18881ème jour
Silencio!
Je découvre le
Silencio club, imaginé par David Lynch et qui ouvrira prochainement ses portes à Paris. Le concept me parait particulièrement séduisant.
18880ème jour
Je me souviens
Journée de travail avec des juristes en prévision de mon projet turc.
Le soir je tombe par hasard sur ce texte que j’avais envoyé en juin à Antoine depuis New York parce qu'il m'avait demandé un poème.
Poème inachevé
Je me souviens de notre première discussion.
Je me souviens que c’était le 1er juillet, que je partais le lendemain pour Venise et toi deux jours plus tard pour New York.
Je me souviens qu’à distance, nous échangions des textos.
Je me souviens avoir reçu ta photo, prise dans le métro de New York.
Je me souviens t’avoir envoyé la mienne, alors que j’étais dans les toilettes du restaurant
La Furatola sur le
Calle Lunga San Barnaba.
Je me souviens être allé te chercher devant le
Panthéon.
Je me souviens d’avoir dîné avec toi aux
Fables de la Fontaine.
Je me souviens que tu m’as parlé de Woody, de Robert et de Marion.
Je me souviens que tu es venu chez moi.
Je me souviens que nous avons bu du champagne.
Je me souviens que tu as déballé le poisson vénitien.
Je me souviens avoir écouté avec toi l’
Andante du
Deuxième Concerto pour piano de Schostakovich et j’ai compris alors que jamais je ne pourrais plus l’écouter sans songer à un petit garçon sur la banquette arrière d’une
Rover, regardant sa maman qui conduit, les yeux embués de larmes.
Je me souviens t’avoir déposé près du
théâtre Antoine, je me souviens être parti sans me retourner.
Je me souviens que dix mois se sont écoulés sans te revoir mais sans t’oublier.
Je me souviens t’avoir retrouvé devant la bulle du métro
Saint Lazare,
Je me souviens avoir dîné avec toi chez
Karl et Erik.
Je me souviens avoir roulé avec toi la nuit dans Paris et de t’avoir déposé chez toi.
Je me souviens qu’aussitôt après t’avoir quitté, tu m’as invité à un spectacle et cela m’a fait plaisir.
Je me souviens t’avoir revu sur les Champs Elysées après la
Cinquième de Mahler.
Je me souviens avoir marché avec toi dans l’air printanier des rues de Paris.
Je me souviens être rentré d’Amsterdam pour aller avec toi au spectacle de
James Thierrée au
Théâtre Marigny.
Je me souviens être allé avec toi à l’anniversaire de Raphael.
Je me souviens t’avoir longuement embrassé dans ma voiture près de chez toi.
Je me souviens avoir dîné avec toi à la
Vinoteca.
Je me souviens être venu chez toi pour la première fois.
Je me souviens t’avoir laissé juste quelques heures pour te retrouver le lendemain matin en bas de chez toi.
Je me souviens d’un petit déjeuner à une terrasse ensoleillée de la rue Soufflot.
Je me souviens de notre visite de l’exposition Mahler au
musée d’Orsay.
Je me souviens t’avoir conduit à Meudon.
Je me souviens t’avoir proposé de m’accompagner en Allemagne et je me souviens que tu as aussitôt accepté.
Je me souviens de Berlin et de nos sourires lorsque tu es arrivé à
Tegel.
Je me souviens du
Siegessaüle qui brillait dans le ciel azur.
Je me souviens des
Häckische Höfe, du
Tacheles et du
Café Einstein.
Je me souviens des répétitions d’une cantate de Bach dans la
Kaiser-Wilhelm Kirche.
Je me souviens que nous avons cherché les Friedrich dans le musée de Berlin.
Je me souviens de la
Troisième de Bruckner à la
Philharmonie
Je me souviens de ma première nuit contre toi au NH de la
Leipziger Straße.
Je me souviens t’avoir embrassé dans les jardins du château de
Sans-souci.
