16963ème jour
Encore un tournis d'un jour
5h15: Lever à Katowice
5h45: Mon taxi m'emmène à l'aéroport (beaucoup de vodka en dutie free)
7h10: Envol pour Paris
10h00: Roissy Charles de Gaulle
10h30: Quatre heures de travail au bureau, dont quinze minutes pour emballer toutes mes affaires; je change de bureau lundi
15h00: Un taxi pour aller à Orly avec un bref stop chez moi le temps de réaménager ma valise
17h35: Envol pour Istanbul
22h59: Depuis mon hôtel d'Istanbul, je vous raconte mes bétises...
16962ème jour
Katowice
Il y a un vol direct entre Paris et Katowice à bord d'un petit Canadair. Je suis arrivé dans la nuit et un taxi m'a emmené vers le centre ville. Dans l'obscurité, je sentais qu'on traversait des forêts, des prairies; la route était longue, quarante minutes environ. Le taxi m'a déposé devant le Novotel qui se prétend le meilleur hôtel de Silésie. Beaucoup de remue ménage dans le hall, l'hôtel hébergeant les équipes nationales de football de Pologne et de Colombie qui s'entraîenent en attendant le mundial.
Le lendemain, de ma fenêtre du dixième étage, je contemple le spectacle de désolation de cette ville qui ressemble à une grande banlieue triste couverte de barres d'immeubles en béton et qui est traversée de routes en travaux aux contours sales. Le seul bon côté de l'endroit, c'est la nature, très verte, présente partout et envahissante. Il faudrait un siècle d'absence complète de l'homme pour que l'endroit retrouve un semblant de beauté.
16961ème jour
Les pavés dorés de Berlin
A Berlin, devant certains immeubles on trouve un deux ou trois pavés dorés sur le sol, et récemment implantés. Sur chacun d'entre eux, le nom d'un juif qui habitait là et la date de sa déportation.
16960ème jour
Ma promenade de San Rocco
Il faut se rendre à Camogli. En option, on peut se promener sur le port pour admirer les belles maisons ocres recouvertes de trompe-l'oeil. Mais on ne peut plus accéder au centre en voiture. Il faudra donc se garer sur l'un des parkings à l'écart de la ville. C'est de l'un deux que part le sentier. Il longe d'abord une rivière et peu à peu se met à grimper au milieu de jardins de petites maisons, parfois en pente douce, mais le plus souvent avec des escaliers assez raides. On croise beaucoup de lézards, des petits chats, de jolies fleurs et au bout d'une heure on arrive à San Rocco, petit village accroché à la falaise, avec sa jolie église qui domine la mer et tout le golfe de Gênes. C'est là qu'il faut passer chez Alessandro qui tient un petit restaurant et qui adore la France pour avoir fait plusieurs fois les vendanges en Bourgogne. Alessandro vous preparera ce dont il a envie, des petits beignets d'anchois, des
spaghetti all vongole ou des raviolis
al pesto. De toutes façons, le résultat sera admirable. Et puis on se remet en route. On descend cette fois ci le long de la mer, mais dans la forêt. On devine les vagues derrière les branches, on passe devant deux restaurants accessibles uniquement en bateau, on frémit à l'idée qu'il va falloir remonter toute cette pente, mais on arrive à la Punta Chiappa et ses airs de bout du monde désolé. On se reposera, allongés sur les grandes pierres plates au soleil, et on repartira vers San Rocco, en se maudissant parfois d'être redescendu aussi bas. A San Rocco, on ira à l'épicerie boire un verre d'eau et acheter des abricots du pays, doux et juteux. Puis on redescendra jusqu'à Camogli, on retrouvera la voiture, on pensera que le lendemain on aura beaucoup de courbatures mais que de toutes façons on reviendra un jour ou l'autre...
