15806ème jour
All about Yves
Le jour dit, nous étions à l'heure, place Dauphine. Dans l'entrée, quatre boîtes aux lettres : Montand, Livi, Signoret, Castella. La concierge nous demande d'un air soupçonneux ce que nous désirons; nous répondons fièrement avoir rendez-vous avec Monsieur Montand. Elle répond que c'est impossible car il est à la campagne, mais des étages supérieurs nous parvient la fameuse voix : "
Laisse, c'est les jeunes, j'ai rendez-vous avec eux!".
Nous nous asseyons dans le petit salon du rez-de-chaussée qui donne sur le Quai des Orfèvres, là où il reçoit la presse. Tous les fauteuils sont recouverts d'un tissu de protection blanc, comme si les occupants étaient partis pour longtemps. Sur une commode, trônent l'oscar de Simone, le césar d'Yves. Au mur, un chapeau haut de forme, beaucoup de photos, la une de Télé 7 Jours pour la mort de Signoret.
Il apparait, immense, tout de blanc vêtu, souriant. Il nous propose un whisky, nout met tout de suite à l'aise. Nous lui offrons un joli livre d'art de la collection Skira qu'il regarde d'un air distrait.
On aura du mal à en placer une pendant cette heure d'entretien. Il est "comme à la télé", bouillonnant, foisonnant, passant sans vergogne d'un sujet à l'autre, de la politique au show business, de ses projets à son passé.
Il a envie de savoir s'il va vraiment entrer dans le Bébête Show, est un peu déçu de notre réponse négative. Il demande lequel de nous deux a chanté en l'imitant et, horreur des horreurs, me demande de lui rechanter live
Let's Dance version Montand. Je m'exécute pendant qu'il me regarde en rigolant. Il me demande si j'ai envie de persévérer, me dit qu'un 45 tours, aujourd'hui, ça ne coûte presque rien à faire, que Simone disait toujours que quand on a envie de faire un truc, il faut toujours aller jusqu'au bout, qu'il peut me mettre en relation.
Il nous dit qu'il est pris pour déjeuner, et nous devons partir, tout tristes que ce moment irréel ne se prolonge pas plus longtemps. Nous n'avons pas osé lui demander une photo à trois, alors, on s'est contenté d'une photo devant la porte de chez lui.
Et nous sommes repartis avec le sentiment d'avoir vécu un moment de la vie qui ne s'oublie pas.
15804ème jour
Téléscopages
Il y a quelques années, mon ami E. faisait des piges pour une émission de France Inter,
Téléscopages, qui était une émission de radio sur la télévision. Son rôle consistait en des micro-trottoirs ou des petits sujets. C'était l'époque où on pensait qu'Yves Montand pourrait se présenter à l'élection présidentielle de 1988, et ce dernier avait des résultats crédibles dans les sondages. E. avait eu l'idée d'imaginer l'entrée de Montand dans le
Bébête Show, avatar du
Muppet Show qui avait alors un grand succès sur TF1. Comme je prétendais à l'époque être capable d'imiter les politiques du moment, nous avions imaginé une discussion entre les bestioles, réagissant à l'arrivée de Montand dans leur show. Ca donnait un dialogue aussi mauvais que l'original, du genre :
Marchy la cochonne :
"Il parait qu'Yves Montand va rentrer dans le Bébête Show"
Black Jacques :
"Tagada crac crac. Crotte de caniche. Oui et ce sera une pieuvre puisque Montand-tacule"
Barzy :
"Moi je pense qu'il est sénile, Montand. Sénilmontant, intellectuel non?"
Bref...
Le pire, c'est que j'ai eu à ma disposition un studio de Radio France pour moi tout seul avec des techniciens pendant une demie journée, pour enregistrer ces bêtises. J'ai chanté une version spéciale des
Grands Boulevards, qui disait
"J'aime flâner dans le Bébête Show, y'a tant de choses, tant de choses...."
Nous avions même commis une traduction française du
Let's Dance de Bowie, très en vogue à l'époque, que j'avais chanté avec les roucoulades crowner de Montand:
Mets tes godasses rouges
Et danse le blues
Dansons!
Sur le tube qui passe à la radio
Dansons!
L'amour que j'ai pour toi
Briserait mon coeur en trois...
Le pire, c'est que le machin a été diffusé un samedi en fin de matinée sur France Inter.
Le pire du pire, c'est que E. a mis la cassette de l'enregistrement dans la boîte aux lettres de Montand avec le message vocal suivant : "
Si vous voulez en savoir plus, appelez tel numéro."
