16141ème jour
Dernière nuit à Kuta
On s'était repérés la nuit précédente au Qbar. J'avais vu qu'il dansait comme un Dieu, toujours en souriant, et il avait l'air d'aimer ça. Il m'avait ostensiblement caressé les doigts à deux reprises. On était occupés l'un et l'autre et à un moment, il a disparu. C'est essentiellement pour cela que je suis retourné au Qbar hier soir, dans l'espoir de faire connaissance avec lui. A peine arrivé, je me fais alpaguer par un originaire de Sumatra. Il est bête comme ses pieds et il rit a la facon du Mozart de Milos Forman :
Lui :
What do you think about the Eiffel Tower?
Moi :
Nothing
Lui :
Ouhahahahahihihihahaha
Moi : ...
Lui :
Is there a place like this one in Paris?
Moi :
Many
Lui :
Ouhahahahahihihihahaha
Et tout d'un coup, il est arrivé. Vraiment gentil, sympa. Lui est de Surabaya. Il parait que Surabaya c'est moche, mais moi, ca me fait rêver. Ca me fait penser à la chanson de Kurt Weil :
Johnny Surabaya.
On boit un peu, moi
Margarita frozen, lui jus d'orange, on fume des
kreteks, puis on va faire un tour dans la boite en face. La musique est cool, on danse un peu rapproché, il propose de commander de l'arat, l'alcool de dattes balinais. Il me dit de faire attention, que c'est très fort. C'est vraiment fort en effet, mais très bon. On sort un moment sur la terrasse. Il y a une pluie tiède qui rafraîchit le vent chaud. On est bien ensemble. Il sait que je dois m'envoler cinq heures plus tard. Il veut qu'on aille à mon hôtel. Je ne suis pas très chaud. Pas envie d'un truc glauque et rapide alors que c'est plutot sympa. On part dans la nuit sous la pluie. Il chante "
Ainsi font, font, font, les petites marionnettes". Je lui demande comment il connait cette chanson. Il me répond que l'un de ses grands-pères etait français et la lui chantait lorsqu'il était enfant. On arrive au bout de la rue : la plage. Devant le Gado Gado il y a quelques transats en bois. On en squatte un. On entend le bruit des rouleaux dans la nuit. On s'embrasse, il me suce, je le suce, c'est tendre et gentil. On revient vers l'hôtel, je lui offre 100.000 roupies pour son taxi de retour. Il me laisse son adresse e-mail. Je le regarde s'éloigner dans la nuit. Des oiseaux exotiques chantent.
Je rentre dans ma chambre et prépare rapidement mes bagages, prends une douche et m'effondre dans mon lit.
Deux heures plus tard, le réveil sonne. Nouvelle douche. Une petite grenouille sautille dans la salle de bains. Je sors de l'hotel, m'adresse au taxi le plus proche, le dernier de la file. Le premier chauffeur s'approche très mécontent. Je m'en tape. Mon chauffeur s'installe. Il a de beaux cheveux longs dans le cou. Le taxi ne demarre pas. Il demande l'aide de trois autres chauffeurs qui poussent le vehicule par deux fois. On part péniblement. Dix minutes pour être à l'aéroport. C'est fini. Je garde près de moi dans l'avion la jolie carte murale d'école de Bali que j'ai eu tant de mal a trouver. Au revoir Bali. Je t'aime.
16140ème jour
Absolut Kuta
Les trottoirs de Kuta sont bizarres. A l'image de l'Indonesie, ils sont un peu ni faits, ni à faire. Hauts de quarante centimètres par rapport au niveau de la rue, ils montent et redescendent sans cesse de façon brutale. Tous les dix mètres environ, il y a des plaques de béton qui permettent d'accéder aux réseaux d'eau et d'électricité. Le problème est qu'une plaque sur dix est manquante. Et la nuit, il vaut mieux être assez vigilant sur là où l'on met les pieds. Sans parler des petites offrandes que tous les commerçants deposent devant leur boutique le matin et le soir.
Il y a également de nombreux vendeurs d'essence qui ont sur le trottoir un petit étalage de bouteilles d'Absolut remplies de carburant. La première fois que j'en ai aperçu, j'ai cru à une vente de vodka locale, une sorte d'Absolut a l'alcool de datte par exemple. Il y a surement des touristes qui ont du faire l'erreur.
