Cocardier I
14h00 : Le Docteur C. ressemble un peu à
Jacques Rigaud, l'ancien PDG de RTL, en plus bourgeois. Il me fait étendre sur une sorte de lit d'opération. J'ai seulement retiré ma veste. Le Docteur C. approche. Il a l'air plutôt content de lui, de ce qu'il a à faire. Je ferme les yeux. Je veux bien ressentir, mais pas voir. Quatre ou cinq fois de suite, il me pique sous la paupière droite. Plus il se rapproche du nez, plus j'ai mal. Puis il fait de même avec la paupière gauche. L'opération est rapide mais me parait longue. Le Docteur C. contemple son oeuvre d'un air satisfait et ajoute : "
Celà fait déjà effet, si ça ne vous suffit pas, on coupera un peu".
22h00 : Il est debout devant ma porte un peu intimidé. Je vois en premier sa très belle chevelure, ses dents parfaites. Il n'ose pas entrer car l'intérieur de l'appartement est dans la pénombre avec quelques cartons ça et là. Puis il me serre la main et accepte d'entrer. Nous nous asseyons devant le feu de cheminée. J'ouvre une bouteille de champagne censée marquer notre rencontre après des heures de discussion sur Internet. Je propose de fumer. Il accepte. La fumée le fait rire. Moi aussi. Il me demande ce que j'ai à l'oeil. Je mens et je lui dit que je me suis cogné. Il me regarde en souriant. Moi aussi. Il me demande à quoi je pense. Je lui répond que j'ai très envie de l'embrasser. Il sourit encore. Je m'approche de lui. Il n'attend que ça. Ses lèvres sont très douces. Je me dis qu'il y avait longtemps. Trop longtemps. Le reste m'appartient et lui appartient.
2h00 : Je le raccompagne chez lui en lada. Nous écoutons des Lieder. L'accompagnement alambiqué au piano le fait rire. Je me gare devant chez lui. Nous resterons encore une heure à discuter. Quand une voiture s'arrête il a toujours peur qu'il s'agisse de la police. Il me raconte qu'il y a quelques années, à Bogota, la police l'a ainsi interrompu en pleine activité dans un véhicule. Il a eu très peur mais tout s'est terminé par un backshish. Il doit partir. Nous nous embrassons une dernière fois. Je lui dis que j'aimerais le revoir. Je repars rapidement en me disant que celà va être très dur de me lever pour mon meeting de 8h00.
7h55 : Je me réveille. Je n'ai pas entendu le réveil, ou il n'a pas sonné. J'appelle mon futur patron. je lui dit que j'ai un problème du à mon ancien boulot, que je ne serai là qu'à neuf heures. Juste avant de me raser, je réalise que j'ai un oeil au beurre noir.
8h15 : Je pars en voiture. Je m'arrête dans une pharmacie de Neuilly miraculeusement ouverte. je montre mon oeil au pharmacien hilare qui semble imaginer les restes d'une scène de ménage nocturne. Il me vend un fond de teint qui à la forme d'un tube de rouge à lèvres beige. Je me l'applique à un feu rouge. Je suis satisfait du résultat.
10h00 : A la pause je discute avec mon futur patron. Il me demande soudain : "
Vous avez un coquart à l'oeil? Rien de grave?"
Non. Rien de grave. Juste un grain de folie.