16536ème jour

Comment se comporter dans un musée berlinois

Nous visitons la NationalGalerie de Berlin, près du Dom. Plutôt décevant à part quelques splendides Franz von Stück et le fameux concert de flûte de Sanssouci.
Il fait assez chaud et j'ai mon gilet posé sur l'épaule. Un gardien s'avance vers moi et me demande soit de l'enfiler (le gilet, pas le gardien) soit de le mettre autour de la taille (hüfte binden). J'ai quitté le musée en grommelant tellement ça m'a enervé. Alban Berg a préféré rester et parlementer. C'est apparemment une règle officielle du Musée. Par respect pour les oeuvres.

16535ème jour

Ende

Un dernière visite au Einstein Cafe d'Unter den Linden pour deux Einspänner et deux croissants. Une visite au Mauer Memorial de la Bernauer Straße. Une traversée de Berlin en lada décapotée, sous le soleil. Une jolie terrasse de la Kollwitzplatz à Prezlauer Berg. Une Huhnbrustsalat accompagnée d'un vin blanc un peu vert. Une nouvelle traversée de Berlin. The one you love de Rufus Wainright à fond la caisse. On se dit au revoir devant le Pergamon Museum. Je suis triste de rentrer. Terriblement triste.
Mais je sais que la tristesse qui est issue de la fin d'un moment de bonheur est la meilleure augure des moments de bonheur à venir.

16534ème jour

Concert anniversaire

La nuit avait été courte. Nous étions chez un ami d'Alban Berg qui est l'assistant du chef du Deutsche Oper. Dans son petit appartement de Prenzlauer Berg, le quartier de Berlin-Est désormais occupé par les Bobo berlinois, il a une pièce entière dédiée à la musique avec un vieux piano Bechstein, des tonnes de partitions et de CD. Un moment vraiment agréable à l'écouter nous rejouer au piano quelques passages de la Fanciulla del West, à entendre des extraits du Winterreise et à piccoler du cognac. Vers 3 heures, notre hôte nous rappelle qu'en raison du changement d'horaire, il est déjà quatre heures et nous filons nous reposer avant d'assister à l'objet principal de notre séjour à Berlin.
Le lendemain, un peu avant onze heures, nous nous installons dans la salle de la Philharmonie juste derrière les choeurs, au centre, face au podium du chef. Pierre Boulez entre en scène.
La grande marche funèbre initiale démarre. Il est assez fascinant de voir chaque mouvement du chef répercuté avec précision dans la masse orchestrale. Il en ressort une impression de très grande clarté. La comparaison avec la Neuvième Symphonie jouée la veille est frappante. Barenboim avait dirigé avec une précision incroyable le Chicago Symphony Orchestra d'une technicité sans faille. Il en résultait une interprétation glaciale et sans âme. Boulez, à l'opposé de son habituelle image de froideur, nous donne avec la Staatskapelle une vision construite et chaleureuse de l'oeuvre. Le deuxième mouvement, facilement ennuyeux est passionnant de bout en bout. Les deux solistes Petra Lang et Diana Damrau sont absolument parfaites.
Mais le plus époustouflant est le dernier mouvement. Pierre Boulez l'aborde avec une grande lenteur et une majesté très grave. Le résultat est particulièrement convaincant. Je sors du concert totalement bouleversé, dans un état encore plus pitoyable que pour la Huitième, deux jours auparavant. Le public berlinois fait une véritable ovation chaleureuse à l'orchestre et au chef, au lendemain de ses 80 ans.
Nous passons dans les coulisses juste pour apercevoir l'homme du jour félicité par une foule compacte. Pourtant il est rapidement rappelé sur scène. Il y a eu un problème lors du concert : la fanfare de six cors qui joue en coulisse a totalement raté son passage et il a été décidé de le réenregistrer pour que la diffusion prévue le soir même sur arte soit meilleure. Tout l'orchestre est revenu sur scène dans la salle vide pour reprendre le passage délicat. Nous restons dans les coulisses juste devant les cornistes qui fixent un écran de télévision où ils peuvent voir et entendre les indications du chef. Nouvelle tentative ratée en raison de nouvelles fausses notes. Daniel Barenboim débarque. Il se met devant les cornistes et relaie pour eux les mouvements de Boulez. Cette fois-ci tout est en boîte. Je pense avec émotion à un concert donné également à Berlin, voilà cent ans, en 1905. Un jeune homme, chargé de diriger la fanfare dans les coulisses avait été chaleureusement félicité par Gustav Mahler. Il s'appelait Otto Klemperer. Soixante deux ans plus tard, le même Klemperer enregistera pour EMI les cinq concertos pour piano de Beethoven avec au piano un jeune pianiste nommé... Daniel Barenboim.