Demain matin, je me lève a l'aube pour rejoindre Singapour en deux heures de vol. Je suis heureux de retrouver cette ville étrange qui est probablement encore l'immense galerie commerçante climatisée et aseptisée que j'ai connue.
16139ème jour
J-3
Le lis sur le site de Météo France qu'une température de -2 degrés est prévue demain à 7h00 à Paris. Je compatis. Surtout que c'est peut-être ce qui m'accueillera lundi matin à six heures quand j'arriverai a Roissy.
Ici ça va. Il fait toujours trente degrés. Ou plus. Je ne sais pas très bien en fait. On s'en fiche. Très peu de pluie cette semaine malgré la saison dite humide. J'ai encore passé une bonne partie de ma journee à arpenter la plage de Kuta dans un sens et dans l'autre, à me baigner dans les vagues chaudes, a négocier quelques babioles exotiques.
Demain, il faut que je songe a m'acheter deux batiks pour protéger Gréta et Daphné de la poussière lorsque je les abandonnerai pour quelques jours. Elles me manquent. Le bonheur de les retrouver et de les écouter compensent un peu la peine de rentrer.
16138ème jour
Comment éviter un meurtre
Apres avoir quitté Ubud ce matin, je suis allé un peu plus haut dans la montagne voir une nouvelle fois les paysages de rizières en escalier et j'ai visité quelques ateliers de sculpture sur bois. J'ai aprement négocié cinq boomerangs décorés.
Je suis revenu à Kuta et je retrouve mon petit cybercafé climatisé de la rue du
Gado Gado. A côté de moi, une touriste sans doute australienne tape avec fébrilité sur son clavier en agitant un avant-bras orné d'une vingtaine de bracelets métalliques. De l'autre main, elle attrape des chips chinoises et les croque méticuleusement en faisant le maximum de bruit. J'ai envie de prendre mon écran et de le lui balancer sur son crâne vide. Pour éviter ce meurtre, je vais sans doute aller prendre un Margarita frozen au Qbar, en lisant négligemment le
Bali Post et en fumant une Kretek. Mes préférées sont les
Gudang Garam car elles crépitent dans la nuit et en plus de l'odeur habituelle de clou de girofle des kreteks, celles-ci laissent au palais un leger goût sucré. Tout le charme de l'Asie.
16137ème jour
Ubud
Ce matin je suis allé me balader dans les rizières au nord d'Ubud. Aucun touriste, seuls quelques paysans qui disent un gentil
hello au passage. Après une heure de marche, j'arrive dans un village très calme. Au sol, dans la rue, du riz sèche au soleil sur des baches en plastique. Je redescend sur Ubud par un autre chemin. Je me fais arrêter par un paysan qui veut absolument me faire goûter de la jeune noix de coco. Il me la coupe d'un bon coup de sagaie, puis pratique une autre entaille pour faire comme un petit bec verseur. Le liquide est frais, legèrement sucré. Nous bavardons un instant. Il a 22 ans, Il a appris un peu d'anglais avec un dictionnaire que lui a donné un touriste australien en 2000. Il s'occupe dans les rizières de ses parents mais aimerait bien travailler dans le tourisme. Je reprends ma route. J'arrive a Ubud. Tous les cinq mètres, on me propose gentiment un taksi en disant "
transport sir ?" et en bougeant les bras comme autour d'un volant imaginaire. Je retrouve le Lotus cafe. Soupe froide de concombres ail et crevettes, salade d'avocats poulet et papaye, Le tout arrose d'un vin blanc balinais legèrement sucré. Le bonheur quoi.
16136ème jour
Chaud
On met un peu de temps à s'habituer à la chaleur et surtout a l'humidité de l'air. Le premier jour j'avais les doigts gonflés et j'étais incapable d'avaler quoi que ce soit. Toujours soif. Mon menu du déjeuner d'hier chez
Made était le suivant : salade thai aux crevettes, une bouteille d'eau, deux jus d'ananas frais, un petit brownie, un milk shake a la noix de coco et un expresso. Le tout pour 107.000 roupies, soit un peu moins de 10 euros.
