevoir la version russe sous-titrée en français, les bataves n'avaient droit qu'à la version doublée en allemand. Il a abandonné le premier. j'ai fait de même lorsque j'ai vu que le film, programmé à 23h35, durait 160 minutes. Il n'en reste pas moins que j'ai furieusement envie de le voir...
17096ème jour
Faux départ
Je pars le matin vers Roissy. Cette fois-ci, c'est le Terminal 1 qui, malgré les travaux, reste ce cylindre inhospitalier de béton sale. Personne à l'enregistrement. On m'annonce que le vol pour Leeds a deux heures de retard. Il est donc prévu que j'arrive à midi au plus tôt à l'aéroport distant de cinquante kilomètres de mon lieu de rendez vous à York, prévu précisément à midi. Un coup de fil plus tard, j'ai tout annulé. Je vais prendre un petit déjeuner dans le sous-sol de l'aéroport et je rentre au bureau.
17095ème jour
Bonheurs
Ayant observé que le message
msn messenger de ma fille aînée était
Je Suis Sur Un Petit Nuage..., je lui demande si j'ai le droit de lui demander pourquoi. Je reçois une réponse un peu évasive ayant trait à
Winnie l'Ourson et à un arc en ciel, et puis à cette phrase :
- et pui chu contente pcke je la aime la vie ;)
- je la aime la vie?
- uiiiiii
- tu sais, il n y a rien qui puisse me rendre plus heureux que de te savoir heureuse...
Cet échange m'a rappelé une
discussion d'il y a trois ans dans les Dolomites.
17094ème jour
Un pot
Un pot de retraite ce soir à mon ancienne boîte. Un collègue avec lequel j'ai beaucoup travaillé. Et donc je suis revenu. J'ai aperçu des visages que je n'avais pas vu depuis près de trois ans.
Tiens il a maigri, punaise, elle a vieilli, merde il doit être malade... Et ils pensaient peut-être de même en me voyant.
C'est triste un pot de départ en retraite. Je me souviens du premier auquel il m'ait été donné d'assister, alors que, âgé de vingt-cinq ans, j'avais démarré une semaine auparavant. Il me semblait à l'époque que jamais celà ne m'arriverait. Aujourd'hui je ne sais pas très bien si j'ai passé le cap de la moitié de ma vie active. C'est fort possible. En tout cas je ne ferai jamais de pot de départ en retraite. Je m'éclipserai discrètement...
17093ème jour
Une deuxième gaffe
Alors que je travaillais dans la même entreprise, j'avais signé un assez gros contrat. Le commercial en charge du compte client avait touché une prime impressionnante alors même qu'il n'avait même pas mis les pieds chez ce client. Ses collègues d'agence l'avaient surnommé
Patator, en raison du montant conséquent de la prime. Lui, grand seigneur, avait eu la gentillesse de m'inviter à déjeuner dans un restaurant étoilé du dix-septième arrondissement justement nommé
Apicius.
Un an plus tard, au cours du même voyage en Martinique,
Patator est là avec Madame. Pendant le séjour, nous avons un déjeuner organisé sur une assez belle plage. J'évite soigneusement Monsieur et Madame Vélocanal, et m'installe avec Monsieur et Madame Patator. Au cours du déjeuner je déclare soudain à Madame Patator:
Ton mari sait vraiment vivre. Le restaurant où il m'a invité à déjeuner pour la signature de notre affaire était vraiment extraordinaire. Comme Madame Vélocanal l'avait fait deux jours plus tôt, Madame Patator m'a refait le coup du regard
Kangourou-robe de mariée. S'en est suivie une terrible scène sur le thème : "
Comment ça! Tu vas dans un restau à étoile sans même me le dire! Et sans même me proposer de venir! T'es égoïste!...etc... etc..."
Comme je n'avais pas de livre sous la main, j'ai senti un besoin urgent d'aller me baigner, laissant là Monsieur et Madame Patator à leur vile querelle.
17092ème jour
Une première gaffe
Il y a quelques années, un de mes collègues a été absent du bureau pendant plusieurs semaines. C'était au mois de janvier et alors qu'il faisait du vélo un week end, il était tombé dans un canal. Il s'en était suivi une pneumonie et il est revenu au bureau après sa convalescence.
Un ou deux ans plus tard, je gagne une sorte de trophée pour les commerciaux, un voyage en Martinique avec conjoint étant offert à cette occasion. Je me retrouve dans l'avion avec juste derrière moi le collègue en question et sa femme. On fait connaissance, et je trouve plaisant de dire à sa femme. "
Alors, vous allez le surveiller en Martinique. Pas de vélo et pas de chute dans le canal!". Elle m'a regardé comme si j'étais un kangourou vêtu d'une robe de mariée, son mari a eu l'air très très gêné et moi je me suis soudain plongé dans mon livre. Il s'en est suivi une terrible scène de ménage, mais à voix basse, sans doute pour que je ne comprenne pas le fin mot de l'histoire, mais surtout parce qu'ils étaient entourés d'une cinquantaine de collègues. Le pire de cette histoire est que j'en ai jamais compris le détail. J'ai émis l'hypothèse d'une frasque extra conjuguale couverte à la maison par un voyage professionnel et au bureau par cette étrange absence, mais je n'en aurai jamais la certitude.