Je me souviens de la route jusqu’à Dresde.
Je me souviens de m’être allongé au soleil près de toi devant l’Elbe.
Je me souviens de
Tannhaüser et de sa mise en scène minable.
Je me souviens que tu étais nerveux à l’idée de rencontrer HL et ses amis.
Je me souviens de la route de retour de nuit à Berlin.
Je me souviens d’un lever très matinal.
Je me souviens du petit ours de
Tegel.
Je me souviens de notre premier vol en avion et du petit film que tu y as tourné.
Je me souviens des livres que tu m’as offerts.
Je me souviens d’avoir dormi chez moi près de toi.
Je me souviens de la
Deuxième de Mahler
salle Pleyel et de MTT qui te regardait.
Je me souviens être reparti sans toi à Berlin.
Je me souviens que tu as reçu ma carte de Leipzig.
Je me souviens que tu me manquais.
Je me souviens t’avoir acheté un autre ours à
Tegel.
Je me souviens de notre dernière soirée ensemble.
Je me souviens du
Lutetia et de la
Sardegna.
Je me souviens t’avoir murmuré un secret à l’oreille pendant cette nuit là.
Je me souviens t’avoir dit au revoir alors que tu dormais dans mon lit.
Je me souviens d’être parti à New York, je me souviens que tu m’y manquais terriblement et que je pensais à toi à chaque instant, je me souviens que j’étais heureux car je savais que je te retrouverais bientôt, je me souviens avoir écrit ces lignes dans l’avion de New York à Phoenix, je me souviens avoir ressenti du bonheur à songer à tous ces instants vécus de notre jeune histoire, je me souviens avoir été plus heureux encore à songer à tous ceux que nous allions vivre ensemble.
Je me souviens avoir eu hâte d’être avec toi à Hambourg, à Munich, à Positano, à Ravello, à Amalfi, à Aix en Provence et à New York.
Je me souviens avoir conclu ce poème inachevé en te disant que
je t’aime.
V.
18879ème jour
Cher régime
Régime oblige, je prends pour déjeuner juste une omelette mixte (sans le pain, c'est le plus dur) avec une demi
Badoit. Le garçon m’apporte une addition à 4508 euros. La
Badoit avait été tapée à la caisse 4500 euros au lieu de 4,50 Euros.
18878ème jour
Vitalii I
Vu avec ma plus jeune fille
Super 8, le nouveau film de J.J. Abrams produit par Spielberg. Si le début commence bien, avec cette amusante histoire d’une bande d’adolescents genre
Club des Cinq, qui tournent un film en cachette, la fin est catastrophique avec ce monstre ridicule qui fait bien rigoler dès qu’il apparait.
En fin d’après-midi, je discute avec Vitalii, un biélorusse qui arrive en France le 11 septembre pour faire des études de management à Clermont Ferrand (le pauvre).
Le soir, je regarde sur
arte un documentaire très amusant qui raconte comment des jeunes italiens ont trompé des experts du monde entier en mettant dans la rivière de Livourne des sculptures qu’ils avaient réalisées eux même et qui ont été attribuées à Modigliani.
18877ème jour
Inside-Out II
Mes filles ont souhaité garder leur affiche
Inside-Out et, comme je désirais en avoir une moi aussi, je suis retourné ce matin au
centre Pompidou avec la plus jeune d’entre elles pour une nouvelle séance photomaton. Le bouche à oreille doit fonctionner car il y a encore plus de monde. La sienne ressemble beaucoup à la précédente. La mienne est plus réussie, le point noir ajouté étant bien au centre du visage.
Dans l’après-midi, je reprends (hélas) mes rencontres et je prends un café avec Fred, un type sans intérêt qui donne des cours dans une école d’hôtellerie. Je profite des trombes d’eau qui s’abattent sur Paris pour l’abandonner à son métro.
