23721ème jour
La pointe du Cap I
Le
Saint James Manor est plein de charme, le personnel attentif, mais l'honnêteté me pousse admettre qu'il y avait un cafard sur le joli parquet de ma chambre et qu'à l'heure de ma douche, il n'y avait plus d'eau chaude. Qu'importe... Après une petite promenade sur la plage, je suis parti en direction du sud. J'ai refait une promenade sur
Long Beach, j'ai traversé
Simon's Town, pleine de charme et j'ai roulé jusqu'à la silhouette familière de la montagne qui domine le cap de Bonne espérance. J'ai probablement refait exactement la même promenade qu'avec Josiah six ans plus tôt mais peu m'importait tellement elle est belle. Je suis remonté au phare qui n'est plus utilisé depuis un siècle carie s'est avéré qu'il se trouvait le plus souvent au dessus de nuages et les bateaux ne pouvaient donc être alerté par sa lumière, comme le
SS Lusitania qui coula juste en face en 1911. Sur les pentes de la colline au phare, il y a à perte de vue, des Griffes de Sorcière
très jolie plante résistance qui s'orne de fleurs multicolores. La maison de Sissi à Estepona en était décorée, il me semble que les siennes venaient d'Argentine et j'ai pris une photo pour lui rappeler ce souvenir.
J'ai repris le volant et j'ai longé là très belle côte ouest du cap qui ades airs de Big Sur. J'ai fait une halte à l'endroit même où nous nous étions arrêtés six ans plus tôt avec Josiah. j'ai repris les mêmes photos avec les perspectives identiques et je les lui ai envoyées.
Je suis retourné pour un late lunch à Cape Point Vineyards où se tenait un mariage. C'était aussi bien que la veille.
23720ème jour
Cape Town III
Aujourd'hui, j'ai vu des baleines. Et des dauphins. Et même quelques otaries qui se prélassaient mollement au soleil, sur une grosse bouée de plastique rouge qui marque l'entrée du port.
En fin d'après midi, j'abandonne mes collègues qui rentrent dans leurs pays respectifs. Je vais à l'aéroport récupérer une petite
Polo blanche et flambant neuve, je traverse les horribles embouteillages qui paralysent la banlieue de
Cape Town en ce début de week end et je vais à
Cape Point Vineyards un restaurant absolument formidable, au milieu des vignes, sur une pente qui va en direction de la mer, sur la côte ouest de la pointe du Cap.
Puis je poursuis ma route dans la nuit et m'arrête au
Saint James Manor Guesthouse, un vieux manoir de la fin du XIXème siècle, construit juste en face de l'océan, et que le gardien de nuit tient absolument à me faire visiter du bas en haut. Ma chambre a du charme mais je ne demande qu'une chose: qu'on me laisse dormir.
23719ème jour
Cape Town II
Journée de meetings similaire à la précédente. Alors que nous partons en excursion, nous attendons les taxis au soleil et mon collègue russe (qui ne vend que dans les pays limitrophes autorisés) observe mon tee short marqué Шостакович avec amusement. Il me demande pourquoi il n'est pas plutôt marqué "Putin" sur le tee shirt. Sans me démonter, je lui réponds que si mon tee shirt mentionnait Putin, il serait sans doute imprimé "
Fuck Putin! ou bien "
A bas Putin!. D'un air grave, il déclare: "Putin is strong, ce à quoi je lui réponds: "
Hitler was strong too".
L'excursion nous conduit à
Table Mountain où je n'étais pas allé avec Josiah il y a six ans. Il y fait un froid de canard bien que l'été soit bientôt là. Le soir, dîner dans un restaurant de poissons, lui aussi sur le port et tout aussi médiocre que les viandes de la veille.
23718ème jour
Cape Town I
Journée de meetings qui me permet de faire mieux connaissance avec l'ensemble de l'équipe commerciale de ma nouvelle compagnie. Il y a là un russe, des libanais, deux africains, quelques français, un autrichien, un saoudien, un colombien, un espagnol, une philippine, mais aucun raton laveur.
Le soir, dîner dans un restaurant de viandes sur le port.
23717ème jour
Dubaï - Cape Town
Début d'un long périple qui va me tenir éloigné de Dubai pendant quatre semaines. Première étape, Cape Town, que j'ai déjà visitée il y a exactement six ans, pour un voyage avec Josiah, un américain rencontré à Sydney et qui m'avait accompagné de Cape Town jusqu'au parc
Kruger où nous avions passé la nuit de l'an loin de la civilisation. Ce séjour n'avait pas été désagréable, Josiah avait été ému aux larmes en voyant les grands animaux sauvages vivant en liberté. Mais alors que j'espérais que ces jours passés ensemble nous rapprocheraient au point de construire quelque chose, à mon grand désarroi, Josiah passait beaucoup de temps avec un mystérieux italien au téléphone. Mon désarroi est vite devenu de l'agacement et, alors que Josiah est venu s'installer à Paris peu ou prou lorsque j'ai quitté Hong Kong, nous ne sommes revus qu'une ou deux fois. Pendant que Josiah téléphonait à son italien, j'étais entré en contact avec Wiebe, un jeune hollandais blond comme les blés qui était là en vacances avec ses parents. Nous nous suivions par hasard dans les endroits touristiques de la région et même en ne se rencontrant jamais physiquement pendant cette semaine là, nous sommes devenus amis, probablement pour la vie, et depuis, nous sommes allés ensemble dans de nombreux endroits de par le monde.
En arrivant à Cape Town, je découvre qu'il fait gris et frais, je dépose mes valises à l'hôtel de notre séminaire de travail, installé dans une ancienne prison, je fais une petite promenade sur la pointe de
Waterfront, je rejoins mes collègues pour un dîner médiocre et j'ai finalement un grand plaisir à retrouver mon lit.