16533ème jour

Cinq concerts en 48 heures

Donc vendredi soir, nous inaugurions le week-end avec la Huitième d'Inbal. Le lendemain à 16 heures, Daniel Barenboim dirigeait le Chicago Symphony Orchestra à la Philharmonie dans le Troisième concerto de Bartok et la Neuvième Symphonie de Mahler. Puis nous avons couru au Deutsche Oper pour une représentation de la Fanciulla del West de Puccini, opéra plutôt sans intérêt, il faut bien le reconnaître. Dimanche matin, c'était l'événement de la semaine avec la Deuxième de Mahler dirigée par Pierre Boulez à Philharmonie à l'occasion de ses 80 ans, concert sur lequel je reviendrai demain. Nous avons poussé le vice jusqu'à aller au concert de 18h30 au Staatsoper où Boulez et Barenboim se partageaient la direction d'un programme dédié à Boulez compositeur : Anthèmes 2, Sur Incises et Notations I-IV & VII.
De quoi friser l'indigestion.

16532ème jour

Une exceptionnelle Huitième de Mahler

Après une journée de vadrouille dans la ville, nous avions rendez-vous au Konzerthaus pour notre premier concert : la Huitième Symphonie de Mahler par le Berliner Symphonie Orchester sous la direction d'Eliahu Inbal. En approchant du Konzerthaus, je repense au concert Mahler auquel j'avais assisté 15 ans plus tôt dans cette même salle. Je songe aussi à la seule fois où j'ai déjà entendu la Huitième à Paris, déjà dirigée par Inbal. J'ai toujours eu des difficultés avec cette symphonie que je trouve inégale et parfois boursouflée, excessive. Les conditions de la création en 1910 à Munich, avec plus de mille exécutants ont beaucoup influencé la façon dont elle est interprétée aujourd'hui, la poussant souvent vers un gigantisme outrancier.
La grande salle blanche et or est pleine à craquer, tant sur scène que dans la salle : deux choeurs symphoniques, un choeur d'enfants et huit solistes prêtent main forte à l'orchestre. Le Veni Creator éclate, chanté par tous les choeurs, soutenus par l'orchestre et l'orgue. L'interprétation présente quelques imperfections techniques, les solistes sont inégaux, les choeurs sont d'une beauté idéale mais surtout, Inbal conduit avec une merveilleuse compréhension de l'esprit mahlerien. La symphonie s'achève dans l'apothéose proche du final de de la Deuxième Symphonie. Je ne peux m'empêcher d'être submergé par l'émotion, d'avoir les yeux inondés de larmes. Je ne regarde pas mon voisin car je devine qu'il est exactement dans le même état.
Nous passons ensuite la soirée au bar du Konzerthaus à boire des bières et à discuter avec un petit groupe de musiciens français membres de l'orchestre et qu'Alban Berg a bien connus lors de tournées à l'étranger. Je suis évidemment ravi de cotoyer l'envers du décor.