18876ème jour
Deuil
Déjeuné avec E. à
L’Instinct. Il me parle de lui et de ses proches pendant tout le repas, ce qui me va bien car cela m’évite de lui parler de moi. Je n’avais plus à l’esprit combien il est difficile de gérer l’oubli lorsque l’on vit comme moi en ce moment une période de rupture.
Tous les matins en me réveillant, la première pensée qui me vient à l’esprit est pour Antoine qui n’est plus à mes côtés. Et la vie semble avoir un malin plaisir à rappeler en permanence la personne que l’on cherche à oublier.
Chaque fois que je reçois un SMS, je pense à Antoine car j’avais installé la même sonnerie d’alerte que lui. J’ai envisagé de changer la sonnerie, mais la nouvelle ne me fera-t-elle pas penser également à lui ?
Je n’ai supprimé aucune photo, ni aucun SMS sur mon iPhone et j’ai vu avec soulagement les messages d’Antoine descendre de plus en plus bas dans la liste chronologique des SMS. Je n’ai plus désormais à les subir que lors d’une recherche dans un passé presque lointain.
Bien des films me font penser à lui, les DVD du
Parrain à la fnac, le nouveau film de Christophe Honoré qui sort en ce moment…
Le restaurant
La criée, devant lequel je passe tous les jours me fait penser à Antoine qui m’avait indiqué l’homonymie avec le théâtre de
La Criée.
Je suis retourné au
café Beaubourg il y a quelques jours. J'ai regardé avec effroi la
table des adieux, mais j'ai tellement de souvenirs à cet endroit que je pourrai y revenir sans difficulté.
Cela prendra quelque mois mais le temps fera son œuvre.
J’oublierai.
18875ème jour
Doute
La journée commence gare du Nord (au
Zinc du nord pour être précis) et finit gare du Nord.
Je reprends mes mauvaises habitudes sur
Grindr et autres. Aujourd’hui discussion avec un garçon beaucoup trop jeune qui habite près de Roissy et qui ne sait pas très bien ce qu’il veut.
Mais le sais-je moi-même ?
Perdu trois kilogrammes depuis la vallée du Douro.
18874ème jour
Déprime
Passé la journée à mettre à jour ces pages, les pages heureuses et les pages tristes. J’en sors totalement déprimé.
18873ème jour
Ennui
Journée entière en réunions ennuyeuses qui ont l’avantage de me faire un peu oublier Antoine.
18872ème jour
Francfort Paris
J’ai pris le vol de 7h25 de Francfort pour un difficile retour au travail. Journée entière en réunions ennuyeuses. Le soir, je ramène un collègue à Roissy et, alors qu’il reprend sa valise dans le coffre de ma voiture, j’aperçois l’affreuse
casquette Guinness offerte par Antoine. Je la lui donne, heureux de me débarrasser d’un souvenir de cette période que je tente d’oublier.
18871ème jour
Bayreuth
Il fait gris en ce dimanche bavarois. Après un petit déjeuner
bretzel-jus-de-pomme dans le
Stadtmitte, je prends la route pour Bayreuth où je récupère
Philippe(s) devant son hôtel et nous partons ensemble pour Bamberg. Courte marche dans le centre ville où je me trouvais déjà
quelques mois plus tôt. Nous nous rendons à Baunach, à quelques kilomètres de là pour un déjeuner plutôt agréable dans la salle vide du restaurant
Rocus, tout le monde étant en terrasse. Le repas est entrecoupé de la sonnerie du passage à niveau et du train Breitengüssbach–Ebern qui fait ses allers retours sur la voie unique.
Peu après deux heures, nous prenons la route pour Bayreuth car
Parsifal n’attend pas et mon passager m’a indiqué être stressé de nature.