23716ème jour
Dubaï
C’est ma journée de transhumance pendant laquelle je dois transporter au bureau mes vêtements et les objets qui restent à Dubaï et mettre dans ma grosse valise ce que j’emmène, essentiellement du linge sale. Grâce à notre directeur juridique singapourienne que j’ai affublée du surnom de
Mamie Nova (tous les français ont trouvé que ça lui allait bien), j’ai découvert un raccourci à travers un immeuble pour me rendre au bureau ce qui m’économise des pas, alors que je suis chargé comme une mule.
Dans l’après midi, je vais visiter deux appartements dans le quartier de
Dubaï Creek que l’on me recommande. C’est un endroit étonnant, construit par
EMAAR, le meilleur promoteur de Dubaï, et qui est sorti de terre il y a trois ans. Il y a maintenant une trentaine de hauts immeubles, trois hôtels, un petit port de plaisance, des lagons artificiels, des restaurants et des magasins. L’un des deux appartements retient mon attention: il est de belle qualité et bénéficie d’une vue sur le désert et sur la tour de l’hôtel
VIDA qui me fait penser à la tour
NTT Docomo Yoyogi à
Shinjuku. Un grand cercle est matérialisé dans le sable. Il symbolise l’endroit où la deuxième plus haute tour du monde va être construite, une grande épine fine bardée de câbles. Cette vue, étrange aujourd’hui, a toutes chances de devenir très spectaculaire dans quelques années.
23715ème jour
Eros & Thanatos
A quatre heures du matin, Emil me contacte. Il est un peu saoul mais a envie de passer me voir. Le temps de prendre une douche et je suis à la réception de l’hôtel pour l’accueillir devant le gardien de nuit qui observe la scène et ne doit guère se faire d’illusion sur l’objet de la visite de ce grand jeune homme blond aux allures de viking. Nous commençons à nous embrasser dès que nous sommes dans l’ascenseur et, à peine arrivés dans la chambre, ne perdons guère de temps pour les préliminaires. J’ai souvent observé que les meilleures séances de sexe surviennent lors de la seconde rencontre. On se connaît mieux, on sait ce que l’autre aime en particulier, on est un peu plus desinhibé et on a envie que ça soit encore mieux que le souvenir de la première fois. Je ne sais plus très bien combien de temps nous sommes restés ensemble à nous embrasser le corps, à nous sucer et à renifler du
poppers à tour de rôle, probablement une heure, mais je me souviens que j’aurais voulu que ce moment ne s’arrête jamais tellement il était hors du temps. Après avoir épuisé toutes les positions possibles et imaginables, j’ai compris qu’Emil voulait jouir et alors que j’avais introduit un doigt dans son trou, il s’est branlé très fort au dessus de mon visage, ma langue caressant ses couilles et son gland. Il a lancé un gros jet chaud sur mon visage et j’ai joui à mon tour alors que son sexe immédiatement redevenu dur était au fond de ma bouche.
J’ai regardé Emil qui prenait sa douche. J’avais envie de le prendre en photo en cachette pour garder le souvenir de ce moment mais je n’ai pas osé. Il est reparti dans la nuit et j’ai dormi une heure de plus.
Alors que je prenais mon petit déjeuner, je reçois un message de Sissi:
« Je vous attends ». Panique: ai-je encore le temps alors que mon vol est dans six heures? Trouverai-je une voiture de location ce dimanche matin? Et pourtant je ne peux pas me défiler. Les agences de location du centre ville sont fermées et je me rends en
Bolt à l’aéroport pour récupérer une petite
Opel Corsa. Le chauffeur du Bolt est turc et plutôt sympa. Je baragouine en allemand la raison pour laquelle je vais aux agences de location et non aux départs de l’aéroport. Il me demande pourquoi je ne vais pas directement à Sankt Pölten en taxi.
« Weil es ist zu schwer! » lui ai-je répondu dans mon allemand d’opérette viennoise.
Me voici donc parti, un peu nerveux pour cette visite importante. L’hôpital de Lilienfeldest moderne, on m’indique le numéro de la chambre, je frappe à la porte et entre. Elle est là allongée, un peu pâle mais souriante à ma vue. J’installe le fauteuil visiteur tout près d’elle et nous entamons une belle discussion. Elle me propose de lui raconter notre amitié. Je suis surpris par sa demande mais je m’exécute: je lui raconte la belle jeune femme autrichienne qui, il y a quarante ans, arrivait à notre foyer d’étudiants dans une
Alfa Romeo rouge pour visiter son fils. J’évoque le souvenir de quelques week-ends passés dans leur château de famille dans les Ardennes. Je me souviens de cet été 1983 extraordinaire où, après être allé au Québec, je les avais visités à Estepona dans leur belle maison qui dominait la mer et qui offrait une vue, au loin, sur le rocher de Gibraltar. Nous nous sommes rappelés nos autres visites en Andalousie, une semaine à Pâques et deux autres étés avec mes filles, après la mort de son mari. Et puis les innombrables concerts auxquels nous avons assisté ensemble à Paris pour l’essentiel: Barenboim, Abbado, Kubelik et tant d’autres, jusqu’à nos deux derniers concerts au Musikverein, il y a quelques mois.
Sissi évoque son état, cette fin prochaine qu’elle sent venir sans peur avec juste un peu de tristesse de quitter un monde qu’elle a aimé. Elle me confie être arrivée à l’hôpital en
Rolls Royce et cela lui va tellement bien. Il est temps de partir si je ne veux pas rater mon vol pour Dubaï. Je dépose un baiser sur sa main, j’enfile mon
Tracht noir, elle me fait un dernier compliment, nos regards se croisent et nous savons tous deux que c’est une dernière fois. Je pars sans me retourner mais, dans mon dos, je sens son regard qui m’accompagne, jusqu’à ce que la porte soit refermée.
La route de Lillenfeld à Vienne est belle dans les couleurs de l’automne.
J’arrive juste à l’heure à l’aéroport.
Journée intense.