Le pire du pire du pire, c'est que Montand l'a rappelé trois jours après, et qu'il nous a invité chez lui.
Mais je vous raconterai ça demain.
Si vous êtes sages.
15800ème jour
15800
Et cent de plus au compteur.
15798ème jour
Tiger
Départ pour Lille à 18 heures en compagnie de
Mennuie et
M@niou. Nous sommes heureux. Nous sonnons en bas de l'immeuble de
Mister Tigger qui s'apprête à fêter son quart de siècle. Il descend et nous apparaissons devant lui avec le même tee-shirt jaune marqué
Tiger.
Vodka-Red Bull, pizzas orientales, rosé de provence, quelques gifles, coiffure de Geoffrey, cap sur la Belgique, parking VIP, vol plané dans les gravillons, mousseux gratos à l'
H2O désert, départ pour
la Bush, cartes de membres à 2,5 €, service d'ordre odieux, dédale de salles, beaucoup de Vodkas-Red Bull, fontaine violette,
Mennuie est saoul, nous ne sommes pas mieux, appareil photo confisqué,
Tigger sautille, je suis fatigué, retour en lada, bon anniversaire
Mister Tigger, allô la Chicorée, dodo, visite du vieux Lille, retour à Paris, deux haltes, Gare de Lyon, Cafe di Roma.
C'était un très bon week-end.
Massacre au Steinway
Samedi à 16 heures, théâtre Mogador.
Cédric Tiberghien est blond, grand, beau et souriant. J'ai envie d'aimer le concert. Pourtant, il massacre le
Premier Concerto de Tchaikowsky : fausses notes, manque total d'unisson avec un orchestre de troisième ordre malmené par un chef d'orchestre de sexe féminin.
Triomphe total auprès d'une assemblée de retraités venus par autobus entiers pour tester le bon fonctionnement de leurs sonotones.
Heureusement, le pianiste nous montre ce dont il est capable dans deux bis : un magnifique
Poème de Scriabine, puis un prélude de Rachmaninoff, viril et somptueux. Je garde l'envie du concert du 14 mai à
Gaveau. Toujours d'accord, cher
R.?
Carpe Diem III
Vendredi soir, onze heures trente, les belles lumières du
café Marly, le regard intense de Mister Z, tout habillé de noir dans le décor rouge et or. Retour à la maison, manzana, fumées opaques et Carpe Diem III, Carpe Nox, et même un petit Carpe Diem IV dans la lumière bleue de l'aube.
Une nuit à l'Opéra
Jeudi soir, je suis allé à l'Opéra Bastille pour une représentation de
Guillaume Tell de Rossini. Soirée de gala oblige, le spectacle est aussi dans la salle. Des hordes de mamies se sont abattues sur les lieux en provenance de Neuilly/Auteuil/Passy en exhibant leur col en chinchilla naphtalyné. Papi a mis son smoking, devenu un peu étroit, pour s'ennuyer lui aussi devant l'un des opéras les plus longs de tout le répertoire. Un vieillard cacochyme, assis juste derrière moi, rythmera une bonne partie du troisième acte de ses ronflements sonores tandis que son épouse sortie du formol passera le quatrième a ouvrir et fermer le zip de son sac Vuitton. Les soirées de gala sont organisées par l'association pour le rayonnement des Opéras de Paris. Elles doivent être rentables puisque pour un prix double du prix normal, j'ai eu droit à un maki, et à quelques coupes de Moët et Chandon.
Quant au spectacle, il était honorable. Une distribution très inégale soutenue par un orchestre de l'opéra en grande forme. Une mise en scène banale et des décors classiques largement inspirés par les tableaux Caspar Maria Friedrich.
Et puis bien sûr la musique de Rossini et l'occasion magique d'entendre en français le magnifique air de Mathilde au deuxième acte :
Selva opaca, forêts opaques.
15793ème jour
Un plat qui se mange froid
Il y a une quinzaine d'années, je démarrais ma carrière professionnelle comme commercial chez un constructeur. J'appartenais au département commercial d'un jeune manager femelle aux dents longues et au cul large. Nos relations étaient assez cordiales et cette première année fut très fructeuse puisque je doublais quasiment mon objectif de ventes. Aussi ma surprise fut grande lorsque à la fin de l'année, après une fort mauvaise évaluation,
Cul-large me proposa un vague poste de marketing et me remplaça par un de mes collègues. Je refusais la réorientation et mon management de l'époque me changea d'Agence.