16531ème jour

Mes visites à Berlin

Ma première visite à Berlin remonte à l'été 1990. J'y ai passé quelques jours en compagnie de Gaëtan peu de temps après la chute du mur, dans une ambiance assez spéciale qui laissait encore comprendre quelle avait été l'atmosphère de la ville coupée en deux. Nous avions assisté à un concert à l'Est, le klagende Lied au Konzerthaus, et un concert à l'Ouest : ma première visite à la Philharmonie de Berlin pour un concert dirigé par Daniel Barenboïm qui assurait en quelque sorte l'intérim après la mort de Karajan.
Je suis revenu à Berlin neuf ans plus tard pour une semaine complète du grand festival Mahler qui avait été organisé à la Philharmonie. Je me souviens qu'en cinq jours d'affilée, j'avais entendu ce programme singulier : Deuxième Symphonie dirigée par Rattle avec les Wiener Philharmoniker, Neuvième Symphonie par les Berliner dirigés par Abbado, ce concert ayant depuis été publié en CD. Septième Symphonie par les Gustav Mahler Jugend également dirigés par Abbado. Puis Première Symphonie par la Philharmonie de Berlin et Kurt Masur. J'avais également trouvé l'occasion d'aller en cette même semaine deux fois à l'opéra et une autre fois encore à la Kammer Philharmonie.
Et puis quelques mois plus tard, il y a eu ce premier voyage avec P. dans le froid hivernal de Berlin. Pas de concert cette fois-ci, mais des boîtes, des visites et le bonheur d'une amitié qui naissait.
Ce matin avec Alban Berg, nous avons démarré notre journée par un déjeuner au café Einstein qui est l'une de mes cantines préférées à Berlin. Puis nous avons repris nos marques dans la ville en lada décapotée ou a pied, sous le timide soleil printanier, en attendant notre premier concert.

16530ème jour

Istanbul Paris Berlin

Lever ce matin à 7h30, heure d'Istanbul, 6h30 heure de Paris. La journée va être dense : rendez-vous chez mon client à 9 heures, départ pour l'aéroport, conférence téléphonique avec un autre client, décollage à 14 heures, atterrissage à Orly à 17 heures, deux heures pour rejoindre Nanterre dans les embouteillages, une dernière réunion de travail qui se finit à 21 heures.
Je dois partir avec Alban Berg à Berlin pour ce long week-end planifié depuis longtemps déjà. J'hésite à partir en raison de l'heure déjà tardive. Finalement, nous nous décidons et partons aux environs de 23 heures. J'ai en tête de faire la moitié de la route de Berlin et de dormir à mi-chemin dans la Ruhr. Pour finir nous allons au bout des mille kilomètres qui séparent les deux capitales et vers 8 heures du matin nous roulons dans les rues vides de Berlin. Je n'ai pas dormi depuis 26 heures, mais je suis heureux.

16529ème jour

Au lit!

Mon principal client à Istanbul est francophile. Il a fait ses études dans l'un des grands lycées francophones de la ville, puis à Lyon. Il parle donc un français impeccable. Il choisit également ses secrétaires selon un critère objectif, la maîtrise du français, et un critère inavoué mais bien visible : la beauté. Sa nouvelle assistante a une plastique parfaite et un français parfois défaillant. Elle hésite souvent dans le choix des mots mais utilise toujours le mot chambre au lieu de bureau, un peu comme en anglais. Cela crée des situations amusantes. Elle me dit par exemple : "Monsieur Mehmet n'est pas dans sa chambre pour le moment" ou bien encore "Monsieur Mehmet va vous recevoir dans sa chambre aujourd'hui".
Je trouve celà très charmant.

16528ème jour

Mais comment font-ils?

J'ai du passer une cinquantaine de nuits dans mon hôtel d'Istanbul, un hôtel assez agréable mais immense et très impersonnel. J'y suis donc, non pas le meilleur client, mais l'un des bons clients. Depuis quelques semaines, tout le personnel m'appelle par mon nom, dès qu'il me croise dans les couloirs. Je me demande vraiment comment ils ont pu faire passer mon visage dans tous ces cerveaux. A ma connaissance ils n'ont pas de photographie de moi, sauf s'ils ont photocopié mon passeport lors de ma première venue. Le résultat aurait plutôt tendance à m'agacer. Je me demande si je ne vais pas me trouver une nouvelle antre.

