C'est beau Bucarest la nuit
Je hèle un taxi jaune dans la nuit, une vieille Dacia complètement défoncée. Il y a une forte odeur de tabac. J'entrouve la fenêtre qui laisse passer un air très frais. Le taxi avance dans les grandes avenues de l'ère Ceaucescu en direction du parlement. Sur la gauche j'aperçois l'immense bâtiment qui était en construction, presque achevé pendant la révolution de 1989, et qui est resté en l'état depuis, tant ses structures et ses volumes sont peu adaptés à la Roumanie d'aujourd'hui. Le taxi me dépose sur la
Piata Romana, une grande place ronde plutôt animée le soir et au trafic intense. Comme toujours, j'ai une petite appréhension à rencontrer un inconnu à Bucarest qui peut être une ville dangereuse. J'appelle Lazar, il a une voix joyeuse au téléphone, je lui dis que je suis devant la boutique
Vodaphone, il me répond qu'il sera là dans une minute. Et il arrive, en effet, aussi beau que sur la photo qu'il m'a envoyée, alors qu'il défilait pour
Dolce & Gabanna l'an passé. Il a hélas coupé ses longs cheveux qui lui donnaient tant d'allure. Il m'emmène à deux pas de là, au
Crem Caffe, un restaurant installé dans une vieille villa du XIXème, avec des boiseries et du papier peint vert pâle. On commande des pâtes et une grande bouteille de rouge roumain des terrasses du Danube. Il parle un français amusant, plein de couleurs et d'erreurs, repasse parfois à l'anglais, il me raconte son enfance à Oradea, près de la Hongrie, sa vie à Milan depuis la séparation de ses parents, les photos et les défilés, ses cours de danse à l'opéra de Bucarest, sa visite à Paris de l'année passée, son boy friend français qui fait du design à Milan. On repart un peu enivrés, on traverse la
Piata Romana, on prend un taxi ensemble. Je le dépose en bas de chez lui, près de la
Piata Victoriei. On s'embrasse. Je donne à mon taxi l'adresse de mon hôtel.