16959ème jour
Il y a cent ans
Il y a cent ans, le 27 mai 1906 à 17h30, dans le cadre du Festival d'Essen, au Städtische Saalbau, était créée la
Sixième Symphonie de Mahler, par l'orchestre du Festival d'Essen, sous la direction du compositeur.
16958ème jour
Naufrage
J'écoute la radio sur l'autoroute entre Gênes et Imperia. J'entends
Edouard Michelin, naufragio, isola di Sein, quarante tre anni, sei bambini... Je comprends immédiatement. Et je me souviens aussitôt de ces temps anciens dans notre école. Et puis de ce jour où il était chez nous et où nous avions passé la tondeuse à gazon ensemble. Il avait onze ans je pense, tellement heureux de faire cette activité qu'une éducation austère lui interdisait probablement. Ma mère était affolée : "
Et s'il lui était arrivé quelque chose?" C'est de cet instant sans doute dont je me souviendrai, et de son magnifique sourire d'enfant.
16957ème jour
Cervo
C'est un petit
village perché sur une butte qui domine la mer, entre Gênes et Rapallo. Les rues sont étroites. Il y a un air de Saint Paul de Vence italien, sans les marchands du temple et les hordes de touristes. La belle facade néo baroque de l'église domine la place la plus importante qui elle même surplombe la mer. C'est là qu'il y a une quinzaine d'années, j'avais assisté à un concert d'Anatol Ugorski qui interprétait les
Tableaux d'une exposition et mon oeuvre préférée de Schumann, les
Davidsbündlertänze. Je suis revenu régulièrement à Cervo. Et presque toujours j'ai déjeune chez Serafino, un grand ligurien aux allures de brute qui prépare des Spaghetti aux fruits de mer aériens qu'il est si bon de déguster en regardant la mer...
16956ème jour
Le concert Pletnev-Schlimé à la Philharmonie de Luxembourg
On a bien failli arriver en retard à ce concert, quittant Leipzig trop tard. Le concert démarrait à 20h00 et par chance la grande voie express qui conduit de Trèves vers le centre de Luxembourg passe devant la
Philharmonie. Nous sommes entrés dans la salle juste à l'heure. La
Philharmonie, inaugurée l'an passé est probablement la plus belle salle moderne de concert qu'il m'ait été donné de visiter. Extérieur original, matériaux nobles, mélange réussi de bois et de bleus, acoustique précise et ronde... Nous sommes installés tout en haut, presque au dessus de l'orchestre et c'est un régal que d'entendre les extraits de Romeo et Juliette de Prokofiev. L'orchestre National Russe est une phalange de très haut niveau. Elle répond à Pletnev comme une mécanique de haute précision : cuivres gras et volupteux, vents magiques, on entend absolument tout et c'est merveilleux. Lors de la pause, on met en place le piano et
Francesco Tristano Schlimé s'installe pour le Cinquième Concerto de Prokofiev. Ce concerto n'est pas mon préféré, je lui trouve un côté brouillon, mais le pianiste et l'orchestre en donnent une interprétation exemplaire, beaucoup plus rapide que le disque récemment sorti. En observant
Francesco Tristano Schlimé d'en haut, je ne peux m'empêcher de penser à la
critique par Renaud Machard de son concert du Mans le comparant à un chat. Et il y a du félin en effet dans ses mains qui sautent promptement de l'aigu vers le grave, vers ces prises de risques calculées, vers l'artiste qui retombe toujours sur ses pattes. La salle fait un triomphe mérité à l'enfant du pays.
La deuxième partie consacrée à l'arrangement qu'à fait Pletnev de la
Belle au bois dormant de Tchaikowski. Je m'ennuie pendant toute la durée de l'oeuvre à laquelle je me demande vraiment ce que l'on peut trouver d'interessant. De jolies mélodies bien propres, une orchestration minutieuse mais que d'ennui...
Le lendemain, le programme de la Philharmonie annonce Martha Argerich, dans un concert sponsorisé par Clearstream...