17091ème jour
Statut
Lorsqu'Alban Berg travaille sur son instrument, ce qui arrive assez souvent chaque jour qui passe, il met comme message d'absence sur msn messenger :
crincrin...
17090ème jour
Avec amour
J'ai reçu hier un
sac à vomi de la compagnie Corsair. Il était glissé dans une grande enveloppe de papier kraft, postée d'Espagne, le pays de destination, sans doute oublié à l'origine, ayant été ajouté avec un autre stylo.
Au dos cette seule inscription :
Avec Amour, soulignée trois fois.
J'ai mis vingt quatre heures à découvrir l'identité de son adorable expéditeur.
17089ème jour
Mode d'emploi
Je suis passé ce matin à ma mairie d'arrondissement, afin de me renseigner sur les modalités d'obtention d'une "attestation d'accueil d'un ressortissant étranger". "
C'est très simple," m'a répondu la charmante hotesse d'accueil du service des affaires générales. Vous devez nous apporter les originaux et une photocopie de votre passeport, du contrat de bail de votre appartement, de votre dernière facture EDF, de vos trois derniers bulletins de salaire et de votre avis d'imposition 2005. Vous nous apporterez également une attestation d'assurance médicale d'un montant minimal de 30.000 euros pour la personne que vous hébergez, un timbre fiscal de quinze euros bleu OMI (non restitué en cas de refus du dossier) et une enveloppe timbrée à vos noms et adresses afin de vous informer de la réponse sous un délai d'une semaine.
"
Autant fermer la frontière, cela serait plus simple..." lui ai-je répondu.
Je rappelle que dans trois mois, la Roumanie sera membre à part entière de l'Union Européenne.
17088ème jour
Dieu ne voulait pas
J'ai appelé Adrian en quittant mon client. Il était à l'aéroport de Bucarest. Il venait de récupérer sa carte d'embarquement. Il avait l'air heureux. Je l'ai rappelé depuis l'aéroport de Katowice pour lui dire que mon avion était à l'heure et que je le retrouverais comme prévu à Roissy. Il m'a alors expliqué qu'il s'était fait refouler au contrôle des passeports de Bucarest car il n'avait pas une lettre d'invitation prouvant qu'il serait hébergé en France, ni cinq cent euros en liquide. Il avait l'air très triste.
Dieu ne voulait pas...
Je suis arrivé à Roissy. J'ai pris un chariot pour aller du Terminal 2B au Terminal 2F où j'avais garé la lada en prévision de l'arrivée d'Adrian. Sur les écrans d'information, j'ai aperçu son vol AZ332 en provenance de Rome et prévu à l'heure à 23h35.
La circulation était fluide pour rentrer à Paris.
Dieu ne voulait pas...
17087ème jour
Katowice-Bucarest-Rome-Paris
Il y eut cette
première rencontre.
Il y eut ce
week end manqué à Istanbul.
Demain soir j'arriverai à Roissy en provenance de Katowice.
Demain soir il arrivera à Roissy en provenance de Bucarest après une escale à Rome.
Demain soir nous nous reverrons donc.
Si Dieu le veut.
17086ème jour
Le Mont Saint Michel
Il m'avait dit être venu pour la dernière fois, et pour la première aussi d'ailleurs, en 1971. Il avait rapidement calculé que s'il revenait un jour, après avoir attendu le même laps de temps, il aurait alors quatre vingt treize ans.
Au moment de retourner vers la voiture, alors que nous foulions la digue - et elle, de façon certaine, pour la dernière fois - je l'ai vu se retourner, contempler encore une fois la merveille d'équilibre du Mont et sa silhouette si familière qui se détachait sur le ciel bleu de Normandie et murmurer un
Adieu très ému.
Je n'ai rien dit.
Je n'ai rien dit, mais je me suis juré au'un jour, je remmènerai mon ami Gaëtan au Mont Saint Michel.
17085ème jour
Saint Malo
Mes parents avaient leurs petites habitudes estivales à Dinard voici quelques années. Je n'aimais guère cette station un peu prétentieuse et aux eaux froides mais je garde de bons souvenirs de visites à Saint Malo, d'un merveilleux homard à la
Duchesse Anne, et puis des crèpes préparées par une vieille dame chez
Ti Nevez, rue Broussais.
J'étais donc heureux de retrouver Saint Malo ce samedi avec mes filles et mon ami Gaëtan, de passage dans la région. La crèperie
Ti Nevez était fermée, comme souvent hors saison, et la vieille dame n'y officie plus de toutes façons. Mais à deux pas de là, il y avait une autre crèperie, au décor agréable, avec un patron assez jeune et passionné de cidres (17 variétés à la carte si j'ai bonne mémoire). Trois bouteilles de cuvée
Carpe Diem plus tard, nous étions prêts à affronter les remparts, la plage, la petite traversée de la digue jusqu'au
Grand Bé que nous avons escaladé. François-René de Chateaubriand repose
là, face à la mer dans une tombe sobre et imposante à la fois. Son nom n'est pas mentionné, seule cette prétentieuse
inscription qui lui va si bien :
Un grand écrivain français a voulu reposer ici pour n'y entendre que la mer et le vent. Passant, respecte sa dernière volonté.