J'eus le fin mot de l'histoire deux ans plus tard, en apprenant que le collègue qui avait piqué mon poste -appellons le
Balourd- convolait en juste noces avec Cul-large. Quelques années plus tard, je changeais d'employeur, en gardant au fond de moi une haine inexpugnable pour le couple infernal.
Il y a cinq ans, je vis arriver
Balourd chez mon nouvel employeur. Il s'est dit malheureux de ma froideur. Nous avons eu une fois à collaborer et j'ai toujours réussi à éviter le contact.
Balourd est entré et sorti à plusieurs reprises de mon entreprise sans que celà ne nuise à sa carrière puisque depuis un mois, il est mon patron.
La coupe est pleine.
Quelques collègues et moi, sommes montés demander la tête de
Balourd sur la base de faits précis et peu pardonnables.
Balourd a été viré ce soir.
15792ème jour
Carpe Diem II
Hier soir, Mister Z. est venu chez moi entamer ma nouvelle bouteille de Manzana. Nous sommes ensuite passés chercher
Manu chez lui pour un rapide dîner à
l'Apparemment Café. Le morceau de bravoure était la soirée à la
Taverne Saint Germain. Mister Z. ne se débrouille pas mal du tout dans Bruel et Cabrel.
Manu a une trouille d'enfer et je le comprends : je me souviendrai toute ma vie de mes jambes qui flageolaient lors de mon premier karaoké, il y a ... longtemps.
Je l'entraine en duo sur les
Champs-Elysées et il osera un
Jerk endiablé avec Mister Z. Nous sommes rejoints par plusieurs amis non chanteurs et c'est à sept que nous nous sommes retrouvés pour une Overkitsch plutôt animée. Mister Z. connait tout le monde de façon apparemment assez approfondie. Nous dansons en cercle à sept et un blondinet bizarre vient serrer de près Mister Z. (un ex?) sans se rendre compte qu'il danse au centre d'un cercle virtuel.
Retour à 5h30. Sommeil immédiat. Vers sept heures, je me réveille d'un coup. Je me retourne et j'aperçois Mister Z. qui dort, sur le dos, les traits totalement apaisés. Son visage est doucement inondé par la lumière bleutée du petit matin. Je profite du spectacle en espérant un Carpe Diem III, un Carpe Diem V, un Carpe Diem X et pourquoi pas un Carpe Diem CLXXVII ou un Carpe Diem MDCCXXVII.
15791ème jour
Un concert rue de Madrid
Je suis allé hier au Conservatoire qui se trouve a deux numéros de chez moi, dans ma rue pour un concert d'orchestre donné par les étudiants. Au menu l'ouverture de la
Force du destin et la
Symphonie du Nouveau Monde.
Nous sommes assis au deuxième rang juste derrière le chef.
J'aime beaucoup les orchestres de jeunes. La mise en place est évidemment moins bonne, un mois de répétition ayant du mal à compenser un siècle de musique partagée au sein des grands orchestres. Mais quelques maladresses et quelques couacs sont largement compensés par une envie de bien faire, une énergie, un engagement étonnants.
En plus ils sont beaux à regarder et rien n'est plus sensuel de mon point de vue qu'un instrumentiste au physique avantageux en pleine action. Je me souviens qu'il y a quelques années avec P., nous avions fait notre palmarès de beauté avec le programme du concert du
Gustav Mahler Jugend Orchester où tous les musiciens étaient photographiés individuellement.
Hier, il y avait notamment deux violonistes du deuxième rang, blonds comme les blés, portant les mêmes lunettes. On aurait dit deux frères. Une violoncelliste est en nage tellement elle est concentrée dans l'action. Elle est belle dans l'effort. Et puis je suis fasciné par la première contrebasse : des yeux expressifs, un beau visage rond, les cheveux tirés en arrière pour constituer une queue de cheval qui descend à ses reins. Il a un jeu de regard intense avec le chef. Lors du final du deuxième mouvement de la symphonie, il a un rôle important et son regard fixé vers le chef exprime une concentration totale. On dirait presque qu'ils font l'amour ensemble tant la relation est intense.
Fin du concert. Le public, largement composé d'amis, fait une ovation. Les musiciens sourient et cherchent dans le public des visages connus. Sur le trottoir devant le conservatoire, ils sont dèjà là, en civil, leur instrument à l'épaule.
Un vrai moment de musique simple et partagée loin de la frime de Pleyel ou du Théâtre des Champs Elysées.
15790ème jour
K-Tar's strophes
Je ne suis pas doué pour faire des critiques de livres. Je ne suis pas doué pour faire des critiques de films. Je ne suis pas doué pour faire des critiques de blogs.