16955ème jour
Leipzig
Il y a longtemps que je voulais connaître Dresde et Leipzig, Dresde surtout, dont quelques bâtiments ont, parait-il, survécu. Aussi, en allant de Berlin à Luxembourg, avaons nous fait une courte escale à Leipzig. Le centre ville a été considérablement amélioré depuis la chute du mur. Nous sommes passés au
Gewandhaus, bâtiment assez laid des années 60, au bord du petit ring. Je coulais voir la fameuse statue de Beethoven de Max Klinger qui fut longtemps dans le hall du Gewandhaus mais celle-ci a maintenant été déplacée dans une salle du très beau
Museum der bildenden Künste, bâtiment ultramoderne en plein centre, dans la facade duquel se reflètent les vieilles maisons allemandes.
Nous avons contemplé un long moment la
statue de Beethoven et j'ai pensé à ce 15 avril 1902, où elle se trouvait dans le bâtiment de la Sécession à Vienne et près d'elle, Mahler avait dirigé une réduction pour cuivres du finale de la Neuvième Symphonie, pour l'inauguration de l'exposition.
Nus sommes passés bien sûr à la Thomas Kirsche qui a du entendre tant de cantates, et où Bach repose au centre du choeur.
16954ème jour
La Huitième de Boulez à Berlin
N'ayant pas pu obtenir de place pour l'un des deux concerts, je me suis donc contenté de la générale de cette interprétation qui était un véritable événement puisque Pierre Boulez n'avait pas dirigé la
Huitième Symphonie de Mahler depuis 1975. Près d'une heure à l'avance il y a une trentaine de personnes, dont beaucoup de français, devant l'entrée des coulisses de la Philharmonie. Nous nous installons face à l'orchestre, un peu en hauteur pour bien entendre. Dans la salle, quelques instrumentistes sont déjà là et le choeur d'enfants s'entraîne à se lever et s'asseoir à l'unisson. Les choeurs entrent peu à peu, envahissant entièrement la scène presque étroite pour tout ce monde aux tenues bariolées. A 18h00 précises Pierre Boulez abaisse sa baguette. L'orgue de la Philharmonie retentit, puissant, puis le
Veni creator à un tempo extrêmement rapide. Le plus sublime de cette répétition était sans doute le début de la Seconde Partie, ce long passage orchestral très dense à l'architecture complexe où la fameuse clarté de Pierre Boulez fait merveille. Les trois solistes hommes sont remarquables, en particulier la basse Robert Holl. Côté femme, c'est nettement plus décevant, Michelle DeYoung parvenant seule à s'en tirer honorablement. Un magnifique finale, très ample, proche de celui de la Seconde l'an passé, beaucoup d'imperfections orchestrales qui incitent Pierre Boulez à reprendre une heure de répétition pour peaufiner. Je quitte la Philharmonie à regret, à cause d'un dîner, et je me console en lisant le programme du
Mahler Zyklus 2007 où Daniel Barenboim et Pierre Boulez se partageront les dix Symphonies, les trois grands cycles de Lieder, le
chant de la terre et le
Knaben Wunderhorn du 1er au 12 avril 2007.
16953ème jour
Le Manfred d'Abbado
C’est comme d’habitude un grand bonheur que de retrouver la Philharmonie, ses lignes pures et son acoustique parfaite. Et c’est un événement attendu auquel nous assistons, car il s’agit du concert annuel de Claudio Abbado avec ses anciens Philharmoniker. Première partie très courte avec les
Wesendonk Lieder de Wagner chantés par Anne Sofie von Otter accompagnée avec une immense délicatesse Abbado et l’orchestre. La deuxième partie est constituée par la musique de scène rarement jouée Manfred de Schumann dont le texte a été établi en allemand par Schumann lui-même d’après Lord Byron.