16527ème jour

Istanbul forever

Retour à Istanbul hier par le vol du soir. Il fait frais mais dès ce matin un soleil radieux envahit tout sans toutefois faire remonter les températures au dessus de 13 degrés. Je pense à Jules qui n'a décidément pas eu de chance pour son récent séjour.
J'ai beau compter et recompter les tampons de mon passeport, j'en suis à 38 sésames ce qui est anormal vu que je suis dans le pays. Soit l'un des douaniers a oublié de tamponner lors d'un passage, soit il a fait du zèle en tamponnant deux fois. Je ne le saurai sans doute jamais.
Ce nouveau voyage est important. Demain j'ai une réunion qui va sans doute être décisive sur mon activité dans ce pays. J'espère avoir l'occaion de revenir régulièrement cet été.

16526ème jour

2031

Lu dans Liberation cette analyse provenant d'une étude américaine de l'Earth Policy Institute. L'hypothèse de base est une croissance chinoise continuant à se situer autour des 8% actuels. Dans ce cas, le niveau de vie moyen des chinois atteindrait celui des américains en 2031. Et la consommation de la seule Chine dépasserait alors la consommation mondiale actuelle de pétrole, d'automobiles, de viande, de céréales, de métal...
Que faire? Se lamenter? Pleurer? Manifester? Partir vivre en Australie? Ou faire comme tout le monde: rester à bord du Titanic, en écoutant la musique, en buvant les vins fins et les mets raffinés et en jetant, de temps à autres, un regard désabusé et blasé à l'iceberg qui se rapproche, sans que le rafiot ne puisse désormais l'éviter.
Rendez-vous dans 9500 jours.

16525ème jour

Vingt mille jours sous la terre

Dans vingt-mille jours, ce sera mon anniversaire. J'aurai cent ans. Enfin, c'est une probabilité. Une faible probabilité. Mon corps sera plus vraisemblablement sous terre dans un cimetière, en train de se dégrader sous l'action de vers et de vermines quelconques. Ou bien encore il se sera volatilisé dans les airs lors d'un voyage aérien à la conclusion imprévue.
Quelqu'un lira-t-il ses lignes en ce jour anniversaire? Se moquera-t-il de mes poses pédantes devant la fin inéluctable?
Après tout. Qu'importe...

16524ème jour

D'une cave à l'autre

Lever très matinal pour attraper le TGV de 7h15 à destination de Dijon. Le temps est incroyablement beau, ensoleillé, avec des températures d'un beau mois de mai. Malheureusement, je passe la journée enfermé dans une usine sans fenêtre avec des clients brésiliens, puis enfermé dans une cave à vin pour un long déjeuner.
De retour à Paris, je longe le Boulevard de Sébastopol avec la lada décapotée lorsque mon regard croise un visage en lame de couteau et aux cheveux longs. Il me regarde lui aussi mais je dois à regret le dépasser. La circulation est dense et quelques rues plus haut, il est de nouveau sur le trottoir à côté de la voiture à me regarder en téléphonant. Il avance en fait plus vite que moi et nous sommes à plusieurs reprises au même niveau. Il s'approche, me demande tout simplement s'il peut monter. J'accepte. Il me dit qu'il était sorti juste pour marcher quelques instants, qu'il est étudiant dans une école de mode. Je l'emmène jusqu'à la gare Saint Lazare où nous discutons encore quelques minutes. Il me demande mon numéro de téléphone et entre dans la bulle du métro.
Quelques minutes plus tard, je retrouve Alban Berg pour une nouvelle soirée pleine de musique. Nous parlons comme à l'accoutumée, pendant des heures ensemble. Vers cinq heures du matin, je le ramène chez lui, toujours décapoté, dans un brouillard épais, au son du Knaben Wunderhorn.