Ce soir j'ai loué une petite guimbarde Suzuki pour aller dans la montagne a Ubud, le village des artistes. Je loge chez Nick's pension, un petit groupe de bungalows au milieu des rizières. Je change provisoirement de cantine pour deux jours et je retourne bien sur au
Lotus Cafe.
16135ème jour
Le coucher de soleil à Kuta
La plage de Kuta est la plus belle de Bali, le paradis des surfers, longue de huit kilometres de sable fin, sans aucun immeuble ne la bordant, une loi balinaise interdisant la construction de tout batiment plus haut que le plus haut palmier du lieu. Elle est orientée vers l'ouest et tous les soirs a la même heure, elle offre un spectacle de cinema de trente minutes sur un écran à plus de 180 degrés: l'un des plus beaux couchers de soleil au monde. Hier, dimanche, beaucoup de balinais se trouvaient là pour le spectacle. Des couples, des mères avec des enfants, des adolescents qui jouaient au football et quelques vendeurs de babioles.
Il y avait très peu de nuages hier, seulement une bande à droite vers le nord. Quelques cerfs-volants en forme de boucaniers multicolores égayaient le ciel. Il y avait aussi quelques petits nuages a cing degrés environ au dessus de l'horizon. Lorsque le soleil est reapparu au dessous d'eux il a commenée a prendre une couleur jaune orange, puis jaune doré, puis vraiment orange. Comme l'ile se situe très près de l'équateur, il descend tres vite et lorsq'il est totalement englouti, le spectacle est le plus beau avec des zèbrures dans le ciel de toutes les couleurs. Des que l'obscurité approche, il vaut mieux s'éloigner : les moustiques commencent d'attaquer.
Ou l'on apprend que les facteurs balinais font un dur métier
Mon
hôtel est récent, il a été créé par un couple germano indonésien il y a deux ans. Il est totalement à l'écart de l'animation, au milieu des rizières. Il faut dix minutes à pieds pour aller à la plage par un raccourci de petits chemins, de passages entre deux rizières, du croisement en diagonale d'un terrain vague, puis par une petite route bitumée. J'ai donc bien repéré le parcours avec une employée de l'hôtel le premier jour.
Hier soir, en rentrant a l'hôtel, le chauffeur de taxi ne le connaissait pas et je n'avais pas pris l'adresse sur moi. Je lui ai dit d'aller vers un autre hôtel ou j avais résidé il y a sept ans et qui se trouve sur la plage au bout du petit raccourci. Il m'a depose là et j'ai tenté de remonter le petit raccourci. Tant que j'étais sur la route,tout allait bien. J'ai tenté plusieurs fois des petits chemins sans succès. Pas évident de différencier une rizière d'une autre dans la nuit. J'ai donc essayé de contourner tout le pâté de rizières en tournant toujours a droite, comme dans un labyrinthe. Devant chaque maison, je me faisais agresser par le ou les chiens censés la garder. Il y a bien du y avoir une cinquantaine de chiens qui m'ont hurlé dessus pendant l'heure de marche (oui une heure). Dans le noir je les distinguais mal, j'entendais seulement leurs grondements et leurs aboiements. De temps en temps ils se mettaient à plusieurs pour m'intimider. J'espérais seulement q'il s'agissait du chien classique de l'Asie, une sorte de machin jaune molassou à la mamelle pendante ou au poil pelé. Au bout d'une heure, j'ai enfin repéré un petit panneau indiquant l'hôtel. Entre la promenade sur la plage et celle-ci, moins désirée, j'ai bien du parcourir 25 kilometres à pieds hier.
16134ème jour
Retour à Bali
Le gros 747 s'est élevé au dessus de Roissy a 13h30. Il a pris une route très au nord, peut être afin d'éviter l'Irak. Nous sommes passés au dessus de Kaboul, puis du Pakistan, avons traversé le golfe du Bengale pour rejoindre Phuket, longer la cote occidentale de la Malaisie et finalement atterrir a Singapour. Une heure plus tard, redecollage, dans un 777 cette fois-ci. Nous longeons Sumatra, Java, amorçons un grand détour pour arriver a Denpasar. Une bouffée de chaleur humide nous assaille à la sortie de l'avion. Je sors dans les premiers car je sais qu'il faut faire la queue une première fois pour payer 25 US$, une seconde fois pour obtenir le visa et une troisieme fois pour passer la douane. Certains vont directement à la douane et s'énervent lorsqu'ils comprennent qu'ils ont attendu pour rien.
