17755ème jour
Borispol au petit jour
Le réveil a sonné à 3h30. J’ai pris ma douche, j’ai rangé rapidement mes affaires et je suis descendu, le taxi m’attendait à 3h50 précises. Il a roulé à vive allure en direction de l’aéroport. Il parlait à voix basse dans le micro avec la fille qui gère les taxis, comme s’il mijotait un truc louche. A peine avais-je quitté le taxi que je me suis rendu compte que j’avais oublié mes clefs sur le lit. Il était 4h15, quatre vingt dix minutes avant le vol pour Athènes, je n’avais plus le temps de retourner au centre de Kiev, j’ai appelé mon collègue qui dormait pour qu’il saute dans un taxi et qu’il tente de m’apporter le trousseau de clef avant l’heure limite d’embarquement. J’ai enregistré puis je suis sorti devant l’aéroport alors que le ciel prenait un couleur violette de plus en plus pâle. Des annonces sur haut parleur rythmaient mon attente. La voix au fort accent ukrainien annonçait en anglais, en russe et parfois en français, la fin des enregistrements, le début et la fin des embarquements pour les vols du matin : Paris, Amsterdam, Moscou, Patras, et le mien, Athènes. Slava est arrivé à 5h20. J’ai pris mes clefs, j’ai passé rapidement le contrôle des bagages à main, j’ai sauté toutes la file de contrôle des passeports alors qu’on faisait le dernier appel pour Athènes et j’ai embarqué.
Le Boeing 737 est presque vide alors que je tape ces lignes. Quelques familles ukrainiennes qui partent en vacances en Grèce, des grecs qui rentrent chez eux, un Pope à la longue barbe et aux oreilles très poilues, et moi. Et sur la tablette, à côté de mon ordinateur, un magnifique sac à vomi collector de la Compagnie
Aerosvit.
17754ème jour
L'ail, l'oignon, la truite et les slaves
Je déjeune avec deux collègues, un russe et un ukrainien. Il était prévu un repas très rapide mais nous avons échoué Dieu sait pourquoi dans un lieu huppé à la décoration hallucinante : une atmosphère de campagne, des animaux empaillés, de la musique populaire ukrainienne et dans les toilettes deux moitiés de cheval grandeur nature.
Sur la table, une coupe avec des oignons et de l’ail que mes collègues dévorent, crus, avec plaisir. Ils choisissent de la truite et on leur sert des portions pantagruéliques. Au moment de l’addition, je m’aperçois que les truites ont été comptées huit fois, pour la somme totale de 80 euros. Renseignement pris, le prix indiqué sur la carte était pour cent grammes. Mésaventures classiques à Kiev…
17753ème jour
Retour au Parnasse
Je retrouve avec plaisir mon petit restaurant
Parnasse sur le square près de l’opéra. Je retrouve aussi mes petits beignets de pomme de terre, et un délicieux bortsch froid, on boit de la vodka au poivre et un excellent vin rouge de Crimée. Il fait beau, il fait chaud, on rentre à pied à notre appartement un peu sinistre.
17752ème jour
Paris Kiev
Le vol du soir pour Kiev. J’arrive vers onze heures à
Borispol. Il fait chaud. Comme à l’habitude le chauffeur de taxi fonce comme un malade sur l’autoroute qui mène au centre ville. Bien qu’étant à l’arrière, je mets ma ceinture de sécurité, ce que je ne fais jamais habituellement. Nous traversons le Dniepr en trombe et je retrouve mon collègue qui m’attend au pied d’un immeuble un peu miteux où je logerai cette fois ci.
17751ème jour
Pierre suite et fin
Je n’avais plus de nouvelles depuis quelques jours, je lui ai envoyé un message m’étonnant de ce silence. J’ai obtenu une réponse vague et fausse à laquelle j’ai répondu par un
Adieu.
17750ème jour
Picklope
Journée d’été, je retrouve Alban Berg près de chez moi, on part en Velib jusqu’au jardin du Luxembourg. Il achète chez Gibert des
Gurrelieder, et moi le récital du nouveau baryton à la mode. On retrouve des amis à lui au bord du bassin du Luxembourg, on dîne aux
Editeurs et on finit la soirée dans un endroit bizarre découvert par eux, le
Pickclope, petit café du Marais où, comme au
Long Bar du
Raffles de Singapour, les cacahuètes sont fournies à volonté.