16523ème jour

Ikea

Un rendez-vous manqué entre Nanterre Préfecture et Nanterre Université. Un embouteillage colossal dans le bois de Boulogne, le long de la Seine. Des souvenirs anciens de l'aire de Lisses. Un magasin Ikea à rebrousse-poil. Une table qui ne convient pas et une autre qui va. Une bouteille de vodka. Un retour dans la nuit en lada décapotée. Un dîner chez Janou. Un triangle isocèle dont la base est étroite et le sommet à Guadalajara. Un plein de minuit à un euro quarante deux le litre.

16522ème jour

Hors de l'oubli

A la fin de sa vie, de combien de journées se souvient-on précisément? Combien d'entre elles comprennent un événement dont il vaut que l'on s'en souvienne? Sans doute peu au final. Peut-être deux ou trois mille. Les autres valaient elles la peine d'être vécues?

16521ème jour

L'air de rien

Je ne sais pourquoi, ce jour, je pense à un voeu formulé pour moi par Alice qui, dans les commentaires d'un post ancien, me souhaitait "une rencontre qui n'aura l'air de rien et qui s'enracinera tranquillement dans la durée sans que je ne m'en rende compte."

16520ème jour

Décapoté

Ce matin, je suis allé pour la première fois au bureau décapoté. Il faisait 12 degrés, mais avec les vitres remontées on ne sentait pas du tout l'air froid. C'est globalement très agréable de se déplacer ainsi avec juste deux exceptions : si un poids lourd a la malencontreuse idée de klaxonner juste à côté de moi, je suis bon pour la crise cardiaque. Le long tunnel sous la Défense et très bruyant et particulièrement nauséabond. Deux minutes seulement, mais je vais désormais contourner La Défense.

16519ème jour

Impressions du clair de lune

Je m'assois. Il me l'apporte, le pose doucement contre moi. Il suffit de bloquer la pique entre deux lattes de parquet pour obtenir de la stabilité. Mes mains se posent plutôt naturellement là où il faut, mais je n'ose pas démarrer, sans doute par peur du ridicule. Il m'encourage. Je me lance sur la corde la plus grave, celle de do. Je suis surpris de la force qu'il faut donner pour que le son soit plein. Je parcours les quatre cordes pour les faire vibrer au naturel avec plus au moins de bonheur. Do. Sol. Ré. La. Je me lance dans la suite logique : Tenter de produire d'autres sons à l'aide de la main gauche. Il me suggère de tenter Au clair de la lune. Tout simplement. En fait, c'est loin d'être aussi simple. J'ai du mal à trouver l'emplacement précis de l'index, puis de l'annulaire pour que le ré et le mi soient juste. Synchroniser un mimimum les deux mains. Garder l'archet perpendiculaire à l'instrument. Appuyer suffisamment fort. Au final je parviens à jouer la mélodie, pas très justement, et surtout pas très proprement.
Je ressors de l'exercice à la fois heureux de l'expérience et malheureux d'avoir consacré les principales priorités de ma vie à ce qui ne m'intéresse pas le plus.

16518ème jour

Gaffiot

Il n'y a pas loin de l'affection grecque à l'aversion latine.
Jacques Prévert (1900-1977), Aphorismes, épigrammes et "graffiti"

16517ème jour

Nouvelles turqueries III

gVgVssE : tu sais comment on dit anus en turc?
Michael : oui
gVgVssE : comment?
Michael : anus
gVgVssE : non
Michael : troudùk?
gVgVssE : non
Michael : comment?
gVgVssE : anüs
Michael : mouarf

