16659ème jour
Fil
Mes parents n'ont pas voulu que je fasse de maternelle. Je suis donc entré directement au Cours Préparatoire au grand dam de mon futur professeur qui prévoyait que je ne pourrais pas réussir. Celà a plutôt bien marché pour moi mais cette absence de maternelle a sûrement joué sur ma faible sociabilité et sur ma timidité, maladive à cette époque.
Un jour de classe, au cours d'une dictée, je rate l'écriture d'un
e et je trace un
i à la place. J'en deviens malade, je lève le doigt et j'explique le problème à mon professeur, peut être en pleurant. Celui-ci, surpris de l'état dans lequel je m'étais mis, me montre calmement que l'on peut facilement transformer un
i minuscule en
e minuscule. Il m'entraîne ensuite vers la porte, l'ouvre, attache un fil en travers du chambranle et m'ordonne de passer. Je tente de passer dessous, puis dessus, mais il me l'interdit. Il fait de même lorsque je tente de détacher le fil. Puis il insiste. "
Passe!" me dit-il! Je fonds en larmes, honteux de ne pas trouver et d'être le centre d'observation de toute la classe.
Le professeur demande à mes camarades de tenter la chose. Aucun n'y parvient. La sonnerie de midi retentit alors, me sauvant provisoirement du problème. Ce jour là je déjeunais chez ma grand-mère. J'ai du la harceler pour qu'elle m'aide à trouver la solution, pleurant sans doute pendant une bonne partie du déjeuner. Retour à l'école à 13h30. Nous reprenons aussitôt la position : le professeur et moi devant le fil tendu à travers la porte.
Tout d'un coup, un de mes camarades trouve la solution. Il franchit simplement la porte d'un air décisé en cassant le fil à son passage.
Et le prof, tout fier de nous faire part de sa leçon :
Ne te laisse pas arrêter par un fil.
Cette aventure m'a toujours laissé pensif, tant l'adage est à double tranchant. Je n'ai cependant jamais oublié la leçon, et je me demande parfois si ma résistance à l'échec n'est pas due à cette lointaine journée.
16658ème jour
Ex
Je ne crois pas l'avoir jamais aimé. J'ai probablement été amoureux. Très amoureux. Trop amoureux. Tout m'irrite lorsque je le revois. Les
quoi et les
tu vois qu'il ne peut s'empêcher de mettre à chaque fin de phrase. Son manque total d'écoute. Ses centres d'intérêts tous orientés autour de lui. A-t-il changé? Est-ce moi qui étais aveuglé? Je ne suis pas particulièrement fier d'en venir à avoir du mal à supporter ceux que j'ai appréciés. Je n'ai cependant jamais pu me résoudre à détester les personnes que j'ai aimées. Cette position serait cependant nettement plus confortable.
16657ème jour
Pour noosmerde pressez "zéro"
Par trois fois dans la journée, j'appelle noos pour savoir s'il s'agit d'une panne générale. En raison de la durée d'attente annoncée, je reporte mon appel au soir. Après quinze minutes d'attente taxée, une interlocutrice prend en charge la demande, me fait faire pendant de longues minutes elles aussi taxées des manipulations inutiles. Elle conclut qu'il convient de prévoir l'intervention d'un technicien.
- Je vous propose le 12 août! me dit-elle gourmande
- De cette année ?
- Je suis désolée je n'ai rien de disponible avant...
- C'est bien ce que je vous reproche...
Me voici donc privé d'internet pour deux semaines... Avec sans doute l'avantage de pouvoir effectuer un sevrage obligé.
Et sans doute aussi l'occasion de changer enfin de provider.
16656ème jour
Manque
Je vais dans ma chambre poursuivre la lecture de "
Héros et tombes". Je retourne à mon bureau et je constate que le modem noos ne marche plus. Je ressens aussitôt un sentiment de manque. Je retourne à Alejandra.
16655ème jour
Des nouvelles de nina
"
Je n'ai pas dormi de la nuit. J'étais dans les bras d'un italien Antonio, 22 ans et manifestement un doigt de Dieu sur son berceau. Magique... Et là, ce matin, (un mot illisible)
s'en va avec un coca assise sur une chaise en attendant la suite."
Posté de Bologne deux jours plus tôt.
