Liste macabre
Pendant ces vacances, j'ai lu également deux livres de Fernando Vallejo qui m'ont plutôt déçu en comparaison de la mythique
Vierge des tueurs. Dans l'un d'entre eux, très autobiographique, l'auteur promène son personnage un peu aigri dans Barcelone, à l'occasion d'une foire du livre. On apprend à cette occasion qu'il a réuni une liste de toutes les personnes qu'il a connues et qui sont aujourd'hui décédées.
J'ai eu l'étrange idée de me livrer au macabre exercice. Je n'ai selectionné que les personnes réellement rencontrées, avec lesquelles j'ai eu une vraie relation personnelle, et dont j'ai été informé de la mort. Il est probable que nombre de mes professeurs d'enfance sont morts, mais je n'en tiens pas compte, dans la mesure où je les ai perdus de vue.
Ma liste comprend 40 noms, 23 hommes et 17 femmes, 18 sont des personnes de ma famille proche ou lointaine. 3 ont péri par accident, une a été assassinée, 7 sont mortes de maladie et 29 à un âge plutôt avancé.
J'ai été surpris de ce faible nombre que j'imaginais bien supérieur. Cela doit être très déprimant de continuer à tenir régulièrement une telle comptabilité. Les entrées doivent s'accélérer avec le temps. Il y a probablement un jour où, avec la vieillesse, le nombre de disparus écrase totalement le nombre de connus vivants. On doit se sentir irrémédiablement appelé par ces voix grimaçantes et hurlant silencieusement.
D'après trois hommes que je connais bien, qui ont plus de 80 ans, on se sent surtout, peu à peu, très seuls, et on s'ennuie, il n'y a plus personne pour partager ses souvenirs, plus personne qui connaît ce qu'on a aimé, et on souhaite mourir pour ne plus s'ennuyer.
Il y a une sorte de terreur à rester le dernier vivant.
Alice -
email| 01.09.05 @ 14:58 >