Nous arrivons donc avec près d’une heure d’avance, ce qui est parfait pour profiter du cérémonial de Bayreuth que je découvre : avant l’opéra et pendant chaque entracte, les cuivres de l’orchestre jouent depuis le petit balcon du
Königsbau la une fanfare tirée d’un
Leitmotiv de l’acte qui va être joué. La fanfare est jouée une fois, un quart d’heure avant le début de l’acte, deux fois cinq minutes plus tard, et trois fois, cinq minutes avant le début de la musique. Et à cet instant précis, les portes sont toutes fermées de l’intérieur. Les retardataires sont ainsi prévenus :
Raus !
On dit souvent que Bayreuth est une expérience unique et je dois bien reconnaître que c’est la réalité. L’orchestre composé uniquement de musiciens de haut niveau (un peu comme Lucerne) est incroyable, la salle est recueillie et bien sûr, il y a l’acoustique unique, avec la fameuse fosse orientée vers la scène, les voix étant toujours claires et jamais recouvertes par l’orchestre. J’ai moyennement adhéré à la mise en scène alambiquée de Stefan Herheim qui a choisi d’utiliser
Parsifal comme un lieu de l’histoire de l’Allemagne à travers tout le vingtième siècle et jusqu’à la démocratie, la villa
Wahnfried en étant le fil conducteur. Cela laisse une impression étrange un peu comme si Stefan Herheim nous disait : "
Bon, je dois vous raconter l’histoire de Parsifal, mais elle ne m’intéresse pas du tout, alors je choisis de vous en raconter une autre". Il y a évidemment des idées et des connexions complexes qui m’ont échappé pendant ce spectacle mais je me demande bien qui dans la salle parvient à les capter et c’est le problème principal de Stefan Herheim dont j’avais déjà vu le
Rusalka à la
Monnaie voilà deux ans : il a tellement d’idées que l’on est totalement submergé d’images et de pensées, pour ne pas dire saoulés.
Il reste bien sûr l’orchestre et les chanteurs, d’un niveau absolument inouï et sui font que je n’entendrai sans doute pas de sitôt un aussi beau
Parsifal.
A 22H15 je quittais la salle au début des applaudissements afin d’éviter l’embouteillage de l’immense parking et je prenais la voiture pour Francfort où je suis arrivé peu après minuit. En passant à Schweinfurt et au vu du panneau
Industrie und Kunst, j’ai pensé à toi Alban Berg.
Un grand merci à celui sans qui je ne connaitrais pas le
Festspielhaus.
18870ème jour
Nuremberg
Cela fait un mois que je n’ai pas pris l’avion, sans doute un record depuis huit ans. Je prends le vol
Air France pour Francfort, je récupère une voiture de location et je parcours trois cent kilomètres jusqu’à Nuremberg où j’arrive en fin de matinée. Je passe la journée à ne pas faire grand-chose. A midi je vais déjeuner au
Heilig Geist Spital, où j’ai mes habitudes depuis une vingtaine d’années mais où je n’avais pas mis les pieds depuis
quatre ans. Les minuscules saucisses de Nuremberg sont un peu grasses, mais toujours aussi délicieuses.
A midi, j’ai voulu faire la surprise à
Philippe(s) de le récupérer à l’aéeoport de Nuremberg mais, bizarrement, alors que j’étais parfaitement à l’heure, je l’ai raté.
18869ème jour
Adieux
J’appréhendais beaucoup de revoir Antoine, éventuellement de fondre en larmes en lui parlant. Je suis arrivé à l’avance au
café Beaubourg, me suis installé à l’intérieur et je l’ai vu arriver, pâle et un peu gêné. Il s’est assis sans rien dire. Nous ne nous sommes pas salués. Je lui ai juste indiqué que je n’arrivais pas à réaliser qu’il ait pu me traiter de cette façon là. Comme il me demandait de préciser, je lui ai rappelé le supplice chinois du chaud et du froid qu’il m'a fait subir pendant deux semaines, ses mensonges lorsqu’il me traitait de parano et sa faiblesse de m’informer par e-mail de sa décision de rupture, trois jours avant mon retour. Il n’a pas dit grand-chose. Je me souviens d’un pitoyable "
J’m’excuse" de son regard fuyant orienté en permanence vers l’extérieur du café et de sa main qui tentait de camoufler un bouton de fièvre qui enlaidissait son visage. Je lui ai demandé le
top five des mille raisons pour lesquelles il ne se "
voyait pas continuer une histoire avec moi". Il m’a bien sur resservi l’
histoire du parking d’Aix ainsi que quelques vagues excuses incompatibles avec tous les messages adorables qu’il m'avait envoyés pendant ces deux derniers mois.