L’œuvre est constituée pour moitié de texte parlé et des acteurs jouent dans ce qui est plus une mise en place qu’une mise en scène. Bruno Ganz tient le rôle de Manfred et il est assez pathétique de le voir traîner son personnage du bas en haut de la Philharmonie, éructant son allemand comme le Hitler de
La Chute, le nez et les lunettes en permanence dans le livret, puisqu’il n’a même pas eu la politesse d’apprendre son texte. Comme nous sommes assis derrière l’orchestre, face au chef, Bruno Ganz grimpe les escaliers nous séparant de la scène et se tient juste devant nous pendant quelques minutes, face au public. J’évalue la distance entre le genou de Michael et la jambe du grand acteur à une dizaine de centimètres.
Reste la musique, une ouverture célèbre et plutôt agréable, des petits motifs assez banals rythmant ça et là le texte parlé, deux beaux chœurs, un passage assez moderne où l’orgue de la Philharmonie est utilisé et un très beau mais court finale. Un concert un peu décevant qui me fait encore regretter de n’avoir pu assister à la mythique
Quatrième de Claudio Abbado l’an passé à Berlin.
16952ème jour
Paris Berlin
Il y a fort longtemps que je pratique cette route Paris Berlin. On prend la direction de Bruxelles, on bifurque un peu avant pour Liège et la Ruhr où l’on doit se débrouiller dans le réseau dense des autoroutes entre Düsseldorf et Dortmund. Puis on monte vers Hanovre, on passe près du joli village de Celle, on traverse les étendues boisées de feu l’Allemagne de l’Est et on aborde le grand Ring de Berlin par les forêts de Potsdam avant de distinguer enfin la
Funkturm de Berlin qui, avec ses petits airs de Tour Effeil, nous accueille, juste avant de traverser le Tiergarten. C’était la quatrième fois que je faisais ce parcours en voiture, l’ayant déjà fait avec Gaëtan dans ma Renault 5 noire, avec P. en lada et avec Alban Berg dans la new lada.
Alors qu’avec Michael nous nous trouvions vers Hanovre, il était nécessaire de faire le plein, mais nous avons bien du faire cinquante kilomètres avant de voir une station service… de l’autre côté de l’autoroute. Nous hésitions, demandons à une voyageuse allemande qui va s’enquérir auprès de routiers de la station la plus proche dans notre sens, mais sans résultat. Finalement, nous décidons de ne pas courir le risque d’une panne d’essence. Il y a une passerelle piétons un peu avant, nous la franchissons, achetons un jerrycan et repartons avec cinq litres de carburant à la recherche de la station suivante.
Vers deux heures du matin nous roulons dans Berlin et passons boire un verre à
die Busche.
16951ème jour
Grammaire
- On dit comment en français?
- Jouir
- Jouillir?
- Jouir. Je jouis, tu jouis, il jouit...
- Nous jouions?
- Nous jouissons. Vous jouissez...
- Ils jouissent?
- Bravo!
16950ème jour
Ying & Yang
Aimer son pareil on s'ennuie; aimer son contraire, on s'irrite.
Paul Morand (1888-1976),
Tais-toi
16949ème jour
Petits trucs turcs V
En Turquie, les panneaux STOP sont comme les panneaux français avec leur forme octogonale et leur couleur rouge. Mais au centre, est inscrit le mot STOP en turc. Et STOP en turc, se dit
DUR.
16948ème jour
Il y a cent ans
Il y a cent ans, le 16 mai 1906, avait lieu au Théâtre de Graz la première autrichienne de Salomé de Richard Strauss, sur un livret d'Oscar Wilde. L'orchestre et les chanteurs étaient placés sous la direction du compositeur. Dans la salle, se trouvaient Gustav et Alma Mahler, Giacomo Puccini, Arnold Schoenberg, Alexander von Zemlinsky, Alban Berg, la veuve de Johann Strauss et un jeune adolescent autrichien nommé Adolf Hitler. Il y avait même dans la salle un héros de fiction en la personne d'Adrian Leverkühn, le héros du roman de Thomas Mann
Doktor Faustus...