Je pars vers mon hotel en taxi. Beaucoup de constructions nouvelles. Le quartier de l'aéroport, Kuta et Legian ne sont plus désormais qu'une seule agglomeration. L'hôtel est situé au milieu des rizières. Une douche et je le quitte aussitôt pour longer la plage sur huit kilometres afin de rejoindre le centre de Kuta. L'eau est chaude, au moins à 28 degrés. Je croise quelques pêcheurs qui plient leur filet, une petite foule qui fait brûler des offrandes face a la mer au son du gamelan. En deux heures de marche, on me proposera des tee-shirts, des lunettes de soleil, des tableaux balinais, des pénis en bois, un arc et ses flèches, des chapeaux, un taxi, une voiture de location, des bagues, des colliers, un cerf-volant en forme de petit boucanier, mais le tout avec une gentillesse balinaise sans insistance.
Je retrouve mes repères dans le centre de Kuta. Je fonce vers ce qui sera sans doute mon quartier général de la semaine :
Made's Warung, qui était jadis le rendez-vous des hippies précurseurs de Kuta et qui s'est nettement embourgeoisé. Une salade thai, un avocat au crabe. Les avocats de Bali sont incroyablement bons. Ils sont toujours parfaits. Dans une heure, c'est le coucher du soleil. Tout le monde va être la sur la plage, tourné vers l'ouest, pour le savourer. Pour rien au monde je ne voudrais rater ca.
16133ème jour
Sensible
J'étais assez fier d'être passé entre les mains du docteur C. sans avoir particulièrement mal. C'est donc le coeur léger que j'y suis retourné ce soir pour me faire retirer les fils des points de suture.
J'avais tort.
Quand il a commencé à tirer sur les fils avec sa petite pince, j'ai cru que j'allais me trouver mal. Il a compris qu'on allait en avoir pour des heures et il a décidé de me refaire une petite anesthésie locale. Je lui ai demandé s'il me trouvait douillet. Il m'a fait cette réponse énigmatique : "
Vous n'êtes pas douillet, vous êtes sensible."
En le quittant, il m'a souhaité de bonne vacances. Je n'arrive pas à croire que demain je serai
là bas.
16132ème jour
Pot pourri pour tulipes II
Lever tardif,
café américain de Leidseplein, magasin de gadgets,
Fame,
Moko,
Alexander String Quartet,
Bark,
April,
Soho, Horloge James McCabe,
Wagamama, le
Beguinage,
Super polm, Quentin perdu, re-joint offert, resto italien à Anvers, rerue Newton, A1, apu les ratons laveurs, on recommence quand?
16130ème jour
Pot pourri pour tulipes I
Paris, A1, Lille, rue Newton, frontière, station total, croissant, café offert, bruxelles, musée des Beaux-Arts,
exposition Fernand Khnopff, androgynie, catalogue, un petit vase vert, galerie Saint-Hubert, Brasserie, steak americain, choucroute alsacienne, disquaire, Anvers, Breda, Utrecht, Amsterdam, hôtel, voucher oublié, négociation, with a smile please, billets de concert, bière happy hour, bar qui tourne, April, joint offert, Alborada del gracioso, Nuit dans les jardins d'Espagne, Sheherazade, Café De Jaaren, Coffe shop, Soho, hôtel, plus de nombreuses compresses, quelques gélules et des lunettes noires. Et deux ratons laveurs.