16516ème jour

Mes amis les taksis III

Cette semaine a été la stricte opposée de la précédente. Beau temps tous les jours, mais une bourrasque de neige au moment de partir pour l'aéroport, alors que je monte dans le taxi. Celui-ci se montre étonnamment prévenant. Il avance le siège pour que je puisse allonger les jambes, baisse la musique lorsque je téléphone. Arrivé près de l'aéroport, je lève la tête vers le plafond pour parvenir à apercevoir le compteur avantageusement camouflé derrière le levier de vitesses. A ma grande surprise, il affiche déjà 40 livres turques alors que le prix normal de la course est de 25. L'indicateur jour/nuit a été habilement recouvert d'un shaterton noir. Je surveille donc l'incrément kilométrique qui est bien sur celui de la nuit. Je gueule un grand coup en criant des Gündüz dans tous les sens et tends le bras pour enlever le shaterton. Le mec s'écrase et se confond en excuses jusqu'à l'aéroport. Comme je demande une fiche, il tente quand même le coup d'écrire 40. Je regueule, il recommence la fiche à 20. Grand Seigneur, j'inscris moi même 25. Je pense que j'aurais dit 5, il aurait accepté.
A part ça, vous savez comment on dit violoncelle en turc?

16515ème jour

Paris-Roissy

-Ah c’est une bonne station Villiers, une très bonne station même. Toujours des clients, et ça avance vite. C’est comme la porte de Saint-Cloud. Moi quand j’ai pas de client, je vais soit à Villiers, soit à la porte de Saint-Cloud. Tiens, là c’est la Banque de France. Ils devraient bien faire des HLM là dedans. J’y ai emmené plein de clients pour changer leurs derniers francs. A propos il n’est arrivé un truc incroyable. Il y a quelques années, j’ai hérité d’un oncle qui n’avait pas d’enfants. Ca s’est très bien passé avec les autres neveux et nièces, on s’est bien entendus, on a partagé à la bonne franquette. Moi j’ai eu entre autres un beau buffet avec quatre portes et je l’ai installé dans la petite maison qu’on a avec mon mari en Dordogne. Mais avec l’humidité, il a mal vieilli le buffet, le bois a craqué de partout, il a gondolé et on a du se résigner à le brûler. Et alors que j’étais en train de le démonter, tout d’un coup j’ai vu un truc derrière les portes. J’ai appelé ma petite nièce qui jouait dans la cour. Eh bien figurez vous, deux enveloppes pleine de billets de mille francs, des Richelieu. Ils étaient en très bon état, ils avaient juste un peu rouillé à cause de l’épingle pour les attacher. Je suis allé à la Banque de France, eh bien figurez-vous, ils avaient arrêté de les rembourser six mois plutôt. Je suis passé à côté de la fortune. J’en avais plein. J’ai essayé de les vendre à des collectionneurs, mais ils n’en voulaient pas à cause de la tâche de rouille due à l’épingle. J’en ai même donné deux à un client. Il voulait me les acheter mais j’ai refusé, vous pensez. Tiens ils vont où tous ces flics c’est bizarre. Eh ben, il y en a des bagnoles de police. Je me demande bien où ils vont tous. Tiens regardez, c’est un taxi privé, ça, sans doute un taxi d’hôtel. Ils font ça pour leurs clients qui vont dans les aéroports ou à Eurodisney. Ah je les aime pas hein. Ils nous piquent notre boulot vous comprenez. Est ce que je propose des chambres moi ? Non ? Ben pourquoi ils proposent des taxis hein ? Ils font ça au Bristol. Mais quand le concierge appelle la borne taxi, ben nous on leur dit « Ah bon ? Vous n’avez pas de voiture privée ? » Ah ! chaque fois que je viens à Roissy, je pense au crash du Concorde. J’avais emmené un client, un monsieur allemand. Vraiment très gentil. Il était tellement content de prendre le Concorde. Ah ! c’est bien triste. Vous m’avez dit le 2F ? C’est tout au fond. Ouhlala ! mais regardez la queue qu’il y a pour aller au 2A. Mais qu’est ce qui se passe là bas ? Tiens voyez ce taxi, il est venu à Roissy à vide juste pour charger des clients. Ah ben ça vous fait 38 euros, c’est plus cher le dimanche.
- Vous me ferez une fiche s’il vous plait ?