17749ème jour
Athènes
Il y a une douceur particulière à Athènes, et je comprends l’attachement et l’admiration des romains pour cette ville. Même si la journée était entièrement consacrée au travail, il y eut ce déjeuner près de la place
Kollonakis, dans ce petit quartier que j’aime bien et où j’ai des souvenirs anciens. Avec un groupe de clients originaires de Corfou, on a déjeuné d’un délicieux poisson sur une terrasse ensoleillée. Le bonheur de cette heure compensait presque le retard habituel du vol
Easy jet du soir.
17748ème jour
Dubai Athènes
Le vol de Dubai à Athènes par
Emirates m’a semblé étonnamment long, plus de quatre heures. La bouffée de chaleur qui m’a accueillie m’a semblée bien douce comparée aux 48 degrés de Dubai. J’ai profité de la fin d’après midi pour rester un peu près de la piscine, sur le toit de l’hôtel, avec une jolie vue sur le Parthénon. Mes collègues sont arrivés en début de soirée et comme à l’habitude, nous sommes allés dîner à ma chère
Taverna Byzantina.
17747ème jour
Chez le notaire à Dubai
A ma grande surprise, le notaire à Dubai tient de la Sécurité Sociale en France : on prend un ticket et on attend son numéro, assis sur des chaises peu confortables. Nous sommes passés tout d’abord à un premier guichet où un Emirati vérifiait la demande faite, les documents et les pouvoirs des signataires. Nouvelle attente. Nous passons à un guichet pour la signature proprement dite. C’est une jeune femme entièrement voilée et aux mains recouvertes de tatouages au henné qui nous reçoit. Elle nous demande un exemplaire de notre signature, puis nous passons à la signature des documents eux-mêmes. A un moment, elle prend du tipex et modifie insensiblement la version arabe du contrat. Quelques points supprimés, une arabesque ajoutée. Dans la mesure où c’est la version arabe du contrat qui fait foi, je demande à un collègue arabe de valider la modification. Il ne s’agit en fait que d’un pur problème de forme, de la façon spécifique d’écrire quelques caractères aux Emirats. Nous signons et repartons dans la chaleur terrible de cette journée.
17746ème jour
Dubai par 47 degrés
Mon séjour le plus chaud à Dubai, le thermomètre flirte le plus souvent près de cinquante degrés et de plus il fait humide. La plupart des habitants en profitent pour quitter les émirats, les autres s’efforcent de sortir le moins possible dans la rue ou de rester dans les piscines réfrigérées.
Pourtant les esclaves des temps modernes, venant d’Inde et du Pakistan continuent à s’affairer dans les tours en constructions. La loi prévoit qu’au dessus de cinquante degrés les chantiers s’arrêtent mais bien sûr, officiellement, cette température n’est jamais atteinte.
17745ème jour
Paris Dubai
A peine rentré de Moscou, je repars à Dubai. Au cours du vol je découvre l’excellent film des frères Cohen
No Country for old men que je n’avais bizarrement jamais vu et dans lequel les deux cineastes renouent avec ce qu'ils ont fait de meilleur. Je lis aussi le livre qu’Eliette von Karajan a consacré à son mari, un ouvrage plein de tendresse et sobrement intitulé «
A ses côtés ». J'y ai appris qu'elle est née à Mollans sur Ouvèze qui se trouve à quarante kilomètres du berceau de ma famille. Comme nous portons le même patronyme, il est probable que nous avons des ancêtres communs.
17744ème jour
Pierre VI
Je t’ai retrouvé à la sortie de l’hôtel
Amour. Nous sommes allés boire un verre sur les grands boulevards. J’ai senti que quelque chose n’allait pas, que quelque chose n’allait plus. Tu n’as pas voulu me dire quoi. Je t’ai ramené chez toi.
17743ème jour
Moscou Paris
Alors que je me promène près de la Place Rouge, je suis un groupe de six militaires en treillis qui ont tous inscrit sur le dos en grande lettres jaunes OMOH. Je les prends en photo en me disant que personne ne croira que la photo est dans le bon sens.
Je retourne à l’hôtel où un taxi m’attend. Le chauffeur parle français, il m’explique avoir travaillé assez longtemps en Belgique et en France et qu’il est rentré il y a six mois «
à cause de Sarkozy ». Il me précise ne pas avoir été expulsé mais que cela devenait trop difficile travailler irrégulièrement.
A l’aéroport de
Sheremetyevo je retrouve avec appréhension le contrôle de police. Celle d’aujourd’hui trouve sans doute que je ne ressemble pas à la photo de mon passeport. Elle lève le passeport à côté de mon visage et plaque successivement son regard d’acier sur la photo puis sur moi. Je rigole tant la situation est grotesque mais la policière n’apprécie pas ma décontraction est recommence à plusieurs reprises son manège sans même l’esquisse d’un sourire.