16128ème jour
Beurre noir
C'était en effet assez rapide. On m'avait recommandé d'arriver à 10 heures après avoir pris un bon petit déjeuner. En quarante cinq minutes c'était chose faite. Assez peu douloureux. Le Docteur C. qui a plaisanté pendant toute la séance en nous racontant ses week ends de ski à Courmayeur et des histoires de bouteilles d'Armagnac à 1000 euros était content de lui. Le seul défaut de l'affaire est que je ressemble un peu à un soldat romain de Tartopum qui aurait été boxé pendant trois heures par une horde d'invincibles gaulois. On m'a prévenu que le pire serait demain. J'en réserve donc la primeur à quelqu'un que j'aime beaucoup et qui a beaucoup de gentillesse de supporter mes bétises. Malgré ces petites contrariétés créées de toutes pièces par celui qui prétend les subir, j'aime bien la perspective de cette semaine qui me verra me réveiller à Paris, à Amsterdam, de nouveau à Paris, puis à Legian.
404
C'est l'heure de l'erreur 404. Je demande seulement que cela ne soit pas aussi le jour de l'erreur quatre sang quatre.
16126ème jour
Un trou
Dans six jours on doit me livrer mes nouvelles enceintes. Je commence à préparer la mise en place des deux soeurs jumelles. Mon vendeur amateur de pattes de lapin et ennemi de l'électricité statique m'a recommandé de les mettre plutôt dans la pièce où il y a actuellement la télévision car elle a de meilleures proportions. Il m'a en revanche incité à disposer les amplis et le lecteur de CD dans l'autre pièce de façon à ce qu'ils ne soient pas perturbés par les vibrations transmises par les haut-parleurs. Cela tient un peu de la magie noire mais je me suis appliqué srupuleusement cet après midi à faire un trou de deux centimètres de diamètre entre les deux pièces. Mon forêt le plus long ne suffisait pas à perforer totalement la cloison et j'avais un peu peur de ne pas trouer exactement en face lorsque j'ai attaqué l'autre côté. Au final tout s'est bien passé. Lorsque j'ai pu passer un stylo à travers le mur, j'étais sans doute aussi fier que les techniciens du tunnel sous la Manche lorsqu'il se sont retrouvés au centre.
Le trou est fait. J'espère qu'il en valait la peine.
16125ème jour
Moment musical
Il y a des oeuvres de musique avec lesquelles on entretient une relation particulière. Un jour je rentrais de chez un client et je suis resté scotché dans la lada à l'entrée du parking sans oser y pénétrer de peur de ne jamais savoir ce qui était en train d'être diffusé à la radio. Une musique jouée au piano, un thème assez répétitif mais sans cesse renouvelé mais surtout une mélodie qu'il me semblait parfaitement connaitre tout en étant incapable de la nommer. A la fin était annoncé le
3ème Moment musical de l'opus 16 de Rachmaninov par le pianiste
Andrei Gavrilov. J'ai eu un peu de mal à retrouver cet enregistrement qui n'était plus disponible que dans la belle collection
Great pianists of the 20th Century. J'ai réécouté ce morceau des centaines de fois pendant toute l'année 2000. Je ne me suis jamais lassé du son magnifique du Steinway de Gavrilov mais je me suis toujours demandé où j'avais déjà entendu ce thème.
Depuis hier, je sais.
J'ai rangé il y a quelques semaines des CD qui trainaient encore dans des cartons depuis mon déménagement et j'ai remis la main sur un disque de jazz que j'avais beaucoup écouté à la même époque. C'est un jazz très années 60 : orchestre à cordes, cuivres et saxos tendres, belles voix, le tout tirant un peu vers de la musique de film. Ca s'appelle
The Art of Song et le disque a été réalisé par le contrebassiste
Charlie Haden, le père de
Josh Haden, le chanteur de
Spain. Et lorsque la plage 3 du CD a commencé, je n'ai pas voulu en croire mes oreilles. C'était ça.
16124ème jour
Un sale début de journée
Ce matin, je suis allé faire une prise de sang pour vérifier la bonne coagulation de celui-ci avant la journée tranchante de lundi prochain. Je me gare rapidement vers 8 heures près d'un laboratoire d'analyses sur le chemin de mon travail. J'ai de la chance, il y a peu de monde. L'inscription est rapide. Un sexagénaire au look très 17ème veut absolument savoir le prix de l'examen qu'on va lui faire même s'il ne paye que le ticket modérateur. "
Vous comprenez, dit-il très fort,
c'est important que l'on sache ce que l'on coûte à la sécu!"