16947ème jour
D'île en île
Celà m'a pris beaucoup de temps pour retrouver
La douane de mer, au fond d'un carton de livres. J'ai eu aussi du mal à retrouver le
passage sur Symi. Entre deux pages, se trouvaient deux cartes d'embarquement de Djakarta à Paris. Vol GA 928, Boeing 747, places 46J et 46K, le 18 février 1994.
C'est donc à Bali que j'ai découvert Symi.
16946ème jour
Pourquoi j'aime Symi
Au temps où j'étais un homme, j'ai vécu à Symi dans une grande maison blanche au bord d'une anse ronde et presque close qui s'appelait la baie de Pedi. La maison avait un jardin. Un mur entourait le jardin et les chêvres, le matin, descendaient des collines et défilaient le long du mur dans un tintement de cloches. Il y avait un arbre dans le jardin et une table sous l'arbre. J'ai passé là, avec Marie, quelques mois de ma vie et, évanouis, éternels, ce sont à jamais les plus beaux.
- Et que faisiez-vous? demanda A en agitant son crayon et sur un ton où la suspicion se mêlait vaguement à l'enquête.
- Mais rien, lui dis-je. Nous ne faisions rien.
- L'amour? demanda A.
- L'amour, lui dis-je. Le matin, de bonne heure, après le passage des chêvres, nous descendions à pied, jusqu'au port de Symi où nous allions acheter du pain, du vin, de l'eau, du miel, du riz, des pâtes, du jambon. Nous revenions à pied. Nous dormions beaucoup. Nous nagions dans la baie. L'eau était calme et bleue. Nous voyions le sable et les pierres à quelques mètres sous nous. Quand nous avions fini de nous baigner, nous nous étendions sur les galets, le long du rivage, à la façon de gisants serrés l'un contre l'autre, et nous regardions la mer, au loin, où passaient les bateaux, de l'autre côté du goulet sui fermait notre baie. Et l'ouverture était si étroite qu'il fallait, pour les attraper dans la minceur du créneau, guetter les voiliers silencieux ou les pétarades des rafiots des pêcheurs qui laissaient dans le ciel des corolles de fumée : à peine apparaissaient-ils avec lenteur, presque avec solennité, dans l'angle étroit qui ouvrait sur le large qu'ils commençaient déjà à disparaître. (...)
Un jour, pris d'une agitation que nous ne contrôlions plus ou de la folie des grandeurs, nous avons loué, pour faire le tour de l'île, un bateau de pêcheur. Nous étions trois : le pêcheur, Marie et moi. Le bateau était très petit. Le moteur faisait un bruit d'enfer. De l'huile s'échappait de partout. Trois nuits de suite, pendant que le marin couchait sur son bateau, nous avons dormi à la belle étoile, sur les rochers du rivage. A l'autre bout de l'île, sur une hauteur escarpée, il y avait un monastère où nous sommes arrivés le troisième jour. Nous avons grimpé jusqu'en haut par de beaux escaliers que gravissent les pèlerins. Après deux jours de solitude, nous avions l'impression d'être rentrés dans le monde. Le monastère était propre et blanc, avec une petite église et une grande cour, croulant sous les bougainvillées, sur laquelle donnait une petite chambre. Peut-être parce qu'ils étaient tombés eux aussi sous le charme de Marie, les popes nous ont proposé de nous louer la chambre. La vue sur la mer était belle à faire peur. Notre maison de Pedi avait l'air, à côté, d'un clapier, d'une HLM de banlieue. Nous avons hésité. Nous avons passé plusieurs heures à regarder l'île et la mer de la fenêtre de la chambre. Mais mon rasoir et Jeeves nous attendaient à Pedi. Nous sommes rentrés chez nous par le bateau de pêcheur.