Je l'imagine, ma petite nina, après cette nuit sans sommeil, au petit matin, dans une belle rue italienne, à une petite table en marbre sur laquelle repose un expresso ristretto, un pot de sucre en poudre avec une cuiller et un croissant fourré. Et je voudrais lui dire qu'elle me manque et que j'aimerais plus de moments magiques passés en sa compagnie.
16654ème jour
Melon et Melèche
Un pot au bureau aujourd'hui. Peut-être parce qu'il y avait du melon découpé en petits cubes, peut-être aussi parce que j'avais bu trop de Sancerre rosé, j'ai raconté une histoire de melon melèche. Du genre "
Melon et Melèche achètent un appartement. Melon le paye et Melèche l'habite". Gros succès. Et nous voici partis dans les
variantes de
Melèche la queue à
Melèche la moule.
Cette crise de fou rire m'a rappelé des vacances d'été en Espagne, il y a fort longtemps, où je racontais ces blagues devant ma mère impassible. Et plus elle restait imperturbable, plus nous riions à ces histoires stupides.
16653ème jour
Aranjuez, Goya et l'odeur du savon
Lorsque j'étais enfant, mon père avait rapporté d'Espagne un disque 33 tours. Sur une face, il y avait le
Concerto d'Aranjuez, sur l'autre la
Fantaisie pour un gentilhomme. Sur la pochette, un des plus célèbres tableaux de Goya :
Le Parasol. Le même tableau figurait sur une grande boîte à savons qui avait été utilisée pour contenir une immense natte de ma soeur, qu'elle avait coupée lorsqu'elle avait opté pour une coupe plus courte. Pour moi le
Concerto d'Aranjuez sera toujours lié à ce tableau et à l'odeur du savon qui persistait dans la boîte.
Je l'écoute rarement aujourd'hui. Ou plutôt je pense rarement à l'écouter me ralliant peut être inconsciemment à l'idée qu'il s'agit d'une musique faible. Pourtant, chaque fois que je l'entends, comme ce soir à France Musiques, je suis frappé par la qualité et l'originalité de l'orchestration de ces deux oeuvres.
16652ème jour
Où l'on apprend enfin dans quel but j'ai retrouvé mister tigger à la gare de Valenciennes
Il y avait eu cette
soirée là. Et puis celle-ci.
Mister tigger avait envie de tester la chose. J'avais envie d'y retourner avec lui. Il y avait eu une
tentative ratée l'année dernière. "
Cette fois-ci, c'est la bonne", nous disions nous plein d'espoir. Comme la route de Paris à Cologne passe par Valenciennes et que cette dernière n'est pas très éloignée de Lille, c'est donc devant la gare de Valenciennes que nous nous sommes retrouvés ce samedi à 11 heures pétantes. Un petit peu de route jusqu'à Cologne, des saucisses blanches avec du Senff et un bretzel, un peu de shopping dans des rues bondées, un peu de repos et nous voici partis à la recherche de l'endroit où a lieu la fête. L'événement ne se passe plus à l'ancienne vinaigrerie, mais sous l'un des ponts du Rhin, rive droite, à l'endroit dit
Bootshaus. Nous arrivons, il y a beaucoup de monde, mais quelque chose cloche. La clientèle n'est pas celle à laquelle on pourrait s'attendre. C'est en fait une sorte de rave avec les
Ministry of Sound et
Ellen Alien. On demande à droite à gauche où se trouve la Wet Party. Certains nous disent plus au sud à dix minutes à pied, d'autres près d'une tour de l'autre côté du pont. Nous repassons à l'hôtel pour vérifier. En fait la soirée était le samedi suivant.
Je suis vraiment un total looser.
16651ème jour
Mes retrouvailles avec mister tigger
En partant ce matin vers 9 heures sur l'autoroute du Nord, j'écoutais par hasard France Musiques :
Troisième Scherzo de Chopin. Comme à l'habitude, je n'aime pas vraiment cette oeuvre, en raison de ce contraste permanent entre des accords puissants et cette petite mélodie descendante un peu tremblotante et larmoyante. Pourtant, je trouve l'interprétation exceptionnelle. J'attends la fin de l'oeuvre pour découvrir que France Musiques diffuse le récent récital de Montpellier d'
Eric Artz. J'ai ensuite retrouvé le même bonheur dans la
Première Ballade déjà jouée le 21 juin dernier, puis une
Quatrième Ballade, tout aussi exceptionnelle. Le programme se poursuivait avec deux impromptus de Schubert, dont le climat, sans doute trop tiré vers la virtuosité, convenait sans doute moins bien à leur interprête. Mais le clou du récital était la
Deuxième Rapsodie Hongroise de Franz Liszt, interprétée magistralement par Eric Artz. Il est très difficile de ne pas tomber dans le vulgaire, dans cette oeuvre hyper connue, massacrée dans tant de dessins animés. Et ce jour là, tout y était parfait: la technique implacable et sans faille, un rien de fantaisie qui rend l'oeuvre irrésistible. Bref, le vrai bonheur. Retour à Chopin pour deux bis : l'un des nocturnes opus posthume et l'une des études de l'opus 25. J'ai très hâte de réentendre Eric Artz à Paris.