17742ème jour
Le café Pouchkine
Je retrouve un client au métro
Pushkinskaia. Je suis en costume strict, il est en tee-shirt. L’orage du jour commence en ce début d’après midi et nous courrons vers le
café Pouchkine, à deux pas le long du Boulevard. C’est un endroit hors du temps, récemment restauré. Des pièces de belles proportions à la sublime décoration, un grand bar de bois sombre, un éclairage très faible aux allures de bougies, un personnel en tenue très XIXème siècle, poussant le déguisement jusqu’à porter des rouflaquettes. La nourriture est succulente, je choisis un bortsch froid et une assiette de grillades, mon client fin gourmet recommande un vin rouge de la Mer noire.
Après déjeuner, la pluie a cessé, nous marchons ensemble sur la promenade verdoyante le long du boulevard. Moscou est agréable lorsqu’elle prend son allure estivale.
17741ème jour
Moscou mes emmerdes
Je me rends au bureau vers neuf heures. Mon collègue me dit que notre rendez-vous de onze heures ne se trouve pas loin et que nous pouvons nous y rendre à pied. Nous partons vers dix heures trente. Après quarante cinq minutes de marche sous un soleil de plomb nous arrivons chez notre client avec un quart d'heure de retard. Je suis un peu énervé mais le rendez-vous se passe bien. Retour au bureau. Impossible de trouver un taxi. Nous repartons à pied sous le cagnard. Pour finir, mon collègue demande à des gens qui bricolent une vieille guimbarde s’ils veulent bien nous emmener pour le dernier kilomètre. Ils le font volontiers pour quelques roubles.
Réunion au bureau avec des clients venus pour me voir depuis Perm, un bled paumé à trois heures d’avion de Moscou. Il ne parlent pas anglais, il faut tout traduire, c’est laborieux.
Nous repartons en métro pour un rendez-vous en banlieue. « A dix minutes à pied de la station de métro ! » me dit mon collègue. Nous arrivons à la station
Kaluzhskaya, un quartier à l’allure soviétique, avec ses grandes barres grises d’immeubles un peu égayées par des centres commerciaux aux allures criardes et racoleuses. Nous marchons le long d’une quatre voies complètement bloquée par des embouteillages. Vingt minutes plus tard, mon collègue demande enfin son chemin. "
Vous vous êtes trompés!" répond une babouchka,
vous n’avez pas pris la bonne route à la sortie du métro. Il fait chaud, l’orage du soir s’annonce et je commence à m’énerver. Nous montons dans un bus qui bien sûr n’avance pas d’un pouce à cause de l’embouteillage. Nous redescendons, retournons à pied à la station de métro, tournons à gauche, parcourons sous une pluie battante la distance qui nous sépare du lieu de rendez vous, dis minutes en effet. Nous arrivons avec plus d’une heure de retard dans une barre de bureau grisâtre qui date des années 70. Les couloirs sont d’une tristesse infinie, les locaux du client aussi. Il ne parait pas étonné de notre abominable retard et nous offre gentiment un thé.
17740ème jour
Les orages à Moscou
Pendant tout ce séjour, il a fait un temps identique, une très grande chaleur sèche pendant le jour et un gigantesque orage le soir qui rafraichit un peu la ville et au cours duquel s’abattent des trombes d’eaux. Ce soir j’étais avec un collègue à la terrasse d’un café équipé wifi, près de
Pushkinskaia et nous avons du battre en retraite à l’intérieur tant il pleuvait.
17739ème jour
Le métro de Moscou
Je fais l’essentiel de mes déplacements à Moscou en métro. C’est plus rapide et moins cher que le taxi, et cela évite les interminables négociations auxquelles on n’échappe pas lorsqu’on est touriste. Il y a de nombreux désagréments dans le métro de Moscou. Il n’est pas évident de s’y repérer, les vendeuses de tickets ne parlent pas anglais, les escalators qui mènent aux voies sont interminables, et il faut faire la queue pour y accéder, surtout dans le sens de la montée, les voitures sont très bruyantes, on se fait bousculer en permanence par des gens pressés et en été, il y fait tellement chaud que les odeurs y sont assez peu agréables. Et pourtant, la décoration des stations est tellement étonnante, l’atmosphère est tellement particulière que se trouver là est pour moi un très grand bonheur.