Je lui ai rendu sa clef, j’ai payé mon
coca zéro et son café, je lui ai indiqué froidement que nous ne nous reverrions pas, je ne lui ai pas dit au revoir et je suis parti sans me retourner. Cette belle histoire de deux mois s’achevait donc par une pitoyable rencontre de quinze minutes.
18868ème jour
Projets
Une heure au téléphone avec un client turc. Je vais sans doute souvent retourner à Istanbul en Septembre. Et c’est tant mieux. Rien n’est mieux que le voyage pour oublier le présent.
18867ème jour
La Piel que Habito
Vu avec mes filles le nouveau film d’Almodovar, à la plastique glaciale et l’histoire aussi compliquée qu’à l’habitude. J’aimerais comprendre un jour la fascination que ressent Almodovar pour la transsexualité tant ce thème a une importance centrale dans presque tous ses films.
18866ème jour
Largués
Triste reprise du travail. Le soir, je dîne au
café Marly avec ma bonne fée qui, elle aussi, vient de connaître la fin douloureuse d’une relation sentimentale. Cette communauté de sentiments nous rapproche, même si ce dîner entre largués a quelque chose d’un peu pathétique.
18865ème jour
Paris
Nous reprenons nos habitudes avec mes filles dans un Paris désert. Nous déjeunons au
Café di Roma et nous voyons au cinéma le nouveau volet de la
Planète des Singes, plutôt réussi.
Je profite de mon manque total d’appétit pour entamer un régime. Depuis la vallée du Douro, j’ai déjà perdu deux kilos, ce qui sera au moins un résultat positif de ma rencontre avec Antoine.
Et puis j’achète deux places pour le concert de James Blake à Amsterdam en novembre prochain. Pourquoi deux? Je me le demande bien…
18864ème jour
Retour à Paris
Après un petit déjeuner avec de gigantesques (et très mauvais) croissants briochés tels qu’on en trouve parfois en Espagne, nous sommes partis vers le Nord Est. Nous devions initialement faire une halte pour la nuit à Argomaniz, comme à l'aller, mais afin d’éviter le trafic du 15 août, nous sommes rentrés directement sur Paris avec juste un stop au
McDonald’s de Mérignac, à la grande joie de mes filles.
Ainsi s’achevaient ces vacances qui sans vraie concurrence, ont sans doute été les pires de ma vie.
En rentrant chez moi vers 23h00, j’ai trouvé mes clefs sous la porte. Antoine les avait laissées pendant le week-end. Je lui ai envoyé un e-mail pour l’en remercier et lui indiquer que, sauf si cela l’horrifiait, après réflexion, je préférais lui remettre sa clef en mains propres. Il m'a répondu par SMS et m'a proposé que nous nous voyions vendredi.
18863ème jour
Leon
Nous quittons la vallée du Douro où je sais ne jamais revenir de ma vie, tant cet endroit sera lié à un souvenir douloureux. Nous faisons la route jusqu’à Leon où nous passons la nuit à l’
Hostal San Marcos, un très beau
Parador se trouvant dans un ancien monastère-hôpital du XVIème siècle.
Nous dînons chez
Prada a Tope, un restaurant local à la cuisine savoureuse. Bien que n’ayant rien mangé depuis le matin, je n’ai aucun appétit.