Je m'installe dans la salle d'attente.
Cinq pages de
Gala plus tard, une infirmière s'avance et demande Monsieur Tvtvsse. Monsieur Tvtvsse (c'est le Monsieur à la grosse voix qui veut savoir le prix des examens) se lève et se retire avec l'infirmière dans un petit cabinet.
Cinq pages de
Gala plus tard, une autre infirmière s'avance et demande Monsieur Tvtvsse. J'explique que Monsieur Tvtvsse a déjà été appelé et que moi je suis Monsieur Gvgvsse. La chérie panique et se précipite là où se trouve Monsieur tvgvtvgv. Trop tard. On lui a déjà piqué l'oreille pour rien. "
Vous avez de la chance que je ne sois pas venu pour me faire couper la jambe", lui dis-je. Il me répond par un regard peu aimable. C'est alors mon tour d'y passer.
Je sors. Un petit café au coin de la rue. Le Parisien. Un croissant. Le patron du café dit soudain : "
Rah ça recommence, ils enlèvent les voitures sur les emplacements de livraisons!" J'ai eu un mauvais pressentiment, là.
J'avais raison.
La fourrière du Nord de Paris est très laide. Un terrain vague de terre battue sous le périphérique près de la Porte de Saint-Ouen. J'ai été fort désagréable. Celà ne m'a pas évité de payer les 136 € règlementaires. Madame Lavache avait fort besoin d'être consolée de tant d'émotions.
16123ème jour
La confusion des genres
Je suis passé ce soir au rayon classique de la fnac Montparnasse. Il a été récemment déplacé, bien évidemment réduit comme tous les rayons classiques de toutes les fnac et il est maintenant placé à côté d'un auditorium. Et ce soir, il y avait un groupe de rock métal qui braillait sur des gros hauts parleurs une musique bien hard. Il s'appelaient
Metal Urbain et pendant que des mélomanes très pacifiques se baladaient dans les rayons classiques (moi je cherchais des quintettes avec clarinette d'Antonin Reicha) on entendait à fond la caisse "
Elections pièges à cons!" ou bien "
Moi je suis un ZERO!"
Personne ne s'est plaint ni n'a rouspeté. Ce qui était amusant, c'est qu'ils faisaient tous comme si de rien n'était. Les regards ignoraient ce que les oreilles entendaient.
16122ème jour
Au plus haut des cieux
L'eau de mon enfance était l'eau du robinet. Nous habitions a quelques kilomètres à vol d'oiseau de
Volvic et il faut bien reconnaitre que l'eau courante n'était pas très éloignée d'une eau de source. Un jour, mes parents ont basculé vers l'eau minérale. Je n'ai en revanche aucun souvenir de l'événement déclencheur s'il y en eut un. Je me souviens également du dégoût de mes parents lorsque les bouteilles en plastique sont apparues. Leur hostilité à toute forme de changement les a incité à aller chercher pendant un ou deux ans de l'eau à une fontaine dans un petit hameau qui s'appelait précisément
La Fontaine du Berger. Mon frère et moi prenions cette corvée avec amusement.
Lorsque le plastique a eu de nouveau droit de cité sur la table familiale, c'est bien sûr de la
Volvic que nous buvions. Elle reste encore aujourd'hui mon eau plate préférée, celle que je suis capable de reconnaitre parmi les autres à une légère fraicheur supplémentaire, même quand elle n'est pas froide.
Il y avait parfois une autre eau à table, une eau gazeuse qui faisait mes délices : la
Rozana. Dans mon souvenir elle est assez chargée en gaz et assez salée mais je l'adorais. Il y a des années que je n'en ai pas vu la trace, mais cette semaine, j'ai lu un article indiquant qu'elle allait bientôt être ressuscitée pour contrer l'arrivée de Coca Cola sur le marché français des eaux minérales.
16121ème jour
Early kebab
Monsieur M. m'a récemment appelé pour me dire que les
valves étaient arrivées. C'est heureux, je vais peut être avoir du chauffage dans la lada juste au moment où le printemps s'annonce. Je laisse donc ce matin la lada et Madame Lavache entre les mains de Monsieur M. Comme je suis un peu à la bourre et que je n'ai guère eu le temps d'étudier les moyens d'accès à Nanterre je saute dans le taxi en tête de file place de la Convention.
