Leander III
Embarquement particulièrement pénible sur le vol
Swiss pour Zurich, composé en grande partie de familles africaines aux bagages volumineux qui ne font qu’un transit avant de prendre le vol pour Douala. La plupart des passagers sont très enervés mais finalement nous aterrissons à l’heure à Zurich et je prends le train pour la
Hauptbahnhof. C’est en fait un train qui poursuit sa toute jusqu’à Lucerne et j’ai la tentation de rester à bord pour tenter d’assister au concert du soir donné par le Gewandhaus de Leipzig et peut-être, revoir Leander.
Mais j’ai rendez vous avec Lukas et je vais sagement à mon hôtel avant de retourner à la
Hauptbahnhof pour le récupérer à la sortie de son train de banlieue. Lukas est moitié brésilien, moitié grec, et ce mélange produit un résultat intéressant d’où émerge un immense sourire clairement sud américain. On va à pied à mon hôtel en faisant connaissance, et en évoquant mes lieux fétiches de São Paulo. A peine arrivés, nous prenons une douche l’un après l’autre et nous passons à l’action. Lukas aime les "
chems" comme il dit, et je ne regrette pas d’avoir acheté un
Jungle Juice la veille. Il tient à me faire essayer un truc bizarre, une sorte de spray qu’il diffuse sur une serviette avant de l’aspirer par la bouche et de le garder longuement dans les poumons. Ca fait une impression de froid en même temps qu’un étourdissement proche du
poppers, mais je ne suis pas vraiment convaincu par le produit.
Nos ébats terminés, je le raccompagne à la
Hauptbahnhof (c’est la quatrième fois que je fais le parcours en deux heures), je m’achète un billet de train pour Lucerne et je vais me balader dans
Zürich Altstadt aux ruelles charmantes un rien trop propres.Il fait froid et la pluie menace en permanence, on se croirait vraiment déjà en automne. Vers cinq heures, je retourne à la
Hauptbahnhof et alors que je m’apprête à monter dans le train, je reçois ce message de Leander:
17:15
De L. à V.
Hello,
Well, I was a bit shocked about the way you contacted me, but that's okey now.
The concert was amazing, I really loved the silence after the last note... It was quite mystic.
So what are you doing? Are you working in the music business, or just a passionate Mahler lover?
Normally I don't add people I don't really know on Facebook, but if you want to add me, you can.
Greetings,
Leander
Je suis au final un peu embarrassé de retourner à Lucerne, ne voulant surtout pas qu’il puisse imaginer un quelconque harcèlement de ma part. Je lui envoie cette réponse depuis le train:
17:40
De V. à L.
Betreff: From the train
Hello Leander!
That is really funny to receive your answer just now because I am in the train from Zurich to Luzern for attending the Gewandhaus concert tonight!
I don’t know if you also attend it. If I see you, I will tell you a hello.
To answer to your question, I do not work in music, even if music is my passion. I am in international sales, so I travel intensively for my job.
I prefer not to add you now on Facebook and do it when you feel comfortable. Le’ s do it if one day when we know each other better.
With my warmest regards,
Vincent
PS: I fully agree about the silence after Mahler 9th. It was amazing. I can’t wait listening to it again in Paris on October 20th!
Je prends donc la décision de le saluer si je le vois, mais de ne pas le chercher particulièrement dans la salle. J’arrive une heure avant le concert, ce qui me permet de fabriquer un petit panneau "
Suche eine Karte" et d’acheter un billet de quatrième balcon (exactement là où j’ai vu Leander pour la première fois huit jours plus tôt). Au moment d’entrer dans la salle, je dois reconnaitre que je suis pétrifié de peur à l’idée de croiser Leander, de me présenter à lui et de ses possibles réactions, mais il s’avère qu’il n’est pas là. La première partie du concert a un programme bien décevant. L’ouverture avec deux trompettes de Mendelssohn que j’avais entendue devant
l’écran des retardataires de la salle Pleyel l’an passé, toujours aussi peu intéressante, et le concerto pour violon de Schumann auquel Frank-Peter Zimmermann ont tenté de donner un maximum de vie mais que j’ai toujours trouvé fort ennuyeux. A l’entracte toujours pas de Leander.
La seconde partie du concert, beaucoup plus intéressante avec l’ouverture
Manfred et surtout la merveilleuse
Quatrième Symphonie de Schumann dans la très rare réorchestration d’un certain Gustav Mahler. Pour être très honnête, je ne connais pas les changements exacts opérés par Mahler, je sais qu’il s’agit simplement de retouches légères, destinées, soit à clarifier l’orchestration, soit à souligner certains traits pour les rendre plus efficaces et plus adaptés à une grande salle de concert. Quoiqu’il en soit, j’ai rarement entendu sonner aussi bien cette
Quatrième Symphonie et les dernières mesures ont été prises à un train d’enfer qui m’a rappelé la gestuelle miraculeuse d’Herbert von Karajan dans le film de Clouzot où il dirige cette même oeuvre.
Le concert s’est terminé à 21h30 mais j’ai eu le temps d’attraper le train de Zurich de 20h35. Alors que celui-ci démarrait, une belle grande jeune fille est venue s’asseoir en face de moi avec un grand sourire. Elle portait le costume noir à col Mao des ouvreuses du KKL, le même que celui de Leander à l’exception du sens du boutonnage, bien sûr. Elle a enlevé le haut dans le train, ce qui m’a permis de lire sur son badge que la jolie collègue de Leander porte le prénom de Madame Fleming et le nom de Monsieur Carl Maria von.
Arrivé à Zürich, j’ai pris une
Wiener Schnitzel dans un café près de la
Hauptbahnhof et je suis allé à mon hôtel pour une nuit bien méritée.