17738ème jour
Simon
Alors que Paris se préparait pour le défilé du 14 juillet, je suis parti en taxi vers Roissy pour attraper le vol de Moscou du matin. Il faisait une chaleur étouffante à l’arrivée, un collègue m’y attendait et nous sommes partis à toute allure sur l’immense autoroute qui relie
Sheremetyevo au centre de Moscou. A force de venir, je commence à me repérer dans la ville et j’ai retrouvé ma station de
Novoslobodskaia.
Le soir j’ai retrouvé Simon qui m’attendait assis sur un banc près de la station de
Krasnopresnenskaya. Simon est d’allure finlandaise, il est originaire d’une ville du nord dont j’ai oublié le nom et où il fait un froid hallucinant pendant le long hiver, il habite depuis un mois à Moscou et ne connait pas très bien la ville. Nous sommes partis le long du zoo en direction du centre, on a repris le métro pour deux stations, on a erré dans les rues autour de mon hôtel à la recherche d’un café hypothétique et nous sommes finalement entrés dans l’un de ces Кофе Хауз
(Coffee House), pâle copie russe des
Starbucks. En sortant il faisait nuit noire. Simon a voulu discuter dans un petit square à côté de l’hôtel. Il y avait quelques babouchkas qui promenaient leur chien, c’était amusant. Et finalement Simon s’est décidé, il m’a suivi et a passé la nuit à l’hôtel avec moi.
17737ème jour
Pierre V
J’avais un déjeuner presque à côté de chez toi, dans la rue la plus longue de Paris qui est aussi la tienne. Je t'ai rekoint chez toi, puis on n’est partis ensemble en
Velib, on a du en changer tellement ils étaient déglingués. Je voulais t’emmener dîner chez
Liza, un libanais que j’aime bien rue de la Banque et en général ouvert le dimanche mais fermé sans doute pour l’été. On s’est rabattus chez
Gallopin, on est allés chez moi, on a réussi à être de nouveau sages et tu as même réussi à avoir le dernier métro à Saint Lazare. Moi j’étais un peu triste car je savais que je ne te reverrais pas pendant mes six jours moscovites.
17736ème jour
Pierre IV
J’ai tenté d’acheter sans succès deux billets pour la
Neuvième qui terminait le cycle Beethoven Masur ONF au théâtre des Champs Elysées.
Le soir j’ai dîné avec ma fille, puis je suis allé pour la première fois chez toi. Tu t’es préparé à dîner devant moi, j’ai été un peu inquiet de constater que tu mettais de la mayonnaise en tube dans tes pâtes, puis tu m’as montré les photos de ton année en Amérique du nord. On s’est presque endormis l’un contre l’autre sur ton canapé, mais je suis reparti chez moi en
Velib. Lady Eiffel scintillait pour la dernière fois cette nuit là lorsque je suis passé près d’elle.
17735ème jour
Pierre III
A peine arrivé de Londres en Eurostar, je me suis changé chez moi et je suis allé en
Velib jusqu’à
Madeleine où je l’ai attendu. Il est arrivé à pied par la rue Royale, je l’ai trouvé magnifique de loin, avec ses cheveux blonds au soleil, et sa petite plaque argentée qui brillait elle aussi dans la lumière. On a eu du mal à trouver deux
Velib, puis on est partis ensemble. On s’est fait engueuler par deux flics qui nous reprochaient de pédaler côte à côte. Nous avons dîné au
café Baci, à côté de deux écossaises en vadrouille qui ont tellement aimé bavarder avec nous qu’elles nous ont offert un verre de scotch avant de partir.
17734ème jour
Istanbul Londres
Un vol qui m’est inhabituel : Istanbul Londres par la
Turkish Airlines. A l’arrivée sur Londres, j’ai encore la chance d’avoir une vue de carte postale sur Londres avec une vue magnifique sur le
Dome Millenium, sur le Parlement et
Big Ben, sur
Buckingham et
Chelsea, avant d’atterrir à
Heathrow. J’ai pris le train jusqu’à
Paddington, puis un taxi jusqu’à mon hôtel voisin de
Saint Pancras.
17733ème jour
Istanbul
Dans l’après midi, j’ai visité ce qui sera sans doute nos nouveaux bureaux sur la côte asiatique. Le taxi qui m’a ramené sur la rive européenne était complètement fou. Il roulait le plus souvent à très vive allure dans la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute et sinon slalomait entre les poids lourds sur les autres files. Le soir j’ai retrouvé avec plaisir le
Flamm où j’ai dîné avec un collègue.