Le chauffeur est black et barbu et il attaque juste son kebab à 9 heures du matin. Il me précise la bouche pleine qu'il a la bouche pleine, mais il démarre. A chaque feu rouge, il reprend une bouchée de kebab en m'agrémentant d'une bouffée de viande trop cuite. Les hauts parleurs de la voiture balancent les nouvelles d'Afrique et d'Haïti. Je suis assez content d'arriver.
Ce soir je suis rentré chez moi en seulement vingt minutes de bus, dix minutes de métro et deux tickets mauves. C'était bien.
16120ème jour
Neverland
En revenant de
Peter Pan, nous apercevons un bout du sein que Janet Jackson a exhibé en direct à la télévision américaine pendant son duo avec Justin Timberlake, puis les excuses ennuyées de celle-ci pour ce qui est devenu là bas un drame national. La discussion avec mes filles dérive sur Michael Jackson et la plus jeune de mes filles me regarde d'un air grave et déclare : "
Tu sais papa, Michael Jackson, il a cambriolé des garçons."
16119ème jour
Tag-Amour suite
Il y a cinquante jours, je vous racontais avoir enfin aperçu mon premier Tag-Amour sur le trottoir de la rue de Rome. Je viens de me rendre compte que leur auteur, Jean-Luc Duez, a eu connaissance de
ce post et est passé dire
bonjour.
Je me suis réinteressé au phénomène, et apparemment, celà lui rapporte des aventures étonnantes à Jean-Luc. Un bon exemple se trouve
ici.
Si je comprends bien, l'auteur a une boutique au Palais de Tokyo? Il aurait enfin réussi à gagner un peu d'argent avec son oeuvre?
16118ème jour
Conducteur Krakassevich
En arrivant à Paris, j'ai habité pendant trois ans dans un foyer d'étudiants du Sixième arrondissement. Je me suis lié d'amitié à cette époque avec un garçon assez étrange. Il étudiait rue Saint Guillaume, était très bosseur et assez cultivé et nous avions souvent de longues discussions qui duraient jusqu'au petit matin. Il était d'origine russe et il m'a appris les rares expressions que je sais prononcer dans cette langue.
Nous avons fait notre service militaire en même temps, lui dans le Transport et moi dans cette arme encore plus noble qu'est l'Intendance. Lorsque je lui téléphonais, il répondait selon l'usage que lui avaient demandé ses supérieurs à savoir :
-"Conducteur Krakassevich, Service Budget, à qui ai-je l'honneur?"
Ce à quoi j'adorais lui répondre :
-"Scientifique du Contingent Gvgvsse, chargé de l'informatisation de la Division Réalisation du Service Central d'Etudes et de Réalisations du Commissariat Central de l'Armée de Terre".
Il m'a raconté qu'un jour, son téléphone sonnant, il décroche selon le protocole officiel :
-"Conducteur Krakassevich, Service Budget, à qui ai-je l'honneur?"
Il entend alors une sorte de borborygme étrange qu'il attribue avec pertinence à son supérieur direct. Il ose donc :
-"Adjudant-Chef Dupuis je présume?
Et l'Adjudant eut cette réponse sublime:
-"Ouais!!! Tu présumes bien!"
16117ème jour
Foutaise?
Je ne connais pas d'autre grâce que celle d'être né. Un esprit impartial la trouve complète.
Isidore Ducasse (1846-1870),
Poésies II.
16116ème jour
Musiques
Je suis perplexe par rapport aux musiques électroniques. Le passage de statut de musique confidentielle à celui de musique à succès a créé une telle profusion de création qu'il devient difficile de s'y retrouver.
J'ai écouté ce matin
Talkie-Walkie, le nouvel album de
Air, la coqueluche actuelle. Il n'y a rien dans cet album, que du vent : des mélodies insipides, des voix banales, des paroles niaises, une succession de moments vaguement planants. A force d'être dans l'air du temps, nul doute que ce duo friqué ne se laisse emporter par le vent de sa propre production.
