All about Yves
Le jour dit, nous étions à l'heure, place Dauphine. Dans l'entrée, quatre boîtes aux lettres : Montand, Livi, Signoret, Castella. La concierge nous demande d'un air soupçonneux ce que nous désirons; nous répondons fièrement avoir rendez-vous avec Monsieur Montand. Elle répond que c'est impossible car il est à la campagne, mais des étages supérieurs nous parvient la fameuse voix : "
Laisse, c'est les jeunes, j'ai rendez-vous avec eux!".
Nous nous asseyons dans le petit salon du rez-de-chaussée qui donne sur le Quai des Orfèvres, là où il reçoit la presse. Tous les fauteuils sont recouverts d'un tissu de protection blanc, comme si les occupants étaient partis pour longtemps. Sur une commode, trônent l'oscar de Simone, le césar d'Yves. Au mur, un chapeau haut de forme, beaucoup de photos, la une de Télé 7 Jours pour la mort de Signoret.
Il apparait, immense, tout de blanc vêtu, souriant. Il nous propose un whisky, nout met tout de suite à l'aise. Nous lui offrons un joli livre d'art de la collection Skira qu'il regarde d'un air distrait.
On aura du mal à en placer une pendant cette heure d'entretien. Il est "comme à la télé", bouillonnant, foisonnant, passant sans vergogne d'un sujet à l'autre, de la politique au show business, de ses projets à son passé.
Il a envie de savoir s'il va vraiment entrer dans le Bébête Show, est un peu déçu de notre réponse négative. Il demande lequel de nous deux a chanté en l'imitant et, horreur des horreurs, me demande de lui rechanter live
Let's Dance version Montand. Je m'exécute pendant qu'il me regarde en rigolant. Il me demande si j'ai envie de persévérer, me dit qu'un 45 tours, aujourd'hui, ça ne coûte presque rien à faire, que Simone disait toujours que quand on a envie de faire un truc, il faut toujours aller jusqu'au bout, qu'il peut me mettre en relation.
Il nous dit qu'il est pris pour déjeuner, et nous devons partir, tout tristes que ce moment irréel ne se prolonge pas plus longtemps. Nous n'avons pas osé lui demander une photo à trois, alors, on s'est contenté d'une photo devant la porte de chez lui.
Et nous sommes repartis avec le sentiment d'avoir vécu un moment de la vie qui ne s'oublie pas.