Ce récital m'a conduit jusqu'à la gare de Valenciennes, où bizarrement, je retrouvais
mister tigger pour un projet que nous avions depuis longtemps.
16650ème jour
Alejandra
Witold Gombrowicz a dit de cet ouvrage qu"
il appartient à un genre des plus suspects : celui des romans dont la lecture se termine souvent à quatre heures du matin." Je l'ai lu pour la première fois à Dinard il y a une quinzaine d'années, d'une traite en effet, sans jamais pouvoir le lacher. Je l'ai relu en Espagne il y a six ou sept ans, et il m'a fait exactement le même effet. Je l'ai par la suite prêté à une amie qui ne me l'a jamais rendu...
J'ai donc essayé de me le procurer pendant des années. Sans succès. Il y a quinze jours encore, à la fnac, la vendeuse m'a assuré qu'
Alejandra était un titre épuisé de la collection
Points. J'ai acheté à la place un autre roman de Sabato
Héros et Tombes, que je ne connaissais pas. Je l'ai emmené à Istanbul. et je l'ai oublié à mon hôtel sans même l'avoir ouvert. J'ai écrit un mail au concierge pour qu'il me le mette de côté en attendant mon retour.
Et repensant à tout celà, j'ai cherché si un exemplaire d'occasion d'
Alejandra était disponible par Internet. C'est comme celà que j'ai compris que le titre original d'
Alejandra était
Sobre heroes y tumbas. Le titre d'
Alejandra lui avait bizarrement été donné pour la première édition française.
Depuis mon dernier vol Istanbul Paris, me voici donc replongé dans les délices des méandres de la vie d'Alejandra dans la magie du Buenos Aires des années 50. Comme lors de ma lecture précédente, j'ai oublié l'histoire. Mais le bonheur de la redécouvrir est intact.
Ernesto Sabato : Héros et tombes
16649ème jour
Istanbul-Barcelone
Ce soir, alors que je sortais de chez mon client à Maslak, je reçois un SMS d'Alban Berg me disant :
Je suis rentré à Barcelone. En raison de la tournure étrange de la phrase, j'ai d'abord furtivement pensé qu'il s'était trompé et qu'il était rentré à Paris, mais j'ai aussitôt compris qu'il venait d'être accepté au sein du magnifique
Orchestre Symphonique de Barcelone et National de Catalogne. Je l'ai aussitôt appelé pour le féliciter. Cela va sûrement l'énerver que je dise ça, mais il a été en plus pris à l'unanimité parmi
77 candidats. J'ai vraiment hâte d'aller l'entendre dans la somptueuse salle de l'
Auditori. J'ai d'ailleurs déjà repéré un
Chant de la terre en mars et une
Première Symphonie en juin. Il va de soi que je serai là.
16648ème jour
Istanbul
Dans l'avion Paris Istanbul, puis pendant une heure au bord de la piscine de l'hôtel cet après midi, je lis l'incroyable histoire de la dépouille d'Alexandre le Grand racontée dans le livre d'Andrew Michael Chugg
Le tombeau perdu. On suit le corps d'Alexandre, d'abord laissé à l'abandon à Babylone alors que les successeurs potentiels se déchirent. On découvre l'incroyable vol du convoi funéraire par Ptolémée qui décide de l'emmener en Egypte, la probable inhumation à Memphis dans le sarcophage du Pharaon Nectanébo II, le transfert du corps à Alexandrie où il repose au
Soma, sorte de Palais funéraire sans doute construit par les Ptolémée sur le modèle du Mausolée d'Halicarnasse, le culte incroyable qu'il reçut de la plupart des empereurs romains qui furent nombreux à le visiter du temps de la splendeur d'Alexandrie. Puis l'obscure disparition de la tombe et du corps aux débuts de la Chétienté, l'effroyable tremblement de terre suivi d'un raz de marée en 365, puis la totale transformation de la ville aux temps des musulmans qui considéraient pourtant Eksander comme un Prophète. L'aventure se poursuit même avec Bonaparte, Nelson et Napoléon III, pour se finir romantiquement à Venise.