Et puis le meilleur existe aussi : le premier album de
Dani Siciliano est une merveille. Je me suis laissé prendre du début à la fin. On est en permanence surpris par des idées originales, des sons léchés. Pas de mystère, ce CD est aussi créé par de vrais instrumentistes qui nous font partager leur bonheur de jouer.
Et puis là, je suis en train d'écouter un truc vraiment stupide : des suites de Rameau, jouées au piano au début des années 50 par Marcelle Meyer. Plus personne n'oserait interpréter Rameau comme celà aujourd'hui. Et pourtant, il s'en dégage une force, un charme, un intérêt incroyable. Et je me prends à me demander, dans le cas où je n'emporterais que cent disques sur une île déserte, combien seraient électroniques.
16115ème jour
La ville des prodiges
Première vraie journée dans mes fonctions puisqu'à l'étranger en train de manigancer un truc compliqué. J'ai passé une partie de la journée avec les patrons de notre filiale espagnole, constituée il y a une dizaine d'année suite au rachat de la société dont ils étaient les fondateurs. J'essaye de ne pas trop passer pour le chieur de la holding venu les surveiller mais plutôt celui qui va les aider à boucler leur affaire compliquée. Le cas m'interesse en tout cas et n'est en fait pas si éloigné de ce que je faisais depuis 8 ans dans mon ancienne boîte. A 14 heures, ils m'emmenent déjeuner. Sur le parking deux Mercédès Série S, une grise et une noire qu'ils se sont sans doute offertes en vendant leur bébé.
Au retour l'Airbus traverse le ciel pile au dessus de Paris, d'ouest en est. Magie de la fée électricité.
16114ème jour
Un puzzle catalan
Un des petits avantages à voyager souvent pour le boulot est de satisfaire mon goût à visiter les disquaires d´un peu partout. Et pour ce premier passage à Barcelone, je m'étais fixé comme but idiot de faire un tour à la fnac de la place de Catalogne. Mon avion étant planifié à 18h45, c'était mal parti...
Je me suis débrouillé pour être très à l'avance à Roissy, et j'ai pu prendre le vol précédent et arriver à Barcelone à 19h30. Un chauffeur de taxi très bavard m'a permis de jeter mes affaires à l'hôtel avant de me jeter moi même à 20h45 devant la fnac. Ca en valait la peine. J'y ai trouve un enregistrement que je cherchais depuis longtemps : la
Deuxième Symphonie de Wilhelm Fürtwangler. C´est un disque bizarre, une sorte de puzzle musical : Fürtwangler a composé cette oeuvre en 1944, en plein effondrement du regime nazi, et il l'a achevée l'année suivante alors qu'il n'avait plus le droit de diriger. En 1946, Fürtwangler a failli devenir le chef de l'orchestre Symphonique de Chicago. Mais le veto des grandes familles américaines, du à son passé controversé, a empêché ce projet. Fürtwanger est resté à Berlin. L´année de sa mort, en 1954, on lui a présenté à Salzbourg un couple argentin qui voulait lui faire entendre leur fils de 11 ans, prodige du piano. Fürtwangler a auditionné le jeune Barenboim et a décrété que c'etait un phénomène.
Quarante sept ans plus tard, c´est le même Barenboim qui se retrouve à la tête de l'orchestre de Chicago et qui enregistre la Deuxième Symphonie de Fürtwangler. La boucle est bouclée.
A part ca, je suis dans un cybercafé a côté du
Dietrich où je vais sûrement aller boire une vodka à la santé de quelqu'un avec qui j'etais en ce même endroit il y a dix huit mois.
16113ème jour
Son sourire
C'est son sourire dont je veux d'abord me souvenir. Son sourire étincelant. Et puis sa main qui s'élève quand l'orchestre s'agite sur des petits rythmes dansants. Et encore son sourire quans il chante avec Alfred Deller
Happy! Happy! Et puis sa peau douce que j'aime embrasser. Et puis son sourire que j'aime regarder. Et puis ses lèvres chaudes. Et puis ses boucles fermes et longues où j'aime tant blottir ma main.
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l'huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins...