Le concert des frères Jussen au théâtre des Champs-Elysées
Alors que je me rends dans nos locaux provisoires parisiens, je reçois un appel de l’hôtel Cannelle. Ils se sont aperçus que j’avais laissé ma voiture dans leur parking et me demandent de la retirer. Je tente de négocier un peu de flexibilité, après avoir habité dans cet hôtel pendant six mois mais rien n’y fait: je devrai demander à un collègue de récupérer le double des clefs auprès de la société de leasing et de garer le véhicule ailleurs.
Déjeuner avec
Parisbroadway chez
Nonos, le bistro chic de l’hôtel
Crillon tenu par le chef Paul Pairet qui vient de fermer son restaurant mythique de Shanghai et qui prépare paraît-il le meilleur vol au vent du monde. Il aurait pu appeler son restaurant
chez les bobos tant la clientèle est typée “
beaux quartiers et je me la pête. Dans un coin, une sosie de Jocelyne Wildenstein. À part cela, le contenu de l’assiette est parfait.
Pendant le déjeuner je me fais harceler par la fille de
The Design House qui veut absolument que je signe le schéma technique du lit que j’ai commandé, avant de lancer la production. Je lui rétorque que je vais dormir sur un matelas pendant des semaines à cause d’elle et finalement, mon accord par
Whatsapp suffit.
Le soir je me rends au
Théâtre des Champs Elysées plein à craquer pour le retour des deux frères Jussen qui avaient fait leurs débuts parisiens il y a exactement deux ans dans ce même théâtre, dans le cadre des concerts du dimanche matin de Jeanine Roze. Et au vu du succès du premier concert, Jeanine Roze a invité de nouveau les deux jeunes pianistes, cette fois ci pour un vrai concert du soir qui commence par une œuvre peu jouée de Mendelssohn pour piano à quatre mains, l’
Allegro brillant. C’est une œuvre étrange dans la mesure où les deux pianistes jouent assez rarement ensemble mais plutôt alternativement et celui des deux frères qui ne joue pas laisse la place à l’autre en se reculant en arrière dans un mouvement fluide, élégant et théâtral. Leur interprétation est très convaincante et pleine de passion. Puis vient le morceau de bravoure des duos de piano, la
Fantaisie en fa mineur de Schubert, qui, depuis que je l’ai découverte en 1978(!) dans l’enregistrement de Noël Lee et Christian Ivaldi, est devenue mon amie pour la vie. Là encore, les Jussen en donnent une lecture merveilleuse, pleine de poésie et dans un unisson parfait. Après quelques secondes de silence, la salle exulte de ce moment de bonheur. La première partie s’achève avec
La Valse de Ravel, dans la propre transcription du compositeur pour deux pianos. De la place bien centrale, c’est un régal de voir les deux frères s’échanger des regards complices pour commencer une phrase ou plaquer un accord ensemble. Il y a un mélange de douceur mélancolique viennoise, mais aussi des accord plaqués qui font penser à Stravinsky, Stravinsky qui conclut ce concert d’exception avec un
Sacre d’anthologie dans la salle même où l’œuvre fût créée il y a cent douze ans.
Standing ovation d’un public en liesse. Et en bis, les Jussen nous offrent leur dernier enregistrement: l’Aria
Aus Liebe will mein Heiland sterben, transcrit d’un air de la passion selon Saint Matthieu.
Dans l’après midi, j’étais allé faire imprimer la selfie que j’avais prise avec eux dans le hall de ce même théâtre, il y a deux ans. lorsque je passe les saluer après le concert, Arthur fait semblant de se souvenir de moi. Ils me dédicacent la photo. Et je leur annonce que j’assisterai à l’un de leurs concerts en juin à Hong Kong.