Jean d'Ormesson - La douane de mer - Deuxième jour - Chapitre VIII - Le sourire du Bouddha
16945ème jour
Sarper
Tu m'attendais dans le hall de l'hôtel
Marmara, légèrement intimidé. Nous sommes allés au dernier étage, au bar dont la vue sur la ville est si belle. Les minarets scintillaient dans la nuit. J'ai pris une
Margarita. Toi un verre de vin rouge. Nous étions côte à côte, face à la vue, mais le plus souvent nous nous regardions. Ensuite tu m'as emmené dans ton quartier de
Nisantasi, pour me montrer les endroits que tu aimes. Nous avons trouvé un bar encore ouvert. Tu as repris du vin , j'ai demandé un
raki, ce qui t'a surpris. Je t'ai raccompagné en bas de chez toi. Avant de disparaitre dans le hall de ton immeuble, tes lèvres se sont posées sur les miennes.
A mon retour de Datça, nous nous sommes retrouvés. Nous sommes entrés à l'
Other Side mais nous en sommes repartis aussitôt tant l'endroit était bruyant. Nous sommes allés dans un petit bar de Lamartine Caddesi où il n'y avait presque personne. Du vin de nouveau pour toi, vodka orange pour moi. Tu m'as demandé de venir près de toi sur la banquette. Et je t'ai embrassé. Et tu m'as embrassé. Tu as demandé au patron où nous pouvions aller ce samedi soir. Au
Barbahce a-t-il répondu ce qui veut dire
bar jardin en turc. Et le patron t'a même fait un petit mot de recommandation quand tu lui as dit que tu n'y étais en général pas accepté à cause de ton âge.
Nous nous sommes revus le dimanche, nous avons marché dans
Nisantasi, nous avons déjeuné à la Brasserie et nous nous sommes quittés. Je t'ai appelé depuis le taksi pour l'aéroport. Et tu m'as dit "
I miss you".
16944ème jour
Petits trucs turcs IV
Comment dit-on
Loterie en turc?
16943ème jour
Petits trucs turcs III
Sachant que le Q, le W et le X n'existent pas en turc, remplacés respectivement par le K, le V et le KS (comme dans Kota, Vagon ou Taksi), combien l'alphabet turc compte-t-il de lettres? 23 me direz vous? Eh non, il y en a en réalité 29, car il faut compter avec le
Ç (tché), le
G surmonté d'un croissant (qui ne fait qu'allonger la voyelle qui précède et que le turcs appellent le G soft, soit
Yumuchak Gué), le
I sans point (E guttural), le
Ö (EUH), le
S cédille (CH) et le
Ü (U), soit 29 caractères.
L'alphabet turc se déclame donc sur cette belle musique :
A, Bé, Djé, Dé, è, Fé, Gué, Yumuchak Gué, Hhhé, Aeuh, I, Jé, Ké, Lé, Mé, Né, O, Euh, Pé, Rrré, Sé, Ché, Té, Ou, U, Vé, Yé, Zé.
Ouf!
16942ème jour
Petits trucs turcs II
L'eau minérale turque la plus fréquente s'appelle
Turkuaz, ce qui est assez logique. Mais l'on trouve assez souvent la marque
Pinar, ce qui est plus étonnant.
16941ème jour
Petits trucs turcs I
Ce matin, j'avais rendez vous avec un client sur la rive asiatique et, plutôt que de prendre un taksi et de tenter d'accéder à l'un des deux ponts saturés de traffic, j'ai pris un ferry qui m'a amené de l'autre côté en moins de dix minutes. Au milieu du Bosphore, dans la belle lumière jaune du matin, j'ai contemplé les deux rives et je me suis dit que j'avais décidément beaucoup de chance. Je me suis aussi souvenu de la petite cabane du ferry à Datça qui était surmontée d'un anachronique panneau
FERIBOT.
16940ème jour
Présage?
Chaque chambre de l'hôtel de Datça était baptisée du nom d'un Dieu ou d'une Déesse antique. La mienne s'appelait Niké.