23714ème jour
Abonnementkonzert III
Cela devient presque un rituel: départ à sept heures quinze de l’hôtel, parcours silencieux dans la
Lexus Uber de l’autoroute encore vide qui conduit à l’aéroport, vol
A380 Emirates de 9h05 pour Vienne. Une heure de retard aujourd’hui. Atterrissage à treize heures. Je dépose mes bagages au très bel hôtel
Andaz au
Belvedere, je reprends un
Bolt qui me dépose au restaurant de l’
Hôtel Impérial. Soupe de carottes et
Wienerschnitzel et me voilà fin prêt pour le troisième concert d’abonnement des
Wiener Philharmoniker, dirigé ce mois ci par Alain Altinoglu.
Le concert démarre par une œuvre composée peu avant sa mort par Bruno Hartl, l’ancien timbalier de l’orchestre dont Karajan chantait les louanges. L’œuvre jouée aujourd’hui,
April Ballade, a donc été choisie en son hommage, puisqu’il est mort l’an dernier. C’est une pièce agréable, sans être inoubliable, avec un orchestre très fourni qui inclut une machine à vent.
Le concert se poursuit en plus petit comité avec un concerto d’André Jolivet dont c’est la première fois que les Wiener Philharmoniker interprètent la musique. Jolivet a composé des concertos pour toute sorte d’instruments, du piano aux ondes Martenot. Celui choisi aujourd’hui est pour le basson, accompagné par un orchestre de chambre avec une harpe et un piano. Dans un coin de la scène, Selim Mazari, au piano, semble ravi d’être là. La soliste est Sophie Dervaux, extraordinaire bassoniste solo de l’orchestre qui joue bien sûr son basson allemand, ce qui modifie forcément la couleur de l’œuvre. La découverte de ce concerto me donne très envie d’entendre d’autres pièces de Jolivet dont l’œuvre subit aujourd’hui un véritable purgatoire. En bis, Sophie Dervaux joue une extraordinaire transcription des variations sur le caprice de Paganini. La salle est tellement impressionnée que des applaudissements enthousiastes éclatent entre deux variations.
Après l’entracte, l’orchestre a choisi de nouveau une œuvre française mais cette fois ci bien connue, puisqu’il s’agit de la
Symphonie Fantastique de Berlioz. Magnifiquement menée de bout en bout par le chef, elle me laisse le cœur complètement haletant. La valse est, comme on pouvait s’y attendre, absolument merveilleuse et le
Finale, vénéneux comme il convient.
Nikita, qui est l’assistant d’Alain Altinoglu à Francfort, m’entraîne dans sa loge pour le saluer. Il est simple et sympathique et nous invite à aller prendre un verre à son hôtel. Nous échangeons de nombreuses anecdotes de chefs et d’orchestre. Cette rencontre m’incite à prendre des places pour
Götterdämmerung et pour la
Huitième Symphonie de Mahler qu’il dirige à Bruxelles l’an prochain.
Je rentre à l’hôtel, décidant de rester à l’heure de Dubaï. Emil m’envoie un message, me disant qu’il est à une soirée d’anniversaire. Je l’invite à me contacter même au milieu de la nuit s’il le souhaite et lui indique que mon téléphone ne sera pas en mode silence.
Ce week end prévoyait aussi une visite d’adieu à mon amie Sissi qui a été admise dans une unité de soins palliatifs, près de chez elle, à une heure et demie de route de Vienne. Je sens beaucoup d’hésitation de sa part, préférant que je garde le souvenir de la femme alerte et solide qu’elle était encore lors de ma visite chez elle en juin dernier. Finalement en fin de soirée, le verdict tombe: son fils aîné m’indique qu’il est préférable de renoncer à ma visite afin de ne pas la fatiguer.
23713ème jour
Daniel
Un café avec Clément, un français installé depuis une dizaine d'années à Dubaï et qui s'est spécialisé dans l'immobilier de deuxième main pour une clientèle francophone. Ses explications sont plus claires que tout ce que j'ai pu apprendre des locaux, en particulier au sujet des formalités administratives d'acquisition. Il me recommande le quartier de
Dubai Creek Harbour sorte de jumeau de
Downtown et qui dans quelques années sera dominée par la
Dubai Creek Tower, présentée comme une version "féminine" du
Burj Khalifa, er presque aussi haute. Nous visiterons ensemble le quartier lundi.
Le soir, retour à
Lolita's Pool pour rencontrer Daniel, un garçon de Florence qui s'avère être un albanais qui vit à Florence depuis fort longtemps et rêve de venir s'installer à Dubaï sans pour autant avoir de projet précis en ce sens. Son anglais est plus que fragile et j'essaye de m'en débarrasser aussi vite que possible car la journée de demain sera longue. Il m'aura cependant appris qu'il existe des vols Aller/Retour Rome Abu Dhabi pour moins de trois cents euros, ce qui me semble être une belle opportunité pour un week-end
Accademia Santa Cecilia & Puntarelle.
23712ème jour
Retour à Jun's
Je retrouve mon ancien collègue pakistanais que j'invite à
Jun's qui devient ma cantine pour les déjeuners professionnels.
Long meeting mensuel qui se termine à 21h00.
Pas de nouvelles de David dont je commence à croire que son excuse de la veille signifiait seulement qu'il n'avait nullement l'intention d'aller avec moi au delà de quelques verres ensemble.
23711ème jour
Umid
En fin de journée, je retrouve à
Lolita's pool un ouzbek rencontré sur
Grindr. Il se nomme Umid mais préfère qu'on l'appelle David. Il est en fait moitié ouzbek, un quart coréen et un quart ukrainien par sa grand mère qu'il vénère au point de s'être fait tatouer sur le torse son prénom:
BEPA (prononcer Véra). Alors que je lui demande comment sa grand-mère a réagi, il me répond sobrement qu'elle est assez traditionnelle et qu'elle n'aime pas les tatouages. Pourtant, son petit fils n'en manque pas: des photos de son profil, j'ai pu voir qu'il a aussi une petite étoile au bas de la gorge, un grand symbole sur les omoplates, une arabesque rouge qui lui couvre tout le bras droit et des traits énigmatiques sur les tibias. Le mélange de ses origines confère à David une allure très particulière et un charme certain, une élégance même. Il s'habille de façon très étudiée et arbore deux diamants sur le lobe de ses oreilles. Nous ne passons donc pas inaperçus en arrivant à
Lolita's pool qui va certainement devenir ma cantine pour les verres du soir, avec sa jolie vue et son atmosphère détendue.
David a habité en Egypte, en Corée et bien sûr en Ouzbekistan. Il parle ouzbek, turc, anglais, arabe et coréen. Il a un bel esprit d'entrepreneur, ce que j'admire, et il a ouvert à Tashkent un salon de manucure qui a désormais huit employés et affiche complet jusqu'à la fin du mois. Il me montre sur l'écran de son
iPhone l'image des caméras de surveillance qui, à cette heure tardive, filment en noir et blanc quelques chaises vides et des petits stands de manucure. Je l'incite à ouvrir une succursale à
Dubaï Marina tant la clientèle russe serait intéressée et nous ébauchons ensemble un semblant de
Business Case.
Nous avons envie de rester ensemble et partons boire un whisky japonais au
S bar que j'aime beaucoup également, au 71ème étage de l'hôtel SLS. David m'avait dit que son
Fetish était le
French Kiss. J'aurais beaucoup aimé le vérifier par moi même mais finalement, il m'annonce un peu gêné qu'il préfère aller danser et propose de reporter notre nuit ensemble au lendemain. Nous repartons donc chacun dans notre
Uber.
Nous reverrons nous? Je le saurai demain.
23710ème jour
Des nouvelles d'Irak
Réunion avec un client irakien qui me donne des nouvelles de son pays qui a quasiment disparu des titres de nos journaux. Je comprends que la vie y est plus calme, sous tutelle des américains qui gèrent pour le compte du pays les flux massifs de pétrodollars. Il me montre d'ailleurs des billets de cent dollars, imprimés aux USA et un peu différents des billets habituels et qui permettent au gouvernement américain de contrôler l'économie du pays.
En fin d'après midi, un verre à
Lolita's pool, le roof top de l'hôtel
Pullman que me fait découvrir un jeune français spécialiste de l'immobilier à Dubaï. Je pourrais écrire un roman sur les histoires locales des promoteurs dont les noms s'affichent en grandes lettres lumineuses sur la plupart des immeubles de Dubai: les plus recommandables:
EMAAR, MEERA et celui que tout le monde me dit d'éviter pour sa piètre qualité:
DAMAC. Comme je cherche à me loger maintenant, je regarde les appartements immédiatement disponibles, qui ont tous été achetés sur plan il y a deux ou trois ans par des propriétaires qui revendent leur bien à la livraison de celui ci, pour un montant en général deux fois égal à leur investissement de départ. L'arrivée massive des russes à Dubaï en 2022, suite à la guerre en Ukraine, a boosté les ventes de biens dont le prix, encore raisonnable par rapport à Paris, crée cependant peu à peu une bulle spéculative.
Comme je n'ai pas eu le temps de déjeuner, je dîne seul chez
TABÜ, un restaurant de grillades japonais, plutôt bon mais trop cher.
23709ème jour
Maksim
Déjeuner chez
Fi'lia avec un jeune moscovite qui poursuit à distance depuis Dubaï ses études de psychologie. Il a de très beaux yeux verts, une bouche sensuelle mais hélas il a un nez typique de certains russes à la
Evgeny Svetlanov. De plus il passe beaucoup de temps pendant le déjeuner à prendre des photographies de lui même dont il semble fort satisfait, ce qui tend à m'agacer. Alors que, de par mon métier, j'ai une certaine facilité à trouver des sujets de conversation variés, et même, à en avoir en permanence un ou deux en stock, j'arrive à les épuiser. Je suis content que le déjeuner d'achève. Nous reverrons nous? Non.
23708ème jour
Dubaï
J'explore la ville et en particulier les parcours de promenade envisageables dans une ville qui n'est pas conçue pour marcher. Je suis parti le long du canal en direction de l'est. Je pensais traverser le canal à un moment donné pour aller en direction du
Burj Khalifa mais j'ai découvert qu'il s'agissait de ponts uniquement pour les voitures et j'ai finalement fait une marche de huit kilomètres à travers la ville avant d'arriver à destination.
Déjeuner chez
Zou Zou (ça ne s'invente pas), un restaurant libanais assez moyen.
Piscine à l'hôtel.
23707ème jour
Dubaï
Rendez-vous à dix heures à
City Walk avec mon spécialiste immobilier irlandais toujours aussi sympa malgré son accent à couper au couteau. Je visite pour la première fois un appartement de
Central Park, le grand ensemble résidentiel du promoteur
Meraas dont la première tranche vient d'être livrée. Un deux pièces vide qui est définitivement un choix possible pour moi.
Marche jusqu'au
Dubai Mall
Déjeuner dans un restaurant indien où j'aurais aimé m'installer en terrasse mais le serveur m'indique que l'on ne sert de l'alcool qu'à l'intérieur. Faux-culterie des religions.
Piscine à l'hôtel.
je reçois quelques nouvelles de Sissi qui a été admise dans l'unités de soins palliatifs dans son hôpital autrichien. J'espère pouvoir aller la saluer lors de mon prochain passage à Vienne dans sept jours.
Le soir je prends un verre au SLS avec un garçon brésilien qui habite Dubaï mais est sans le sou. Il me présente des projets immobiliers très réussis dont il prétend être l'architecte mais son histoire globale reste difficile à comprendre. Il a un rire efféminé qui m'exaspère. Je l'abandonne et rentre à l'hôtel.
23706ème jour
Disclaimer
Une de ces journées que je n'aime pas car je n'en garde le souvenir que d'être allé au bureau et d'avoir regardé une série
AppleTV le soir à mon hôtel. En l'occurrence, il s'agissait des derniers épisodes de la série
Disclaimer au scénario diabolique et aux acteurs excellents, à commencer par le très beau Louis Partridge.