18862ème jour
Réponse
Je n’ai pas pu m’endormir. J’ai ressassé pendant deux heures dans ma tête un projet de réponse que j’ai tapé dans la nuit sur mon
iPhone:
Dans la mesure où les mots lâcheté et mensonge y figurent, j'ai bien peu à ajouter à ton e-mail.
Tu m'as dit un jour qu'avec moi, tu te sentais vraiment toi même. J'avais eu la faiblesse de te croire car c'est exactement cela que j'attends de la relation avec la personne que j'aime: l'aimer telle qu'elle est et me sentir pleinement moi même en sa présence.
C'est une sensation rare. A l'instant où nos routes se séparent définitivement, permets-moi de te souhaiter de la ressentir un jour et de rencontrer la personne qui, mieux que moi, saura répondre à tes exigences.
Quant à moi, je poursuivrai mon chemin sans me retourner avec, je l'espère, courage et sincérité.
Celui qui t'a sincèrement aimé et qui, à l'instant où il écrit ces lignes, t'aime encore.
Vincent
La journée a été terrible. Plusieurs fois je me suis isolé de mes filles pour pleurer discrètement. Je n’avais personne auprès de qui m’épancher à propos de l’horrible chagrin qui m’envahissait.
Nous avons fait une promenade en bateau avec mes filles sur le Douro mais absolument plus rien ne pouvait désormais m’intéresser.
Le soir j’ai reçu ce dernier email pathétique et froid, auquel je n’ai même pas pris la peine de répondre.
Je déposerai tes clefs dans une enveloppe et la glisserai sous ta porte. Tu n'auras qu'à m'envoyer la mienne par la poste.
Je te souhaite tout le bien possible
Antoine
18861ème jour
Une rupture par e-mail
Nous passons la journée à l’hôtel. Dans la matinée, Antoine répond à mon SMS par un simple
????. Je demande à lui parler au téléphone. Il me rappelle depuis la bibliothèque du
Centre Pompidou, me confirme que je n’ai pas à m’inquiéter, mais de nouveau, je le sens distant.
Dans l’après midi je lui envoie deux SMS, l’un lui disant que j’ai hâte de passer la nuit de lundi soir avec lui, l’autre pour lui dire ma nostalgie de mon séjour à New York, lorsque je lui souhaitais bonne nuit dans l'après midi et que je l’appelais pour le réveiller le soir juste avant de me coucher.
Nous dînons à l’hôtel. Il y a un incendie dans les environs et les vents nous apportent des petites cendres de fougères noiresqui se posent sur la nappe et la salissent. Nous faisons avec mes filles des parties de cartes sur lesquelles j’ai beaucoup de mal à me concentrer et alors que nous nous apprêtons à dormir,
je reçois à 23h39 l’email suivant qui répond à mes questions de ces dix derniers jours:
Vincent,
je suis désolé de la lâcheté de ce mail mais je ne vois pas comment faire autrement. Le téléphone est impossible et te mentir jusqu'à ton retour ne serait pas honnête. Je ne voulais pas gâcher tes vacances avec tes filles, c'était trop important pour toi mais je dois te dire que je ne me vois pas continuer une histoire avec toi. Je ne ressens pas les sentiments que tu éprouves. J'en suis désolé.
J'ai énormément apprécié les moments avec toi et je n'ai jamais fait semblant. Je ne sais pas quoi te dire exactement. Il doit y avoir des milliers de raisons mais les exprimer serait idiot et je ne sais même pas si j'y arriverais. Si je ne répondais pas à tes messages, ce n'était pas mépris ou par méchanceté mais seulement par faiblesse. Je n'arrivais pas à mentir ou à faire semblant car tu mérites qu'on te dise la vérité. C'était d'ailleurs un de nos accords, ne jamais se mentir, toujours dire la vérité. Tu vas sûrement penser que je t'ai menti mais je t'assure que ce n'est pas vrai. Il est vrai que tes soupçons étaient fondés mais mes réponses n'étaient que des questions que je me posais car j'ai voulu y croire même durant ces derniers jours.
