Nouvelles turqueries
Réunion importante cet après midi pour mon projet avec les militaires. La grande salle du conseil d'administration d'une banque qui fut autrefois la banque ottomane. Au mur, de vieux titres d'actions et d'obligations en français pour des sociétés et des mines exotiques. Face à nous, un directeur général de banque, un directeur technique, deux lieutenants colonels et une éminence grise.
Je démarre la réunion pour présenter l'équipe et nous excuser de tenir la réunion en anglais. Le directeur général en face me répond aussitôt en turc que la réunion se tiendra en turc, et qu'on fera des traductions. De l'art de mettre mal à l'aise un fournisseur potentiel.
On commence par de longs préalables techniques sur nos avantages réels et supposés. Visiblement on marque des points. Nous sommes les mieux placés de ce point de vue. On passe à la partie financière. Ils nous ont demandé de faire notre dernier prix. Nous le présentons. Visages pleins de déception face à nous. Ils nous disent qu'ils nous laissent deux minutes pour descendre notre prix vers un niveau chiffré par eux et bien sûr totalement inacceptable. Interruption de séance. Nous appelons Paris pour savoir jusqu'où nous pouvons aller.
En raison du côté extrême de la demande, la discussion avec Paris prend du temps. Au moins vingt minutes. Dans l'intervalle, je reviens dans la salle pour voir les clients et leur faire comprendre que si cela prend du temps, c'est en raison du caractere excessif de leur demande. L'éminence grise me dit que c'est trop tard, que les deux minutes sont passées, qu'ils ne nous retiennent pas. Je me lève et lui dis au revoir avec un grand sourire. Il rigole.
J'attends mes collègues avec les clients. L'un des militaires met de la musique sur son PC. Une musique assez triste. Je lui demande :
"Du violoncelle?" "Oui" me répond-il
"c'est YoYo Ma." "Aaaah? Son dernier disque sur des musiques d'Ennio Morricone?" "Oui!" me répond-il ravi. Je lui dis qu'une musique plus gaie aurait été de bonne augure.
Mes collègues reviennent. Nous annonçons une baisse de prix symbolique. Ils sont de nouveau déçus et nous laissent jusqu'à lundi pour revoir notre copie.
Au moment de nous lever, le militaire fanatique de musique nous met
A Paris chanté par Yves Montand. Et c'est au son d'un l'accordéon fort parisien que nous nous saluons le plus cordialement du monde.