La Sixième de Chung
Je suis dans la Galerie, place numéro quinze. Comme j'arrive parmi les derniers spectateurs et qu'on ne peut voir les numéros des sièges occupés, je suis embarrassé pour trouver ma place. Je profite de l'occasion pour demander de l'aide à l'un des ouvreurs dont le costume noir à chaîne d'argent est particulièrement agréable à regarder. Il m'accompagne, a l'air surpris car toutes les chaises du secteur sont occupées. Il me laisse, le temps sans doute d'aller regarder le plan de salle, revient et vire une mamie vison qui avait occupé ma place le plus tranquillement du monde. Je suis cerné par les mamies visons en fait. J'en ai quatre à gauche, trois à droite et cinq derrière...
La première impression de la salle, c'est bien sur sa beauté, sa perfection, sa taille aussi, impressionnante comparée à d'autres opéras. Ce qui est étrange aussi, c'est l'absence de balcon ou d'amphithéâtre. Les parois de la salle sont recouvertes de loges sur quatre étages, 146 loges au total.
Il est difficile d'associer la
Sixième avec une autre oeuvre et elle est le plus souvent jouée en tant que seul programme. Le meilleur choix était sans doute celui de Haitink il y a quelques années, qui l'avait dirigée après les
Quatre derniers Lieder de Strauss. Le choix de ce soir est risqué : le
Concerto pour hautbois du même Richard Strauss. On a du mal à imaginer que ce concerto ait été composé quarante ans après la Symphonie, tant l'oeuvre est banale, terne, passéiste et meme ennuyeuse. L'oeuvre inutile par essence dont on a du mal à imaginer que le compositeur de
Salomé ait pu la commettre.
J'ai une certaine appréhension de réentendre Chung dans Mahler, tant j'avais été déçu par sa
Deuxième Symphonie, il y a quelques mois à Paris.
L'
Allegro démarre dans la furie de sa marche funèbre. On a évidemment affaire à un orchestre de grande classe. Le son est riche, parfois gras et puissant, précis et délicat quand il le faut. Le grand thème ascendant d'Alma s'élève avant d'être broyé par le rythme de marche. L'ensemble est très cohérent. J'aimerais juste que le tout soit plus implacable, plus noir.
Chung choisit à juste titre le
Scherzo en deuxième mouvement. Et nous voici repartis pour vingt minutes de noirceur tragique où les marches funèbres sont entrecoupées de danses enfantines malsaines. Puis c'est l'entracte de l'
Andante, l'un des plus beaux mouvements lents de l'oeuvre de Mahler. Je pense à mes filles qui me disent malicieusement chaque fois qu'elles l'entendent : "
Papa, il a copié sur la Musique du Petit Dinosaure!"
Le
Finale est le mouvement le plus long et le plus terrible de toutes les Symphonies, la mise à mort du héros, en musique et en trois étapes, tout est fait pour mettre l'auditeur mal à l'aise. Le tout se termine dans un choral terrible des trombones et du tuba, repris par les contrebasses, puis les violoncelles, avant le cataclysme final.
A défaut de la plus mahlerienne des
Sixième, une grande soirée gravée pour toujours dans ma mémoire.