16514ème jour

Fanculo

Le métro de Milan est plutôt agréable avec ses lignes bleue, rouge, verte, qui desservent tous les quartiers. Je l'ai emprunté hier entre le Duomo et la Piazza Venezia. Le billet à l'unité vaut un euro et le plus simple est de l'acheter aux distributeurs automatiques. Hier, j'avais peu de monnaie sur moi, juste une pièce de cinquante centimes et beaucoup de très petite monnaie. La pièce de cinquante passe bien, mais la machine refuse systématiquement toutes les autres pièces. J'appuie sur annulation, je remets la pièce de cinquante que la machine avale cette fois ci sans me la créditer, puis refuse toutes les autres. Je m'énerve jusqu'à ce que la bonne idée me vienne à l'esprit. Au fond du porte-monnaie, je prends une pièce d'une demie-livre turque (trente centimes d'euro) et la machine me délivre aussitôt un billet.
A ce prix, j'en ai acheté deux.

16513ème jour

J'attends comme un con

Je suis arrivé à l'avance chez mon client. J'ai donc attendu mon avocate quinze minutes sur le trottoir. Lorsque je l'appelle à 9h30 précises, elle m'indique qu'elle quitte juste son bureau à l'autre bout de la ville. Je décide donc de démarrer ma réunion sans elle. Arrivé dans salle de réunion, la secrétaire du client me propose un ristretto et m'informe que le client chef sera très en retard du fait d'un accident sur l'autouroute et que le client sous-chef est malade.
J'en suis réduit à poireauter tout seul et à songer que j'ai décidément bien fait de venir la veille.

16512ème jour

Gasoline

J'avais envie de faire un tour à cette soirée qui a lieu le dimanche et il se trouvait que je devais venir à Milan la veille d'une réunion matinale le lundi. Alors que je m'y rendais, j'ai découvert le quartier de Milan près de de la Porta Garibaldi qui , même un dimanche, est très animé le soir en boutique branchées et en bars sympatiques.
La soirée en elle même m'a plutôt déçu. La boîte est petite, la clientèle vraiment très jeune, la musique moyenne... Je me suis contenté de siroter deux Smirnoff Ice avant de rentrer à pied à l'hôtel. En fait je crois que j'ai simplement vérifié une fois de plus que je n'aime pas aller seul en boîte.
Tu avais raison Michael, ça ne valait vraiment pas la meine de dépenser 25.000 miles Air France.

16511ème jour

La flûte enchantée

J'ai découvert la flûte enchantée au moment où le film de Bergman est sorti en France, il y aura bientôt... trente ans. J'avais adoré ce film qui est sans doute ma première immersion dans un opéra intégral. J'étais allé le voir une seconde fois quelques jours plus tard avec mon grand-père Louis qui en était sorti émerveillé.
Je l'ai revu ce soir en DVD avec mes filles. Bien sûr je suis plus sévère sur la qualité des chanteurs, sur le choix du suédois à la place de l'allemand. J'ai été amusé de retrouver Hakan Hagegard que j'ai entendu chanter les Lieder eines fahrenden Gesellen lors de la Mahlerfeest d'Amsterdam. Mais Bergman a parfaitement su offrir le charme de l'enfance, l'intimité d'un petit théâtre, une certaine naïveté consentie qui ne devait pas être si loin de l'esprit des premières représentations de Vienne au Theater auf der Wieden en 1791.