Ce maudit livre acheté le week end dernier à Quimper m'a communiqué la furieuse envie de visiter Alexandrie.
16647ème jour
Lada Boulot Dodo
Ce matin alors qu'à peine réveillé, je dépose ma valise dans le coffre de la lada juste avant de partir au travail, un clochard passe sur le trottoir et me dit de sa voix éraillée : "
Alooooors? On va faire la fêêêêête?"
16646ème jour
Concarneau Paris
La route du retour m'a semblé plus longue encore que celle de l'aller. Vers Le Mans, je fonce vers de lourds nuages noirs zébrés d'éclairs. Je m'arrête sous un pont pour recapoter alors que de grosses gouttes commencent à tomber. Comme à chaque fois dans cette circonstance, je pense à Tintin et au capitaine Haddock dans
les sept boules de Cristal.
16645ème jour
Concarneau
J'ai retrouvé avec plaisir la
belle maison de Concarneau où nous fumions la chicha voilà deux ans. Et puis il y a toujours la
plate-forme à une centaine de mètres de la rive où je nage tous les jours avec mes filles. Et puis il y a toujours les jeunes turbulents qui se flanquent à l'eau. Les jours filent.
Die liebe Erde allüberall
Blüht auf im Lenz und grünt
Aufs neu! Allüberall und ewig
Blauen licht die Fernen!
Ewig... ewig...
16644ème jour
La pointe de Mousterlin
Je ne sais pas très bien pourquoi je me suis retrouvé là hier. Je crois que je voulais voir
Beg-Meil, car le nom m'attirait. Et puis il y avait cette longue plage de sable qui donnait envie de la parcourir. Au bout de trois cent mètres environ, tout le monde était nu. Il y avait en effet un panneau annonçant qu'à partir de là, la plage était réservée aux nudistes. Je ne savais plus trop quoi faire... Alors je suis remonté vers les dunes, j'ai trouvé un endroit tranquille, et je me suis mis à poil sur ma serviette. J'étais bien. Je ne suis resté que quarante cinq minutes. J'avais peur que des parties de mon anatomie peu habituées à l'éclat du soleil ne me fassent souffrir pendant des jours.
16643ème jour
Paris Quimper
Lorsque je voyage seul, je me surprends à passer des journées entières sans presque communiquer. Aujourd'hui, en allant de Paris à Quimper en voiture, je n'ai échangé que quelques mots avec
- la dame de la station service à Vitré :
Bonjour, au revoir, merci.
- la dame du péage à Rennes :
Merci, Au revoir.
- la jeune femme d'un hôtel au bord de la plage à la Pointe de Mousterlin :
Une eau minerale s'il vous plait, oui une Badoit, très bien.
- la vendeuse de la librairie Ravy à Quimper :
Vous savez où je peux trouver un disquaire à Quimper?
- le vendeuse de la boutique Harmonia Mundi à Quimper :
Vous avez reçu le nouveau live du Chant de la Terre de Giulini chez Orfeo? Non, c'est cette version là que je veux. Tant pis, merci.
- La tenancière du cybercafé à Quimper :
C'est en haut?
- le serveur du restaurant à Quimper :
Alors je prendrai une soupe de poissons et des sardines grillées s'il vous plait, avec un pichet de muscadet.
- et le gardien de l'hôtel :
Oui une réservation. Pour une nuit. Et si vous aviez une bouteille d'eau, ça serait parfait, il fait vraiment très chaud.
16642ème jour
Epectase
Au moment où j'approche du moment de jouir, il m'arrive régulièrement de penser que je pourrrais fort bien mourir au moment de l'orgasme. C'est une pensée angoissante qui peut facilement enlever le plaisir de ce moment. J'avais toujours pensé que le mot adéquat pour nommer cette mort était l'épectase.