23705ème jour
Retour à Dubaï
Atterrissage au petit matin. Encore une fois, j'admire la qualité de la logistique des arrivées à l'aéroport de Dubaï.
Douche à l'hôtel.
Plaisir de retrouver mes collègues que je n'avais pas vus depuis trois semaines.
Dîner chez le collègue de
City Walk au chien blanc.
Vers 22h00 les effets de la courte nuit dans l'avion commencent à se faire sentir et je rentre à l'hôtel épuisé.
23704ème jour
Paris
Journée de travail depuis chez moi à Paris, juste entrecoupée par un déjeuner au
Radis beurre. Je prépare ma valise pleine de vêtements propres. Je prépare aussi mon appartement car je le prête à FFG et son épouse à la fin du mois. En fin d'après-midi, le chauffeur
Emirates passe me chercher. Nous mettons plus d'une heure pour rallier Roissy.
Vol de nuit pour Dubaï.
23703ème jour
Funérailles
J'ai l'impression que je rentre dans la période de la vie peu réjouissante où l'on assiste de plus en plus fréquemment à des funérailles. Aujourd'hui c'est le père de mon ami E. dont il s'est occupé avec un grand dévouement tout au long de ces dernières années. C'est pour lui que je fais ce stop un peu absurde à Paris entre Bali et Dubaï, pour lui témoigner mon affection. Aujourd'hui, la cérémonie se tient dans une église moderne et sans charme, sans prêtre non plus, célébrée par une femme laïque qui fait de son mieux. A part moi et une femme qui chante faux et fort, personne n'ose participer aux chants. Mon ami E. retrace la vie de son père, dont je savais peu de choses, avec beaucoup d'émotion dans la voix. Il n'y a qu'une vingtaine de personnes dans l'assistance. J'ai l'impression que plus on meurt âgé, moins il y a de survivants pour vous accompagner à votre dernière demeure.
Départ pour le cimetière glacial. Quelques chansons, incongrues mais donnant un peu de sourire à cette journée sans joie. Déjeuner de famille dans l'
Hippopotamus voisin.
Le soir, je file à la Philharmonie où je me suis fait rare ces derniers temps. J'ai pris une place pour le concert du jour, un récital d'Ivo Pogorelich. Grâce aux archives du
Monde, je retrouve facilement la date de mon premier concert Pogorelich, le 19 avril 1983, c'était aussi son premier concert à Paris. Je me souviens du programme (une sonate de Haydn, Gaspard de la Nuit et la Sixième Sonate de Prokofiev) mais je me souviens aussi de l'élégance du grand jeune homme souriant aux allures de rock star, qui dédicaçait ses 33 tours dans le hall du Théâtre.
Ce soir quarante ans ont passé et en arrivant à la Philharmonie, vingt minutes avant le concert, on voit un vieil homme habillé n'importe comment avec un bonnet bleu sur la tête, un masque chirurgical sur la bouche jouer de lents arpèges dans la salle à la lumière tamisée. La plupart des spectateurs présents doivent penser qu'il s'agit d'un accordeur mais c'est bien lui qui est déjà là et qui s'habitue à son
Steinway du soir. Concert immensément décevant auquel j'aurais préféré ne pas assister qui commençait par une poignée de Mazurkas méconnaissables, dont on peinait à y trouver le moindre esprit de mélodie et de danse. Suivait la
Troisième Sonate de Chopin, lente, désincarnée, comme démontée pour parvenir aux sources de notes qui ne sont même plus en contact les unes des autres. La malheureuse tourneuse de pages a visiblement été informée qu'elle devait s'assoir à distance respectueuse du Maître et contourner le piano pour tourner la page par derrière. La partition a visiblement quarante ans elle aussi et chaque page est détachée. Pogorelich prend le temps de les remettre dans une pochette en plastique tout en saluant à la ronde. En sortant de la salle j'entends Alain Furno, l'organisateur du concert dire d'un ton blasé: "
Ca devient de pire en pire". La salle est pourtant très chaleureuse: incompétence? Goût du bizarre? Je ne sais. Pendant l'entracte, Furno rejoint un ami critique avec lequel je parle du concert. Je lui dis quelques mots au sujet de Claudio Abbado dont je sais à quel point il était lié. Je voulais lui dire que j'avais passé une nuit dans le palais d'Abbado à Bologne mais Furno m'interrompt affirmant qu'Abbado n'a jamais habité Bologne mais Ferrare. Etonné, j'argumente qu'il est cependant mort à Bologne mais Furno, furieux tourne les talons et s'en va. Naufrage de la vieillesse.
Fatigué je quitte la salle et renonce à la bizarreté que Pogorelich a probablement imposé dans les œuvres de la seconde partie: La
Valse triste de Sibelius et des
Moments musicaux de Schubert.
23702ème jour
Bali Doha Paris
Attente de deux heures dans la nuit à Doha. Réembarquement pour le vol de Paris cette fois ci dans les jolies coquilles business de
Qatar Airways. Atterrissage au Terminal 1 de CDG. La puce de mon passeport qui ne marche plus. Attente à l'immigration. Attente chez
Sixt car je n'ai plus de voiture à Paris. Agréable dîner au
Bistro d'â côté avec FFG qui donne une
Masterclass à Paris.
Nuit.
23701ème jour
Un week end à Bali II
Passé l'essentiel de ma journée à rêvasser au bord de la piscine. Des singes un peu agressifs alors que je les prends en photo. Un massage balinais en début d'après midi. Une petite grenouille qui se cache derrière la bouteille de shampoing de la douche. Deux heures de route pour arriver juste à l'heure du coucher du soleil sur la plage de
Pererenan. Dîner mexicain chez
Maize. Dépôt de la voiture de location à l'aéroport. Un abruti qui me dépasse dans l'étroit couloir menant au lounge et me déclarant "Oui are wouiz zisse lédi en indiquant une malheureuse balinaise qui trimballe ses bagages. Embarquement pour Paris via Doha.