16939ème jour
Un petit déjeuner à Datça
Dans mon hôtel perdu de Datça hier matin, j'ai pu tester le vrai (?) petit déjeuner turc, qui a peu à voir avec le notre. Il y avait d'abord beaucoup d'olives, des vertes et des noires, de production locale bien sûr. Et puis une petite salade de tomates avec quelques concombres, un oeuf dur (les oeufs turcs ont toujours une coquille très blanche), un fromage vaguement industriel, une belle panière d'un pain croustillant (fabriqué par le voisin si j'ai bien compris) avec de la confiture (pas de beurre)et un petit verre de thé turc.
16938ème jour
A la recherche de Symi II - Knidos
Je me suis levé tôt et j'ai filé au port. La petite boutique d'excursion
Simy daily était ouverte mais son propriétaire m'a indiqué que je ne pouvais aller à Simy que le soir même et en revenir le lendemain. C'était malheureusement impossible. J'ai regardé encore une fois Simy au loin. En quittant le port j'ai regardé un stand de cartes postales fânées. L'une d'elle représentait un superbe amphithéâtre grec face à la mer. Comme il ne se trouvait qu'à trente kilomètres, j'ai décidé de m'y rendre, à l'extrémité de la longue presqu'île de Datça la partie la plus au sud ouest de la Turquie.
Le site est enchanteur, deux criques créées par une digue artificelle perse entre le continent et une petite île qui furent longtemps les deux ports de Knidos. L'amphithéâtre est sublime avec sa vue sur la mer, sa capacité de huit mille spectateurs, on y imagine forcément les pièces ou réunions de citoyens qui ont du s'y tenir voici deux mille ans. Knudos était fort étendue, on peut encore se promener sur les dalles de la rue principale. De grands artistes y ont vécu comme Praxitèle ou Sostrates, l'architecte du Phare d'Alexandrie. Mais le plus magique du site de Knudos est la vue qui s'offre au visiteur qui grimpe sur les hauteurs de l'ancienne ville. Des rochers sont à pic sur la mer, offrant une vue extraodinaire sur la mer très bleue et les îles avoisinantes. Je me suis assis là, dans un fauteuil naturel de pierre et j'ai passé l'après midi avec Beethoven, Mozart et Schostakovich. Vers seize heures, je suis reparti vers l'aéroport de Bodrum.
16937ème jour
A la recherche de Symi I - Datça
Il y a longtemps que je rêve de me rendre à Symi, cette petite île grecque à un jet de pierre des côtes turques. Ces îles rendent d'ailleurs les turcs furieux, non pas qu'ils espèrent encore les reconquérir, mais en raison du fait qu'ils doivent posséder un passeport
Schengen pour se rendre à quinze kilomètres de leurs côtes, tandis que les grecs peuvent venir faire leur shopping comme ils le désirent en Turquie.
Ayant enfin un week end disponible depuis Istanbul, j'observe sur cette jolie
carte de Symi que le ferry se rend à Datça
(prononcer Datcha) et que l'aéroport le plus proche est Bodrum. Je prends donc un billet d'avion pour Bodrum et j'atterris une heure plus tard en pleine chaleur et au soleil, dans une petite plaine entourée de montagnes. Je loue une voiture et me voilà parti. Je suis heureux de découvrir les paysages turcs en dehors d'Istanbul : une campagne sublime, très méditerranéenne, plutôt montagneuse et parsemée de villes laides... Je quitte l'aéroport en direction de l'ouest, près des vignobles de
Kavaklidere, puis c'est une longue quatre voies qui descend vers le sud et qui contourne le
golfe de Mugla jusqu'à Marmaris. Puis je repars vers l'ouest en direction du bout de monde. Il fait nuit maintenant. La route est montagneuse, une section de dix kilomètres en travaux est recouverte de terre, et trois heures après mon départ de l'aéroport, j'arrive enfin à Datça. Je me trouve vite un petit hôtel devant lequel flottent les drapeaux turc et européen, je laisse 45 livres turques sur le comptoir et demande au gardien de nuit :
- Do you know if it is possible to go to Symi tomorrow?