Et c'est grâce à la
Grande Rousse que j'ai découvert que "l'épectase est à l'origine un terme religieux désignant l'état de la personne tendue de tout son être (d'où la racine grecque
épecteinomenos) vers le progrès et l'accomplissement personnel au sens religieux, naturellement.
C'est l'église catholique qui, pour expliquer les conditions douteuses de la mort du Cardinal Daniélou en compagnie d'une prostituée, précisa que c'est "dans l'épectase de l'Apôtre qu'il est allé à la rencontre du Dieu Vivant."
Et c'est le Canard Enchaîné qui, faisant ses choux gras de ce bon mot, modifia durablement le sens du mot épectase."
16641ème jour
Arbres
Près de mon hôtel à Seoul, il y avait de nombreux
Ginkgo Biloba. J'ai ramasssé une feuille au sol et elle me sert désormais de marque page pour mon agenda. J'ai toujours adoré ces arbres, depuis que mes parents en avaient planté un dans le jardin llorsque j'étais enfant. Il était minuscule, et j'avais du mal à imaginer qu'il puisse devenir un géant. La feuille a une forme superbe et à l'automne, elle devient si jaune qu'on appelle parfois cet arbre
l'arbre aux écus d'or. Je pensais à tout celà cet après-midi, alors que je rentrais du Parc Monceau où un vrai parisien m'avait fait découvrir un platane à l'âge séculaire.
16640ème jour
Proverbe étourdi
J'ai oublié une paire de chaussures à mon hôtel de Seoul.
J'ai oublié un livre à mon hôtel d'Istanbul.
Quand on a pas de tête, il faut avoir des miles.
16639ème jour
Thomas
Je ne le connaissais pas. C'est en passant de blog en blog, que j'ai appris
qu'il était mort. "
Comment un blogueur peut-il bien mourir?" me suis-je stupidement demandé... La bonne question aurait du être "
Comment peut-on mourir à 23 ans?"
J'ai cherché à savoir qui il était, ce qui l'intéressait. Je suis tombé par hasard sur l'une de ses photographies. Et c'est alors que j'ai compris que nos chemins s'étaient brièvement croisés. Je l'avais rencontré lors des premières flashmobs, celle du Louvre et celle du Centre Pompidou. J'avais été frappé par son sourire, par la joie qu'il semblait ressentir à être là, malgré son handycap. Et puis il y a bizarrement en ligne sur
son site, une photo de moi, prise par lui rue de Rivoli, alors que j'étais en train de recevoir ma fiche d'instruction de ce premier flashmob.
Et ce soir je suis triste de ne lui avoir jamais parlé. De ne l'avoir jamais connu.
16638ème jour
La roue tourne
Laissé ma fille ce matin à Roissy. Pour la première fois, elle se rend dans un pays où je ne suis moi même jamais allé.
16637ème jour
Retour à Paris
Vu ce soir
La Guerre des Mondes avec ma fille aînée. C'était son premier Spielberg. Elle a adoré. Moi je n'ai pas tellement accroché. Mais lorsque je la sentais se crisper par moments dans son fauteuil, j'étais heureux d'etre là, de partager ce moment avec elle. Contrairement à ce que l'on m'a souvent dit, plus le temps passe, plus c'est merveilleux d'être père.
16636ème jour
Négo
Une journée entière de négociation à Istanbul. Face à moi, les deux membres de la direction d'une société turque que nous envisageons d'acquérir et leurs deux avocates, dont l'une particulièrement agressive. Nous abordons un point délicat, le nombre de clients que nous visiterons ensemble afin de tester l'acceptabilité du marché. Je demande "
five" le client propose "
four to five", pour une raison que j'ai du mal à comprendre. Après plusieurs minutes de discussion l'avocate propose "
up to five". Je la regarde en souriant et lui dis : "
Do you really believe I'm stupid?"
Dans le taxi du retour, mon avocat me demande si j'ai fait une école de commerce. Répondant par la négative, il me dit: "
Ah oui, celà se sent. Vous êtes assez rigide dans votre comportement". Je me mords les lèvres pour ne pas rigoler.
16635ème jour
Un café à Ortakoy
Ce soir un client m'invitait dans un restaurant de Ortakoy, un quartier situé sous le premier pont, en bordure du Bosphore. L'endroit est branché, plutôt élégant pour Istanbul. La terrasse est magnifiquement placée juste au bord de l'eau. Je demande à mon client comment il a réussi à obtenir la meilleure table. "
Je suis le propriétaire du restaurant" me répond-il en souriant.
Au fur et à mesure que la nuit vient, la musique se fait de plus en plus forte, de la house chic. Vers 21 heures, la voix du muezzin a du mal à contrer les décibels du restaurant. J'indique à mon client que ce mélange des sons est une bonne image de la Turquie moderne. Il me parait un peu gêné, me dit qu'il a souvent demandé au patron du restaurant de baisser la musique pendant la prière. Il tente de le joindre de son téléphone cellulaire, sans succès. La Turquie moderne triomphe, du moins sur le critère de la quantité des watts.
16634ème jour
Barbe
A Istanbul, il y a des vendeurs de barbe à papa qui marchent dans les rues. Ils promènent une longue tige en bois avec des plateaux en étage sur lesquels sont posées les barbes à papa roses, protégées par un emballage plastique. C'est un peu dégoutant. Mais très agréable à regarder.
16633ème jour
Garson l'adisyion.
A Istanbul, il faut être très vigilant si l'on veut conserver une note au restaurant. Le serveur la remporte systématiquement et ne rapporte que le ticket de la carte de crédit. Lorsqu'on réclame une addition, il repart, l'air embarassé et revient avec un minuscule ticket, entièrement rédigé en turc avec simplement indiqué le nombre de repas et le montant total.
16632ème jour
16631ème jour
Le garçon coréen
De temps en temps la nuit, il me réveillait, et me demandait de lui dire en français "
Le parfum de Jean Paul Gautier". Je m'exécutais; parfois il me demandait de réitérer. Et alors, il se rendormait, satisfait.
16630ème jour
De gauche à droite
J'ai été très surpris de constater qu'en Corée, les voitures roulent à droite. Je pensais que l'occupation japonaise, de 1905 à 1945 avait forcément obligé les coréens à conduire à gauche. J'ai donc demandé à mon collègue coréen si le sens de circulation avait changé un jour précis, même si j'avais du mal à imaginer un tel foutoir. Il a été plutôt choqué de ma question qui l'a fait rire nerveusement et m'a répondu péremptoirement qu'en Corée on avait toujours roulé à droite.
J'avais pourtant un doute et j'ai posé la même question à plusieurs coréens qui m'ont dit ne pas savoir.
En cherchant sur Internet, j'ai trouvé cette
page étonnante qui confirmait mon hypothèse : Le gouvernement coréen a modifié le sens de circulation en 1946. On imagine d'ailleurs facilement le plaisir rancunier qu'on du avoir les coréens à prendre cette décision symbolique. Avec mes collègues anglais on rigolait en imaginant un plan de migration administratif du genre "les camions le lundi, le reste des véhicules le mardi".
De fait, toujours sur cette page de
answers.com, j'ai découvert ce magnifique panneau de changement de sens, à la frontière entre le Laos et la Thailande. Mais le plus beau changement est sans doute celui du
Dagen H en suède, ou le 3 septembre 1967 à cinq heures du matin, tous les véhicules ont changé de côté. Qu'est ce que j'aurais aimé voir un tel bordel!
16629ème jour
Day off in Seoul
Aujourd'hui je me suis baladé dans toute la ville en utilisant le métro. Il ressemble un peu à notre RER avec des lignes très rapides aux stations assez éloignées. Les voitures sont très propres, organisées à la new-yorkaise. Je crois ne pas avoir rencontré à bord un seul passager non asiatique tant sont rares les occidentaux qui s'y aventurent. Il n'est pas facile en effet de s'y repérer. Les distributeurs de billet dont en coréen; les guichetiers ne parlent pas anglais et se sont contenté de m'offrir un plan.... en coréen. La plupart des indications dans les stations sont en coréen. Le truc est de se répérer par rapport à la couleur des lignes et de bien compter les stations. Entre deux stations, des haut parleurs diffusent le début du deuxième mouvement de la
Petite musique de nuit.
Je me suis donc baladé en métro vers le centre, à City Hall, je suis retourné chez Kyobo Book échanger un CD acheté la veille (j'ai honte j'ai acheté un CD que j'avais déjà), j'ai découvert un autre disquaire de Shinchon, Synnara Records où l'on trouve plein de pirates japonais...
En fin d'après midi, si le soleil revient j'irai admirer le panorama depuis la tour de la radio.
Et demain, c'est le retour à Paris.