23700ème jour
Un week end à Bali I
J'ai toujours loué des voitures à Bali, ce qui n'est pas particulièrement recommandé, mais je déteste les véhicules avec chauffeur. J'aime le plaisir de l'imprévu et la joie de se tromper d'itinéraire. Depuis une dizaine d'années maintenant, mon processus de location est toujours le même: j'envoie un message
WhatsApp à deux compagnies locales de location, je choisis celle qui répond en premier et je paye en cash le montant modique de la location lorsque je récupère la voiture. Il n'y a même pas besoin de montrer mon permis de conduire.
Ce matin à huit heures, le loueur était à mon hôtel comme prévu, et après lui avoir remis 550.000 Roupies pour les deux jours (32€), me voici parti, heureux comme Ulysse, au volant de ma petite
Toyoya Agya grise en direction d'Ubud.
Comme à l'habitude, je n'ai réservé qu'une nuit à l'
Alila d'Ubud, nuit bien rentabilisée puisque j'arrive en fin de matinée et repars vers 17 heures le lendemain. J'ai toujours une émotion à retrouver cet endroit avec sa piscine théâtrale et le souvenir d'être venu avec Ambroise, avec Josiah, aver Maurits et plus récemment avec Bastien.
Dans l'après midi, échange
WhatsApp avec Aleksandr qui me reproche d'être toujours absent, de ne pas avoir assez de temps pour lui. En même temps, il refuse mes propositions de partir en week-end ou en vacances ensemble. Je lui demande s'il souhaite que l'on reste en contact. Il répond par l'affirmative mais je ne sens pas trop de conviction dans sa réponse.
Le soir dîner japonisant très agréable à l'
Ambar.
23699ème jour
Singapour Bali
Le souvenir de cette journée sera surtout celui d'un
Singapore Sling dans le seul endroit au monde où l'on saurait le recommander: Le
Long Bar de l'Hôtel
Raffles. Ma première visite remonte à il y a 37 ans et malgré un déménagement d'un endroit à l'autre de l'hôtel, tout semble immuable depuis les visites de Somerset Maugham: les cacahuètes sur les tables dont on jette les coquilles au sol, la clientèle internationale et les ventilateurs en forme de palme qui se balancent mollement au dessus de nous et, bien sur, le
Singapore Sling
Déjeuner remarquable de sushis au
Shinji by Kanesaka.
En fin d'après midi retour à
Changi Airport pour le vol Singapour Bali. Alors que je suis dans le taxi, Sissi me dit que je peux l'appeler. Sa voix est faible mais surtout, elle semble me dire adieu. Sa résignation est surprenante, son courage aussi. J'essaye de lui donner de l'énergie, de la pousser à se battre mais rien n'y fait. Elle me dit qu'elle a une eu belle vie, ce qui est vrai, et cela semble l'aider à accepter l'inéluctable. Je raccroche, très ému.
Comme j'en ai l'habitude, j'ai choisi le vol KLM qui arrive juste d'Amsterdam et repart vers Bali en ayant laissé une moitié de ses passagers à Singapour. KLM est toujours une compagnie agréable, le vol peu rempli et le segment jusqu'à Bali coûte une misère.
Arrivée en Indonésie où les formalités d'immigration sont de plus en plus laborieuses. Je récupère mon
Grab qui est le
Uber d'Asie du Sud-Est et nous filons à travers les rues moites et bouillonnantes de Kuta pour une nuit dans un hôtel
low cost.
23698ème jour
Singapour
Il y a plus de trente ans que je visite Singapour et cette ville devient de plus en plus agréable au point que je pourrais parfaitement considérer y habiter aujourd'hui. Je me prends à penser que Dubaï évolue dans la même direction et que dans vingt ans peut-être on y trouvera aussi une douceur de vivre et, qui sait, une certaine vie culturelle.
Ce matin, après mon petit déjeuner rituel au
Starbucks, j'ai retrouvé un partenaire Hongkongais pour une réunion de travail et un médiocre déjeuner chinois au Marriott. J'ai ensuite passé l'après midi dans un salon professionnel grouillant de monde dans lequel j'ai croisé la Reine des Pays Bas et retrouvé avec plaisir quelques collègues que je n'avais pas vus depuis fort longtemps.
Le soir dîner avec un ancien client devenu ami dans mon restaurant préféré de Singapour:
Fleur de Sel toujours aussi formidable.
23697ème jour
Tōkyō Hong Kong Singapour
Que de souvenirs me sont revenus à l'esprit au cours de cette journée où j'ai pris deux vols
Cathay Pacific qui était ma compagnie aérienne habituelle pendant mes trois années à Hong Kong. Il était amusant de retrouver les jingles de la compagnie qui n'ont pas changé. Il était frustrant de s'arrêter à l'aéroport de Hong Kong sans pouvoir aller faire un tour à mon vieux quartier
Wan Chai qui sera pour toujours un peu "chez moi". Il était merveilleux de retrouver le lounge
Cathay où je suis si souvent allé et de retrouver les nouilles
Udon avec leur sauce à la cacahuète.
Les nouvelles de l'élection américaine commencent à nous parvenir et comme prévu, hélas, Donald Trump semble largement en tête. Ce moment me rappelle un réveil à Londres, il y a exactement huit ans lorsque le monde sidéré avait appris sa première élection. A l'époque, même si je détestais déjà le personnage, je pouvais comprendre que des électeurs soient tentés par quelque chose de différent. Mais après l'avoir observé pendant quatre ans aux affaires, comment peut on avoir envie de son retour? Etrange pays.
Atterrissage en fin de soirée à
Changi Airport toujours merveilleusement organisé. Trajet silencieux dans la nuit jusqu'à l'hôtel.
23696ème jour
Tōkyō V
Long trajet en taxi de Tokyo jusqu'à Ranzan, dans la Préfecture de Saitama où j'étais la veille pour le concert. Visite d'une immense usine d'une propreté absolue. Impressionnante qualité à chaque étape des process de fabrication. Amusant déjeuner dans un restaurant hawaïen. Nouvelle visite d'usine cette fois ci à Asaka, entre Saitama et Tokyo. Retour à l'hôtel pour un bref repos. Exception à mon habitude de ne pas dîner pour un repas dans un restaurant très japonais de Hibiya où nous sommmes assis à ces tables que je déteste à même le sol.
