Mahler Dutilleux Ravel
Quelques crétins n'étant toujours pas informés que le CPE ne sera jamais appliqué ont choisi de bloquer ce soir le périphérique et par la même occasion tout le secteur de la Porte Maillot. Vers 19h40, j'ai jeté l'éponge, j'ai garé la lada et j'ai couru vers la station Etoile en téléphonant à
Moulin Rouge pour qu'il récupère les places au contrôle.
A 20h05, j'arrive devant l'Opéra Bastille, il est là, les places à la main et on s'installe vite au fond de la salle alors que
Matthias Goerne est déjà en plein dans le premier Lied de cette soirée,
Der Schildwache Nachtlied. Je suis horriblement énervé pendant tout ce début de concert, parce que je déteste être en retard, parce que j'ai envie de tousser, mais surtout parce que je sens que ce qui se déroule sur scène est exceptionnel et que ma fatigue et mon énervement m'empêchent de l'apprécier vraiment. L'accompagnement orchestral est totalement somptueux, offert par l'orchestre de l'Opéra et un Salonen impérial. Christine Schäfer et
Matthias Goerne, que j'avais entendus, pour l'une lors de la
Deuxième de Boulez à Vienne l'an passé, et pour l'autre dans le même cycle du
Wunderhorn de Chailly au Chatelet, interprêtent magnifiquement les douze grands
Wunderhorn Lieder orchestraux de Mahler avec en prime, au coeur du programme
das himmlisches Leben de la
Quatrième et le Urlicht de la
Deuxième magnifiquement chanté par Matthias Goerne. La mode excécrable qui a sévi pendant plus de vingt ans consistant à interprêter ces Lieder en infâmes duos, soit disant pour les rendre moins monotones, semble désormais révolue.
A l'entracte nous rejoignons nos vraies places au cinquième rang centre de la salle, juste derrière
Papy et
Mamie. Esa-Pekka Salonen revient, précédé de quatre moufflets pour
Shadow of time d'Henri Dutilleux. L'oeuvre est belle, intéressante et variée et je m'amuse de voir les quatre jeunes chanteurs assis juste devant le chef et qui admirent sa gestuelle énergique. Sous des tonnerres d'applaudissement, le compositeur, qui semble rompu à cette tâche, vient saluer une salle en délire. Salonen revient aussitôt pour nous donner la plus belle
Valse de Ravel qu'il ne m'ait jamais été donné d'entendre. Salonen, qui malgré ses 48 ans, a l'air d'un éternel adolescent, dirige magnifiquement l'oeuvre en nous enivrant par cette musique à la fois opulente et féline, à la tête du meilleur orchestre français du moment.
En quittant la salle, je demande à Mamie si c'est bien elle qui m'a offert ma place voici trois ans. "
Pas du tout! Mais c'est très gentil de vous en souvenir" me répond-elle énigmatiquement...