16510ème jour

Le trajet improbable

Il a plu toute cette semaine à Istanbul, sans discontinuer. Lorsque je quitte l'hôtel pour l'aéroport, le soleil est revenu. La ville parait soudain revivre, les commerçants sortent devant leur boutique pour prendre l'air. Le vol Turkish Airlines est à l'heure. Lorsque nous survolons la France, les paysages sont entièrement blancs. Des que je sors d'Orly, les flocons se remettent à tomber de plus en plus dru. Le chauffeur de taxi râle, il me dit que c'est la même chose depuis cinq jours, qu'il neige tous les soirs. Il se débrouille bien au milieu des embouteillages, évite soigneusement l'autoroute du sud et le périphérique et me laisse bien à l'avance Gare de Lyon. Quatre heures plus tard, je suis accueilli par mes filles souriantes dans le hall de la gare de Clermont.
Istanbul Clermont en une demie journée. Parcours improbable.

16509ème jour

Une journée de boulot

La matinée s'est déroulée comme la journée d'hier. Nous sommes passés sur la rive asiatique par le deuxième pont, puis nous avons visité des sites industriels mornes dans un crachin froid. La plupart étaient décevants. La palme d'or revenant à un garage encore en activité que le propriétaire me proposait de louer pour une somme indécente. Au fin fond de l'atelier, près de Tofas en réparation, je me suis demandé un bref instant ce que je foutais là.
L'après-midi fut totalement différente. J'avais rendez-vous au dernier étage de la tour d'une des plus grande banques turques. En rentrant dans l'immeuble, je demande au patron de notre filiale locale avec qui nous avons rendez-vous. "With the General Manager!" me répond-il avec un air gourmand. "You mean the Number One of the bank?" "Yes! Of course! The number one!" ajoute-t-il presque vexé.
Nous attendons dans la magnifique salle de réunion qui a une vue à couper le souffle sur Etiler, Levent, Besiktas, le premier pont sur le Bosphore et au loin, la côte asiatique.
Le client entre accompagné d'une collaboratrice. Dès la lecture de sa carte de visite, je sais qu'il n'est, comme je l'imaginais, que le General Manager d'un département. Rendez-vous courtois, concis et intéressant.
Avant de repartir, le turc qui nous a obtenu le rendez-vous, que je surnomme Onassis tant il lui ressemble, et qui nous a accompagné, nous entraîne à l'étage inférieur chez un pote à lui. On débarque dans un bureau immense, ultra moderne, bénéficiant lui aussi d'une très belle vue. Le mobilier, ancien et anglais, détonne avec la froideur des murs. L'occupant des lieux prend un thé, et bizarrement un toast, avec un collègue. Ils ont l'air de refaire le monde tout en n'en glandant pas une. Nous nous joignons au groupe, commandons un thé (Cay, please) et ils se mettent tous à parler turc entre eux sans me prêter la moindre attention. J'en profite pour admirer la vue, et je me dis que décidément, la vie m'a souri le jour où j'ai reçu un appel d'un numéro commençant par +63.

16508ème jour

Jours gris

Tristesse d'un jour passé à visiter des sites glauques dans des banlieues grises et sans charme, sous une pluie froide qui imprègne rapidement les vêtements. Istanbul est décidément faite pour le soleil et non pour cette grisaille qui à force d'être subie, pénètre aussi les esprits. J'attends impatiemment le rayon de soleil de demain soir qui me fera dîner avec mon Jules.

16507ème jour

Sûrement turc.

En discutant avec Michael récemment, ce dernier me faisait remarquer que lorsque l'on dit "sans doute", c'est précisément qu'il y a un doute, tandis que lorsque l'on dit "sûrement" c'est que rien n'est sûr. Dans le même ordre d'idée, il est surprenant de penser que je n'ai encore jamais vu de WC turcs en Turquie.
J'ai en revanche vécu hier soir une expérience inédite en matière de pissotière. Dans un restaurant de poisson en bord du Bosphore, tous les urinoirs du restaurant étaient totalement remplis de glaçons. C'était plutôt rigolo de pisser sur dessus et de tenter de les faire fondre. Jouissif même. Sûrement turc en tout cas.
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