Avant d'aller dormir, un whisky japonais au
Penguin, un bar étonnant dans un sous sol de
Ginza.
23695ème jour
Tōkyō IV
Le matin de ce jour férié au Japon, j'effectue une promenade autour de l'hôtel. Mes pas me conduisent au
Petit mec, une boulangerie française au nom ridicule, créée à l'origine à Kyoto. Une critique de François Simon lui a sauvé la vie il y a quelques années et elle a maintenant une succursale à
Hibiya. Je vais faire un tour à
Hankyu Men une sorte de
Printemps Homme qui est sans doute mon magasin de vêtements préféré au monde. J'en garderai pour toujours le souvenir de ma première visite avec Jef, l'été 2022. Jef, qui ne s'habille qu'en noir, était tombé amoureux du style japonais et nous avions tous deux acheté un imperméable noir de
Yojji Yamamoto. Jef aimait tellement le sien qu'il le portait été comme hiver, avec en dessous un Hoodie noir qu'on avait acheté ensemble à Vienne et ses boots
Prada. Je me souviens qu'un jour, alors que nous marchions dan le quartier de
Haight-Ashbury et qu'il avait ses lunettes de soleil noires, un type l'avait interpellé en disant: "
All good Neo?", ce qui nous avait fait rire pour le reste de la journée.
Aujourd'hui, je suis retourné chez
Hankyu et j'ai racheté un imper noir qui lui, a une capuche intégrée. Jef adorerait.
Je rejoins mon collègue à l'hôtel car nous avons prévu d'aller ensemble au concert du
NHK Symphony Orchestra qui joue cet après midi à Saitama, une banlieue assez éloignée du nord de Tokyo. Nous tombons sur un vieux chauffeur de taxi qui comme souvent à Tokyo, ne parle pas un mot d'anglais, a du mal à le lire et refuse de bouger tant qu'il n'a pas compris avec la précision la plus absolue l'adresse de destination. Dans n'importe quelle ville du monde, le chauffeur aurait pris la direction de Saitama, puis aurait affiné en approchant. Lui, non; il a bien pris dix minutes avant de décider à s'élancer alors que je trépignais à l'arrière.
Finalement nous sommes arrivés à l'heure. La jeune femme à l'accueil m'a immédiatement reconnu avant même que je donne mon nom. J'étais le seul non japonais à avoir réservé des billets.
Le concert, dirigé par Kimbo Ishii présentait des œuvres plutôt faciles mais pas si souvent jouées à commencer par l'orchestration de Berlioz de l'
Invitation à la valse de Weber. Comme d'habitude, le public a applaudi au moment de la fausse fin, juste avant la conclusion du solo de violoncelle, au grand amusement du chef. Suivait la
Grande fantaisie sur des airs polonais oeuvre de Chopin très rare au concert, agréable, mais pas inoubliable. Puis le pianiste Kotaro Fukuma revenait sur scène pour la
Totentanz de Liszt dont j'avais encore dans l'oreille la magnifique interprétation de François Frédéric Guy un soir de 2021 à Munich. Le concert s'achevait pas une Suite sur des thèmes les plus célèbres de Carmen, orchestrés par le chef Kimbo Ishii.
Retour au centre ville et dîner à l'invitation de collègues japonais dans un restaurant de sushis pas inoubliable de
Ginza.
23694ème jour
Tōkyō III
Après un petit déjeuner à
Dean & Deluca, je retourne au
Suntory Hall, cette fois ci pour un concert symphonique avec deux artistes norvégiens. En guise d'entrée en matière,
La fille de Pohjola de Sibélius. Puis, le temps d'installer le piano, l'orchestre revient avec le pianiste Håvard Gimse pour interpréter le Concerto pour piano de Grieg. Belle interprétation inspirée que met en valeur le silence respectueux et concentré de la salle. En bis, Håvard Gimse nous offre la
Marche des trolls extrait des pièces lyriques de Grieg. Après l'entracte l'orchestre et sa chef jouent l'orchestration de Ravel des
Tableaux d'une exposition de Moussorgsky. J'ai souvent été déçu par les chefs femmes (je sais que je vais m'attirer des ennuis par cette déclaration) et je n'ai bien sûr aucun problème de principe à ce sujet. Je ne pourrais jamais dire comme le regretté Mariss Jansons l'avait une fois déclaré "
It's not my cup of tea" et je ne demande pas mieux que d'être séduit. Eh bien c'est arrivé cet après midi à Tōkyō: j'ai été émerveillé par l'interprétation flamboyante de Tabita Berglund à la tête du Tōkyō Metropolitan Symphony Orchestra. La chef (dont je pense qu'elle n'a aucun lien de parenté avec Paavo Berglund qui était finnois) sait ce qu'elle veut et elle l'obtient, ce qui est pour moi la meilleure qualité d'un chef d'orchestre. Elle est bien sûr aidée par les merveilleux pupitres du TMSO qui, de mon point de vue, est le meilleur orchestre japonais, bien avant l'orchestre de la NHK ou le Japan Philharmonic Orchestra.
A l'issue du concert, je pars dans le quartier de
Shimo Kitazawa car j'ai donné rendez vous à mon collègue pour dîner chez
Miura, encore une recommandation de François Simon. J'arrive un peu avant l'ouverture du service car le site web, entièrement en japonais, ne me permet pas de réserver. Le chef m'accueille et, comme lors de ma première visite en mai tente de me décourager dans un anglais balbutiant: "
No credit card, No English menu, No table". Au vu de mes yeux de chien battu et de mon insistance, il finit par céder et en attendant mon collègue, je vais faire un tour dans le quartier que j'aime beaucoup, grouillant de jeunes habillés en style japo-branché, qui se promènent au milieu des magasins de vêtements d'occasion et de petits restaurants populaires.