17732ème jour
Retour à Istanbul
Il y avait huit mois que je n’étais venu à Istanbul. L’arrivée sur la ville a été une des plus belles que je n’ai jamais eues parmi les soixante ou soixante-dix fois où j’ai atterri à l’aéroport
Ataturk. Après avoir longé la rive sud de la mer Noire, l’avion à bifurqué vers la droite juste au dessus du Bosphore qu’il a survolé sur toute sa longueur. Puis j’ai aperçu les deux ponts, le stade de
Besiktas, la tour de
Galata, Sainte Sophie,
Topkapi et la Mosquée bleue. J’ai eu plaisir à revoir la ville dont je trouve qu’elle embellit avec le temps. Il faisait très beau, pas trop chaud avec un ciel bleu de carte postale et j’ai profité pour une des dernières fois de la très belle vue qui s’offre à l’œil depuis nos bureaux de
Besiktas.
17731ème jour
Pierre II
On ne devait pas se revoir avant une semaine mais, au lieu de partir comme prévu à Dubai ce soir, je ne partirai que demain, et à Istanbul. Je lui ai demandé s’il était libre. Il m’a dit que non, mais qu’il se libèrerait. C’est une petite chose, mais ça m’a vraiment fait plaisir. Je l’ai rejoint en voiture à Madeleine, on n’était tous les deux en tenue de travail. Je voulais l’emmener dîner au
Stresa ce petit restaurant italien où je ne suis jamais allé, mais il affichait complet. Alors nous sommes allés au
Louis II, nous avions la salle presque uniquement pour nous et j’avais plaisir à revoir ses yeux moqueurs.
Comme la veille, on est passés chez moi jusqu’à très tard dans la nuit, comme la veille on a été très sages et comme la veille j’ai trouvé que c’était très bon signe.
17730ème jour
Pierre I
Lorsqu’il est entré dans ma voiture, j’ai reconnu ses yeux en amande et qui sont presque constamment moqueurs. "On s’est déjà rencontrés?" lui ai-je aussitôt demandé. "Oui!" a-t-il simplement répondu. On s’était en effet déjà vus à la fin du mois de novembre de l’année passée, on avait dîné chez Barlotti, je l’avais raccompagné sous des trombes d’eau chez sa sœur dans le Vingtième, et pour une raison que ni l’un ni l’autre ne se rappelait, on ne s’était jamais revus. Je ne sais pas non plus je n’avais pas raconté cette rencontre ici.
Ce soir on a essayé de repartir à zéro, on est allés voir le nouvelle éclairage bleu de la Tour Eiffel, on est allés au
café de l’Esplanade, j’avais déjà dîné d’une énorme assiette de saumon acheté à l’aéroport de Stockholm, mais j’ai fait semblant d’avoir encore faim, puis on a sifflé une bouteille de champagne chez moi, on est restés très sages ce qui est très on signe et je l’ai raccompagné chez lui.
17729ème jour
Le concert de Kurt Masur et Gil Shaham au Théâtre des Champs Elysées
Ce concert faisait partie du cycle Beethoven d’adieux entre l’orchestre National de France et Kurt Masur. J’étais impatient de vérifier de mes propres oreilles les progrès de l’orchestre vantés par tous les critiques. Le concert commençait par une des œuvres fétiches de Mahler chef d’orchestre, l’ouverture de
Coriolan, assez mal mise en place et jouée sans grande unité. La
Cinquième Symphonie avait visiblement était beaucoup plus travaillée. Les musiciens jouaient enfin ensemble, très beaux pupitres d’altos, un beau son très germanique, superbe conviction dans le finale.
A l’entracte, j’aperçois David Fray, magnifique avec sa silhouette longiligne, ses cheveux longs et son pardessus sombre. Il a joué le Deuxième Concerto quelques jours plus tôt. Et dans dix jours, il épousera à Ravenne Chiara, la fille de Riccardo Muti.