Par ce mail, je ne conclus pas en te disant que je ne veux pas te revoir. Je ne sais pas s'il faut en discuter. Sûrement. Si tu le souhaites en tout cas, je serai présent. Je me rends compte de la brièveté de ce mail et je trouve cela terrifiant mais je dois être honnête envers toi et te dire clairement ce qu'il en est.
Encore une fois désolé, je ne sais pas quoi dire de plus.
Antoine
18860ème jour
La vallée du Douro
Nous parcourons la centaine de kilomètres qui séparent Porto de la Vallée du Douro, encaissée entre les montagnes qui vont jusqu’à huit cents mètres d’altitude. Les paysages sont superbes. Nous logeons à la
Pousada de Mesao Frio, belle bâtisse du XVIIIème siècle dont les chambres ont toutes une vue à couper le souffle sur les vignobles et la vallée.
Le soir, n’ayant aucune nouvelle d’Antoine depuis quarante huit heures je lui envoie ce SMS :
"
J'ai l'impression que tu es devenu totalement indifférent envers moi".
18859ème jour
Porto II
L’ensemble des caves des producteurs de Porto se trouvent sur la rive sud du Douro. Le vin était autrefois amené par bateau. Le transport est maintenant effectué par camion même s’il y a d’ailleurs quelques embarcations encore là pour les touristes. Nous visitons l’une des caves au milieu d’un troupeau de touristes français.
Nous avons passé l’après midi sur la Plage de
Miramare au sud de Porto avant d’aller à Guimaraes pour la soirée.
Excellent dîner au restaurant
Historico dans une belle cour ancienne.
Toujours aucune nouvelle d’Antoine.
18858ème jour
Porto I
Après notre petit déjeuner habituel à une terrasse de l’
Avenida da Liberdade, nous quittons Lisbonne en direction du nord. Sur la recommandation d’un ami, nous faisons un stop à Aveiro, petite ville parfois appelée la
Venise portugaise mais dont il faut reconnaître qu’elle n’est pas terrible. Nous faisons un déjeuner de morue (il fallait bien essayer une fois !) à
, un excellent restaurant dont le serveur n’aime visiblement pas les français.
Dans l’après midi nous allons de l’autre côté de la petite lagune, à Sao Jacinto. Il y a là un immense parc naturel composé uniquement de dunes. L’endroit est interdit aux humains, à part une passerelle en bois qui permet d’accéder à une plage de sable blanc elle aussi interdite aux passants. C’est un peu frustrant, mais magnifique.
En fin d’après midi, on part pour Porto ville laide, qui n’est pas sans me rappeler Clermont Ferrand avec sa pierre noire et austère. Nous dînons sur les quais de
Ribeira, juste en dessous des ponts métalliques dont l’un a été construit par Gustave Eiffel.
Nous rentrons à l'hôtel par le funiculaire.
Pas de nouvelle d’Antoine de toute la journée.
18857ème jour
Sintra
Nous partons en excursion à Sintra. Je suis d’une humeur exécrable en raison de ma relation avec Antoine dont je ne sais où elle va mais définitivement pas dans la direction que je souhaite. On passe l’après midi sur la plage la plus proche, Praia das Maças et on rentre à Lisbonne en fin de journée en passant par la côte. Nous faisons un arrêt à la très belle tour de Belem, avant de dîner dans un restaurant italien assez médiocre.
Antoine est rentré de Belgique. Dans la nuit il est au
café de Flore et nous échangeons quelques SMS. Je le sens toujours aussi distant. Je lui propose d’aller à Bayreuth avec mois dans deux semaines mais il refuse, prétextant des répétitions pour
Constant, son spectacle de rentrée.
18856ème jour
Lisbonne
Après un petit déjeuner à une terrasse de l’
Avenida da Liberdade, nous partons au sud de Lisbonne à Portinho da Arrabida où se trouve une petite plage charmante. Il fait gris mais de temps à autre le soleil perce. Nous déjeunons sur la plage, de palourdes et de sardines avec un délicieux
vinho verde.