Ceci dit, vous devriez aller lire
ça.
Dis Monsieur K, pourquoi tes commentaires ne marchent-ils qu'une fois sur deux?
15788ème jour
Déclaration
Je tape sur mon clavier depuis quelques minutes. Et en passant la paume de ma main gauche près de mon visage, je reconnais une odeur familière. J'approche la main et j'essaye de reconnaitre la senteur plus attentivement. Oui c'est certain. Il s'agit de
Déclaration de Cartier. Mister Z. le porte. Il a tapé sur le clavier l'autre jour, et le sous main en cuir noir devant le clavier en a été imprégné. Je reste là comme pétrifié à renifler ma paume, comme un cochon en arrêt devant une truffe. Et mille souvenirs m'assaillent. Et j'attends.
Valse mélancolique et langoureux vertige.
Prévoyance
J'ai acheté une nouvelle bouteille de Manzana.
Mister Z.
Hier soir, je devais revoir Mister Z. On devait se retrouver vers la Bastille à la sortie de son théâtre (oui il fait aussi du théâtre amateur (non le "
aussi" ne s'applique pas à N. mais à moi)).
Bref, vers 20 heures, il me laisse un message pour me dire qu'il ne sortira que vers 22 heures.
A 22 heures pas de nouvelles. J'envoie deux SMS, pas de réponse.
Il m'a appelé ce matin pour me dire qu'il n'était sorti du théâtre qu'à 23 heures, qu'il n'avait pas osé m'appeler, car celà aurait donné l'impression qu'il ne donnait signe de vie que pour se faire héberger. Et que donc, il était rentré en train dans sa banlieue lointaine.
J'ai du mal à le croire.
On doit se voir ce soir.
J'avais raison d'avoir peur de m'attacher.
15785ème jour
Carpe Diem I
Lorsqu'il sonne à l'interphone, je débloque la porte de l'immeuble, j'entrouvre celle de l'appartement et je range rapidement quelques affaires qui trainent. Aussi, quand je reviens dans l'entrée, il est déjà là. Il est beaucoup plus beau que je ne l'imaginais. Légèrement plus grand que moi, une casquette américaine bleue marine vissée sur la tête, le visage bronzé, un sourire américain lui aussi, un jean avec un trou de dix centimètres de diamètre au genou.
Je lui propose un verre, et dans un premier temps, il ne veut pas d'alcool, mais je lui recommande d'essayer la Manzana. Nous discutons très longtemps de ses activités et des miennes, de nos vies, de ce qu'il faisait là où nous avons parlé pour la première fois, de mon appartement, d'opéra, de boîtes de nuits, de Londres, de Rome, de nos amitiés. J'aime beaucoup lorsqu'à plusieurs reprises, il pose sa main sur mon genou pendant la conversation. Nous écoutons le
Duo des Fleurs de
Lakmé, puis le premier acte de
Rigoletto. Nous finissons la Manzana et fumons un peu trop.
Je lui fais voir le clip de "
Tu es foutu". Alors que nous regardons l'écran, je lui pose la main sur l'épaule et je l'embrasse dans le cou. Il a la peau d'une douceur parfaite. Mon baiser a l'air de le stimuler brutalement. Il embrasse très fort, très violemment, sa langue est électrique et elle contraste avec la douceur de ses lèvres épaisses, sensuelles et tendres. Je lui lèche la joue, l'intérieur de l'oreille, le cou, le menton où il a une longue cicatrice, séquelle d'un accident d'enfance. J'ai envie d'être contre lui. Mais je ne veux pas aller dans la chambre. Je le fais se lever et nous nous couchons à même le sol, sur le grand tapis rouge et bleu, disposé devant la cheminée en bois. Je regrette de ne pas avoir fait de feu. Nous roulons l'un sur l'autre dans un mélange de lèvres et de langues qui se touchent, de mains qui se cherchent. Je touche son ventre en glissant ma main sous sa chemise noire, ses fesses en passant l'autre sous son jean.
Nous restons là assez longtemps, alors que
Human nature de
Sweet Drop tourne en boucle virtuelle sur l'ordinateur.
