La Troisième de Mahler de Simon Rattle à la Philharmonie de Berlin
Le matin, j’ai fait découvrir la ville en tous sens à Ramon, de la cathédrale à
Oranienburgerstraße en passant par les
Hackesche Höfe. J’ai pris de Ramon la même photo amusante que celle de Selim il y a deux ans dans les graffitis colorés du
Tacheles Kunsthaus.
Mais Ramon avait l’envie de visiter un monument dont j’ignorais l’existence, érigé en hommage aux homosexuels déportés pendant le troisième Reich. L’endroit était indiqué de façon
eronnée par Googlemap près de la
Siegessaüle, en plein milieu du
Tiergarten et nous avons donc eu beaucoup de mal à le trouver. Il s’avère en fait être en bordure du
Tiergarten, tout près du monument de la
shoah. C’est un cube de béton un peu bancal, flanqué d’une fenêtre dans laquelle on peut voir la vidéo en boucle de deux hommes s’embrassant. L’endroit est régulièrement saccagé par des crétins.
Le soir c’était le concert à la
Philharmonie. Comme à l’habitude pour ce cycle Mahler, Simon Rattle a choisi de faire précéder la symphonie de Mahler par deux œuvres, ce qui ne se fait jamais pour la
Deuxième Symphonie, ni pour la
Troisième.
Ce soir, nous avons donc pu entendre le chœur de Johannès Brahms
Es tönt ein voller Harfenklang pour cor, harpe et chœur de femmes, œuvre aussi rare que sublime et je me souviendrai longtemps du son du cor solo de l’orchestre, au tout début du concert. L’œuvre suivante, du collègue de conservatoire de Mahler, Hugo Wolf était le
Elfenlied pour soprano, orchestre et chœur de femmes, chanté par Anke Herrmann. Il y eut une brève interruption, puis a démarré l’une des plus belles interprétations de la
Troisième Symphonie qu’il m’ait été donné d’entendre. Premier mouvement orgiaque, Rattle dirigeant un orchestre véritablement déchaîné. Je ne sais quels musiciens ont été les plus admirables entre les cors puissants et soyeux, les bois merveilleux (fantastique Albrecht Meyer !), les violoncelles absolument incroyables dès qu’ils interviennent, les contrebasses au son sourd qui m’ont rappelé le
Crépuscule d’Aix. A ma grande surprise, le plus long mouvement de toutes les symphonies de Mahler s’achève par une salve d’applaudissements du public berlinois, qui m’avait peu habitué à si peu de discipline. Les deux mouvements intermédiaires sont parfaits avec un solo de cor de postillon superfétatoire depuis la coulisse. C’est la première fois que j’entends Nathalie Stutzmann en concert et, alors que j’aime peu ses disques, je les trouvée très émouvante dans le texte de Nietzsche, sans atteindre la merveilleuse Gerhild Romberger entendue
à Prague en décembre. Le seul reproche que l’on pourrait faire à cette
Troisième tient dans l’effectif des enfants qu’il aurait probablement fallu doubler. Le
Finale était lui aussi admirable et je crois avoir pleuré pendant les trente minutes de sa durée. Le public a retenu son souffle pendant trente secondes avant d’acclamer son orchestre de façon très méritée.
Dîner au
Lütter & Wegner de la
Postdamer Platz. D’un commun accord, alors que nous projetions d’aller au
Berghain, Ramon et moi ne sommes pas allés en boîte.