Le concert s’achevait avec le Concerto pour violon qui a été l’objet d’un incident inattendu : à la fin du premier mouvement, le violon de Gil Shaham a soudain émis un craquement sinistre avant d’émettre quelques sons proches d’un miaulement de chat. Pendant les quelques mesures d’orchestre juste avant la cadence, Gil Shaham a montré au public son archet dont tout la mêche de crin était entièrement détachée, puis, impuissant, s’est tourné vers Kurt Masur qui lui, poursuivait, imperturbable. La jeune femme qui était premier violon se soir là a eu la présence d’esprit de tendre son archet au soliste. Celui-ci l’a regardé, dubitatif, a rapidement retendu le crin et a décidé d’essayer. C’était exactement le moment où commençait la cadence et toute la scène n’a duré que quelques secondes. Le son du violon de Gil Shaham s’est modifié avec le changement d’archet et bien sûr la tension extrême de la salle s’est aussi communiquée au soliste pendant toute cette cadence et même au-delà. A la fin du concert, pendant le triomphe offert par le public à Gil Shaham, nouvel échange d’archets et le premier violon gardera sans doute longtemps le souvenir de cette soirée.
17728ème jour
Varsovie l'été
Le Marriott est envahi de sportifs handicapés de tous les pays du monde. Il y a la queue devant les ascenseurs qui ne peuvent contenir que deux fauteuils roulants. Au petit déjeuner, curieuse impression de faire partie des bipèdes minoritaires. Longue réunion de travail avec un client. En retournant au Marriott, marche devant moi un garçon en tee shirt rouge et en bermuda et aux immenses cheveux blonds longs qui lui recouvrent les épaules et qui ondulent au fur et à mesure de ses pas. Je le dépasse pour voir son visage étonnamment beau. Je demande ma valise déposée à l’hôtel et je vais me changer dans les toilettes. Je ressors en jean et tee shirt, le garçon blond est toujours là, assis à attendre on ne sait quoi. Je n’ose pas l’aborder. Je pars à pied à la recherche de la via Zurawia et de la boutique
Sergio Rossi pour laquelle j’ai vu une publicité dans le magazine
LOT. Je trouve la boutique et demande s’ils ont les chaussures de sport étranges en écailles noires vernies et à semelle blanche. Il leur en reste une paire par miracle à ma taille et en solde. Je pars avec, je vais chez mon disquaire acheter le disque de
Ania, je rentre à l’hôtel prendre mon bagage. Le garçon blond n’est évidemment plus là et je pars en taxi à l’aéroport Frédéric Chopin. "
Tiens il était polonais Chopin?" disent deux français qui attendent derrière moi à l’embarquement.
Entre Roissy et Paris, je roule décapoté en songeant à ce
sixième anniversaire et j’écoute à fond
Ania dans la nuit d’été.
17727ème jour
Varsovie, Ania, Kris
J’arrive par le vol de fin d’après-midi à Varsovie où il fait une incroyable chaleur. Sur tous les murs de la ville, la photo d’une
très jolie fille au look des années 60 qui, semble-t-il, vient de sortir un disque que j’imagine jazzy. J’ai rendez vous avec Kris devant le Marriott. Il a l’air un peu intimidé. On marche ensemble dans les rues chaudes de la ville, je l’emmène au
Cinnamon où j’avais déjà dîné un soir. Il prend des pâtes, moi une Cesar salad, on boit du Chardonnay australien. On retourne à l’hôtel en taxi. Il passe à ma chambre, il a envie de sexe, moi aussi, on fait ça assez vite, il préfère ne pas rester et rentre chez lui. Je m’endors dès qu’il a franchi la porte.
17726ème jour
Henry
Il était grand et mince je l’attendais voiture décapotée devant l’Agence CIC de l’avenue de France. Il est arrivé, il avait un beau sourire, ses cheveux longs attachés derrière la tête. On a roulé le long des quais, traversé la place de la Bastille et on est allés boire un verre au
Murano. Ce soir là, il y avait une panne de climatisation qui diffusait une horreur très désagréable dans l’établissement. Une fille chantait agréablement du jazz dans un coin. J’ai bu une coupe de champagne dont je pense qu’elle n’était pas du tout de la marque annoncée sur la carte et Henry a pris un cocktail de jus de fruit. On est sortis, je lui ai proposé de passer cher moi boire un verre et il a immédiatement accepté. On a bu de la vodka pamplemousse et il a commencé à me sucer alors que j’étais debout devant lui à continuer à siroter ma vodka pamplemousse. C’était ça son plaisir, de sucer en se touchant. On a joui presque en même temps, on a pris une douche et je l’ai raccompagné chez lui.
17725ème jour
Trop plein
J'ai peu de souvenirs de cette journée. Je sais seulement que j'étais vers huit heures du matin au bureau et qu'à vingt deux heures j'y étais encore. Je me souviens aussi avoir déjeuner au Louis II avec une candidate au prénom amusant et que j'ai été en retard à mes rendez-vous du matin au soir.