Nous avons besoin d'aller plus loin avec un peu plus de confort. Je l'emmène dans la chambre. Il me dit qu'il n'aime pas les chaussettes. Nous sommes nus l'un contre l'autre. J'adore ses épaules larges, sa peau fine et douce, sa taille mince, les veines légèrement saillantes sur ses biceps. J'ai envie de toucher toutes les parties de son corps, qu'aucune ne reste inexplorée ou insondée. Nous restons là très longtemps à nous donner du plaisir dans tous les sens du lit. Pourquoi est-ce toujours différent alors que la logique voudrait que celà soit toujours pareil? Il aime un peu de violence dans la relation. J'ai envie de lui donner tout ce dont il a envie, de n'accepter aucune limite. Je me dis que je ne dois pas oublier un seul moment qui s'écoule, de profiter totalement de chaque instant.
Il jouit en premier, sur moi. Il crie lorsque je jouis à mon tour, sur lui. Nous restons longtemps silencieux l'un contre l'autre.
Il me dit qu'il ne supporte pas de dormir avec quelqu'un sans être tout contre lui. Il en est ainsi.
En me réveillant ce matin, je suis heureux de le voir là. Je le regarde dormir assez longtemps. Je le caresse pour le réveiller tout doucement.
Des milliers et des milliers d’années
Ne sauraient suffire
Pour dire
La petite seconde d’éternité
Où tu m’as embrassé
Où je t’ai embrassé
Un matin dans la lumière de l’hiver
Pendant qu'il prend sa douche, je vais acheter deux pains au chocolat. Nous prenons un ristretto et un jus de fruit.
Je le dépose devant son travail sur les Champs Elysées. Il m'embrasse à pleine bouche dans la voiture. Je le regarde s'éloigner. Il a l'air heureux. J'ai peur de m'attacher.
15783ème jour
15,24 €
Monsieur le Président-Shadok-Général de Monoprix,
J'ai souvent le plaisir de fréquenter votre établissement de la rue de Lévis, à Shadokville. Il est bien achalandé, on y gare facilement sa smartshadok, bref, tout irait bien si un petit panneau ne venait énerver ma cervelle de shadok, chaque fois que je passe en caisse. Ce petit panneau affiche : "
Pas de Carte Bleue Shadok, pour moins de 15,24€".
Monsieur le Président-Shadok-Général, vous allez certes me dire que quinze euroshadoks et vingt-quatre centimeshadoks font cent francshadoks. Et que de mémoire de shadok, on n'a jamais accepté de carte Bleue Shadok pour moins de cent francs shadoks. Certes, Monsieur le Président-Shadok-Général, vous avez raison. Toute fois, l'euroshadok est maintenant apparu depuis plus d'un an et je suis sûr qu'il doit être possible d'arrondir, à votre choix, ce montant, à quinze euroshadoks, ou à seize euroshadoks.
Quoi? Vous me dites que tout est calculé dans le grand ordinateur central de Monoshadok? Mais Monsieur le Président-Shadok-Général, je suis sûr que l'un de vos brillants informatishadoks se fera le plaisir de modifier ce paramètre.
Merci à l'avance Monsieur le Président-Shadok-Général.
Je vous prie d'accepter, Monsieur le Président-Shadok-Général, l'expression de mes sentiments les plus shadokleureux, ainsi que la plus haute estime due à votre rang.
15780ème jour
Chic II
Donc hier, je suis passé chercher S. au 35ème étage de sa jolie tour toute neuve. Nous sommes allés ensemble au Quai-Ouest, un restaurant vaguement branché, construit dans un hangar à bateaux sur les bords de la Seine. J'ai garé la voiture de l'autre côté de la Seine, à Boulogne, et nous avons tranversé ensemble la passerelle pour piétons qui franchit la Seine en face de Saint Cloud.
Nous nous sommes assis l'un en face de l'autre dans le restaurant et j'ai enfin pu pour la première fois l'observer à ma guise. Vous avez remarqué comme, en dehors d'un déjeuner ou d'un entretien en tête à tête, il est difficile de dévisager une collègue de bureau afin d'observer tranquillement tous les détails de son visage.
Elle est superbe. Des yeux expressifs. Une belle bouche sensuelle. De longs cheveux. Un corps parfait. Le tout d'une simplicité confondante, peu ou pas de maquillage. Une sorte de Julia Roberts en plus naturel et légèrement intello.
Notre conversation est fluide. Alors que je déteste savoir quoique ce soit d'un film que je m'apprête à voir, je ne suis pas du tout agacé par son récit détaillé de
Chicago et de
Solaris. Je la regarde en souriant.
15 heures. Elle est en retard. Moi aussi. Je la redépose au bas de sa tour. Elle m'embrasse. Elle a l'air heureuse. Je la regarde s'éloigner. Elle m'envoie deux mails dans l'après-midi.
15778ème jour
Chic I
Demain je déjeune avec
S.