- Sorry I dont know...
- But do you know where is the ferry departure?
- Sorry I don't know...
Un peu inquiet, je vais au petit restaurant du port prendre un mezze et un verre de vin. Symi est
là devant moi dans la nuit. Je repose ma question au serveur :
- Do you know if it is possible to go to Symi tomorrow?
- Sorry I dont know...
- But do you know where is the ferry departure?
- Sorry I don't know...
Je marche un peu sur le port, j'aperçois une boutique
Symi daily qui me donne un peu d'espoir et je rentre dormir à l'hôtel.
16936ème jour
Les banques turques
Il y a un grand nombre de banques en Turquie, malgré un phénomène de regroupement important qui voit l'implantation des grandes banques internationales. Les banques turques ont des noms assez amusants qui sentent bon le monopoly ottoman. Il y a par exemple
Seker Bank (la banque du sucre),
Deniz Bank (la banque de la mer),
Ak Bank (la banque blanche),
Yapi Kredi (le crédit à la construction) ou encore
HalkBank (la banque publique, qui d'ailleurs ne l'est plus). Certaines ont disparu comme la
Banque ottomane (en français dans le texte),
Pamuk Bank (la banque du coton) ou Koç Bank, (la banque du bélier, récemment rachetée par
Yapi Kredi).
16935ème jour
Moment rare
Alors que je tape cette ligne, depuis ma chambre de Sultanhammet, il est 01h02mn03s le 04/05/06.
Merci Guillaume.
16934ème jour
Des nouvelles du bureau(x)
Je travaille l'essentiel de mon temps en anglais, en particulier à l'écrit. Or, dans mon activité, sans entrer dans le détail, nous opérons à partir d'un certains nombre de "
bureaux locaux", le terme de
bureau ayant, une fois n'est pas coutûme, essaimé vers l'anglais. Lors de mon entrée dans cette entreprise, je m'étais étonné de voir les français écrire "
bureaus" lorsque l'on parlait de
bureaux au pluriel dans une phrase en anglais. "
Les anglais mettent un S à tous les mots au pluriel!" me répondait-on invariablement.
Lors de mon
séjour dans la campagne anglaise, j'avais été tout aussi surpris de voir mes collègues britanniques inscrire le mot
bureaux au pluriel avec un X. Leur demandant ce qu'il convenait de faire, ils m'ont répondu étonnés : "
Mais nous savons bien qu'il faut un X en français! Ce sont les ploucs qui mettent un S!"
16933ème jour
Des nouvelles du Tamagochi
Je continue de nourrir patiemment mon Tamagochi. Il est empli à plus de moitié désormais, soit plus de 300 CD dans le petit volume blanc. Les veilles de départ, je consulte la liste griffonnée lors du dernier voyage où j'ai inscrit quelques oeuvres inexplicablement absentes. C'est aussi l'occasion de réécouter des disques que je n'ai pas entendu depuis fort longtemps. Comme mes premiers CD remontent à 1983 (mon tout premier CD était la
Première de Mahler par Abbado et l'orchestre de Chicago 128,50FF à la
Fnac Forum), je fais parfois des découvertes quasi archéologiques. Ainsi ce
Messie de Händel, dans sa première mouture
Gardiner avec 3CD (pour à peine plus de deux heures de musique). Dans les premiers coffrets de CD, les éditeurs plaçaient des feuilles de mousse plastique censées protéger les précieuses galettes. Avec le temps la mousse s'est totalement collée aux CD et c'est un véritable travail que de la retirer.
16932ème jour
Les week ends les plus heureux...
... ne sont pas toujours ceux dont on se souvient le mieux...