Délicieux dîner avec le fameux poisson de
Miura cuit à la perfection au dessus de la braise.
23693ème jour
Tōkyō II
Le matin, j'effectue une longue promenade dans les rues ensoleillées de
Ginza. Mes pas me conduisent à la laverie
Baluko dont on m'a dit qu'en plus des vêtements, on peut blanchir ses sneakers pour la modique somme de 200 ¥. Dans un coin de la laverie, il y a en effet deux petites machines. Celle du bas est équipée d'un tambour où l'on place ses chaussures pour les nettoyer en 20 minutes. Celle du haut possède quatre cintres ou on les positionne ensuite pour un séchage en profondeur. J'installe donc mes deux sneakers
Alex Arigato (qui comme chacun sait est une marque suédoise) et je pars explorer le quartier. Je passe devant une boulangerie française qui répond au nom de
Pain Maison où une cinquantaine de personnes font la queue. Par curiosité, je m'installe dans la file d'attente mais me fais immédiatement rappeler à l'ordre car je n'ai pas respecté le process. Il convient d'abord de scanner un QR Code qui permet d'accéder à une page web où l'on s'inscrit et, après avoir validé son adresse e-mail, on obtient un numéro qui permet enfin d'accéder à la file d'attente. J'étais le 242ème client de la journée mais le plus amusant est que personne ne m'a ensuite demandé le numéro. Logique japonaise.
Pain Maison produit de jolis petits pains individuels, un peu gras mais délicieux. J'en ai pris un au sel et l'autre, mon préféré, aux pommes. Je les ai avalés en allant récupérer les sneakers reblanchis.
Vers midi, je retrouve mon collègue qui m'emmène dans le quartier de
Yotsuya dans le restaurant
Unico Restore.
Uni signifie "oursin" en japonais et nous prenons un menu 100% oursin. J'adore les oursins, en particulier au Japon où on les range méticuleusement dans de jolies boîtes de bois tendre mais j'ai trouvé le restaurant un peu inégal. Y retournerai-je? Non.
Je passe à l'hôtel pour une sieste d'avant concert mais, avant de m'endormir j'ai la surprise de croiser Kiril sur
Grindr. Kiril est un garçon russe que j'avais rencontré à Paris il y a huit ans. J'étais allé le chercher en voiture place de la Bastille ou il m'attendait souriant. On était allés chez moi, il avait longuement fumé une grande pipe à eau et on avait fait une longue partie de jambes en l'air dont seuls les russes ont le secret et dont je gardais un souvenir émerveillé. Depuis Kiril, qui voyage beaucoup, s'est installé à Santa Barbara pour exercer le métier de tatoueur, ce qui m'a toujours laissé rêveur car lors de notre première et unique rencontre, Kiril avait déjà de nombreux tatouages sur le corps; je les trouvais naïfs et maladroits. Depuis, sans jamais se revoir, Kiril et moi sommes toujours restés en contact et, aujourd'hui, c'est incroyable, Kiril est là, à Tōkyō, à cinq cents mètres de moi. Nous prévoyons de nous retrouver en fin de soirée.
En attendant, je pars en taxi au
Suntory Hall car ce soir, Maria Joao Pirès accompagne Matthias Goerne dans le
Winterreise de Schubert. Le concert me laisse toute fois une impression mitigée, non pas à cause de Pirès qui est beaucoup plus inspirée que lors de son dernier récital à la Philharmonie de Paris, mais en raison de la voix de Goerne qui ne s'améliore pas avec les années: de plus en plus sourde, elle manque terriblement d'expression malgré les mouvements de serpent du corps de Goerne, qui semble tenter de trouver dans sa colonne vertébrale ce qui lui manque dans la gorge.
A la fin du concert je file à l'hôtel où j'arrive un peu avant Kiril qui me demande de l'attendre devant l'entrée. Il arrive, son sourire est toujours aussi agréable. Il a juste pris un peu d'embonpoint. Huit ans plus tard, nous passons donc de nouveau une heure à nous donner du plaisir et à échanger nos fluides. Il repart. je m'endors.
23692ème jour
Tōkyō I
Lors de mon premier séjour mentionné hier à Tōkyō, je logeais donc à l'
ANA Intercontinental qui est l'hôtel habituel des orchestres de passage et bénéficie d'une sortie directe pour le
Suntory Hall. En y séjournant, j'avais pris l'habitude de prendre mon petit déjeuner dans un
Dean & Deluca voisin. Les new yorkais savent tous que
Dean & Deluca était une épicerie de luxe à Soho et qu'il existait quelques succursales dans
Manhattan, cafés que l'on pourrait vaguement comparer à des Starbucks, mais la comparaison est quelque peu insultante pour les îlots de bonheur qu'étaient les
Dean & Deluca. La crise a entrainé la disparition de ceux-ci. Aussi, quelle ne fut pas ma surprise que de découvrir en 2018 qu'il existait au Japon un réseau important de cafés
Dean & Deluca et j'y prends systématiquement mais petits déjeuners non seulement à Tōkyō mais aussi dans le reste du Japon. Ils ont une atmosphère new yorkaise élégante et de la musique classique y est systématiquement diffusée. Je possède même leur carte de fidélité sans m'être jamais inquiété de connaitre les avantages qu'elle confère. Las, le
Dean & Deluca sis près de l'ANA a disparu pour une raison inconnue mais ce matin, je me suis précipité à l'ouverture de celui de
Nihombashi pour mon petit déjeuner habituel.
A huit heures, un taxi nous emmenait, mon collègue et moi, pour une visite à siège du groupe. Longue succession de réunions à l'atmosphère très protocolaire. Lors de la première réunion, je suis présenté au conseil d'administration au grand complet. J'avais bien fait de prévoir un stock important de cartes de visite. J'ai du en distribuer une vingtaine au cours de la journée.
En fin de journée, nos collègues japonais nous invitent pour dîner dans un restaurant qui ne mérite guère que l'on s'en souvienne.