Quelques queues II
Il y a fort longtemps que je ne puis sacrifier une matinée pour aller faire la queue devant une salle de concert. Pourtant ce matin j'ai retrouvé cette atmosphère d'il y a vingt ans. Le système a toutefois changé récemment, ce qui prouve que l'imbécillité de Gérard Mortier ne se réduit pas aux choix de mauvais metteurs en scène. Autrefois, les places étaient vendues tous les jours, quatorze jours avant chaque représentation. Il fallait venir tôt, mais il y avait rarement plus de deux cents personnes. Maintenant, toutes les places d'un spectacle, soit une vingtaine de représentations, sont vendues le même jour. Il y a donc dix fois plus de monde pour deux ou trois guichets et chaque vente est plus longue puisqu'il faut choisir en plus la date de la représentation.
Ce matin, je suis arrivé un peu avant dix heures. Devant moi, une jeune fille lisait passionnément le théâtre de Sénèque. Derrière mois, un mec feuilletait l'
Huma. Les premiers clients étaient là depuis quatre heures du matin sous la pluie. A dix heures, les portes de l'Opéra Garnier s'ouvraient pour les visites et nous avons pu attendre dans le hall, formant un colimaçon étrange où de nombreux resquilleurs tentaient de gagner un virage. A dix heures trente, la vente commençait, la queue formant alors une longue boucle derrière la boutique de souvenirs dont j'ai pu observer les vitrines plus que je ne l'aurais voulu.
A 13h30, soit après trois heures trente de queue, j'avais mes quatre places pour
Don Giovanni.