Au retour, nous visitons Graça, l’autre colline de Lisbonne, elle aussi envahie par les touristes. Dîner près de l’hôtel, dans un restaurant où je retrouve mon plat préféré au crabe.
Bref échange par SMS avec Antoine qui me dit passer sa journée au cinéma à Bruxelles, tant il y pleut.
18855ème jour
Salamanque Lisbonne
Nous faisons la dernière longue distance notre voyage, de Salamanque à Lisbonne avec une étape pour déjeuner à Tomar, une très jolie petite ville portugaise. Nous arrivons à Lisbonne en fin d’après-midi et j’emmène mes filles découvrir le centre ville.
Sans nouvelle d’Antoine, je lui envoie un message lui indiquant que je redeviens parano auquel il répond par un
Imbécile !" censé me rassurer.
Nous dînons dans un restaurant branché du
Barrio Alto. Mes filles unanimes trouvent le serveur "
trop beau". Pourtant, je puis affirmer sans grand risque de me tromper que j’avais plus de chance qu’elles d’avoir du succès auprès de lui.
18854ème jour
Salamanque II
Je pense à Antoine en permanence et en fin de matinée je lui envoie un SMS : "
Tu ne crois pas que ca serait bien si tu me disais ce qui se passe ?" A ma grande surprise, il m’appelle aussitôt. Il est en voiture, en route pour Bruxelles et me rassure. Même si on se parle peu de temps, il me dit clairement que je suis parano et qu’il n’y a pas de souci.
Un peu rassuré, j’emmène mes filles déjeuner dans un restaurant très charmant de la ville:
El Alquimistai>.
18853ème jour
Salamanque I
Nous avons continué notre route vers le sud en faisant une halte à la
Meson El Pastor a Aranda de Duero, qui a la réputation de servir le meilleur agneau grillé d’Espagne. Je m’y étais arrêté en 1984 avec N. et je lui ai envoyé un SMS pour évoquer ce souvenir si ancien. Nous avons poursuivi la route jusqu’à Salamanque, ville universitaire sublime que nous découvrions et que nous avons parcourue en tout sens en fin d’après-midi.
Malgré mes demandes de lui parler au téléphone, j’ai toujours l’impression qu’Antoine me fuit.
18852ème jour
Cidreries
Nous avons passé la frontière en fin de matinée et j’avais envie d’emmener mes filles dans l’une des cidreries de la région. Nous avons eu beaucoup de mal à en trouver une ouverte pour déjeuner. Hors saison, elles sont en général ouvertes le soir seulement. Il y avait un menu quasiment unique. Salade de poivrons, côte de bœuf cuite au feu de bois et plateau de fromage accompagné de pâte de coing. Le plus amusant était de se rendre dans la salle des tonneaux, d’ouvrir le robinet et de tenter de placer son gobelet à deux ou trois mètres de là, afin que le jet atteigne sa cible et délivre un cidre mousseux, à la couleur d’urine et, il faut bien l’avouer, un peu aigrelet.
Le soir nous avons fait étape à Argomaniz, un
Parador installé dans un bâtiment ou, parait-il, Napoléon passa la nuit la veille de la bataille de Vitoria.
Antoine est toujours aussi distant et je suis de plus en plus persuadé qu’il me prépare fort maladroitement à un largage en bonne et due forme.
18851ème jour
Paris Bordeaux Dax
Nous sommes partis vers six heures, avons faite une halte à Bordeaux pour déjeuner et une autre à Biscarosse pour passer quelques instants sur la plage bondée. J’avais fait le choix bizarre de passer la nuit à Dax, une ville qui s’est avérée être déserte et ennuyeuse.
Je sens Antoine froid. C’est tout juste s’il répond à mes messages et bien sûr je m’inquiète.