Abonnementkonzert I
Au début de ma longue absence sur ce blog, j'ai pris de la décision d'être candidat pour être abonné aux concerts d'abonnement des
Wiener Philharmoniker. Ceux-ci jouent dix concerts par an à guichets fermés, un par mois de septembre à juin, le samedi à 15h30 et le dimanche à 11h00. La seule façon d'assister à ces concerts, à part quelques places aléatoires de dernière minute, est d'être abonné. Cependant, la liste d'attente est de dix ans. Une fois par an, entre mars et mai, j'ai donc patiemment envoyé une lettre aux
Wiener Philharmoniker demandant deux places pour le samedi ou le dimanche en n'importe quelle catégorie. Et l'an dernier, à ma grande satisfaction, j'ai eu le bonheur de recevoir le précieux sésame, qui m'est désormais acquis à vie: Etre abonné des
Wiener Philharmoniker. C'est agréable avec cependant la contrainte de devoir aller une fois par mois à Vienne pour le week-end ou même pour la journée, le concert ayant lieu à 15h30.
En prenant la décision de vivre à Dubaï, j'avais bien conscience que ce privilège devenait quelque peu difficile à exercer mais qu'importe, si je ne fais plus le pèlerinage mensuel, je revendrai ou donnerai une partie de mes places.
Me voici donc embarqué des sept heures du matin dans le vol Paris Vienne d'
Austrian. En arrivant dans le centre ville, ma chambre n'est pas prête et je me promène en ville en attendant le concert. J'ai eu du mal à trouver un restaurant, mes adresses habituelles
Labstelle,
Figmüller et
Oswald & Kalb affichant complet. Je me suis rabattu sur
Weibel's Wirthaus, un vieux restaurant hyper traditionnel où je vais depuis des années.
Alors que je retourne dans le centre, Ulises me contacte. Ulises est un pianiste mexicain qui a déménagé en Europe, à Berlin puis maintenant à Vienne et qui est répétiteur à l'Opéra. Il m'a vendu quelques programmes anciens et il me propose de passer chez lui pour me montrer quelques merveilles mahleriennes. Il habite sur le Prater, à un étage élevé d'un bel immeuble. Son appartement est clair et agréable, avec un nombre invraisemblable de partitions et de livres liés à la musique, autour d'un beau piano demi-queue sur lequel trône l'énorme partition du Rosenkavalier qu'il doit prochainement faire répéter à la
Scala.
Ulises me fait découvrir les programmes des
Abonnementkonzerten des saisons 1898/1899 et 1899/1900, à une époque où il n'y avait que huit concerts par an, tous dirigés par un certain Gustav Mahler. J'admire aussi un faire part en carton, sur lequel est sobrement imprimé: GUSTAV MAHLER - ALMA MAHLER-SCHINDLER - WIEN IM MÄRZ 1902, formidable témoignage d'un mariage célébré dans l'intimité dans la sacristie de la
Karlskirche. Je rêve un peu en tenant ce document entre les mains, en me demandant combien d'exemplaires ont réussi à passer l'épreuve du temps et de deux guerres mondiales.
Le temps passe, Ulises et moi partons rapidement pour le
Musikverein où se tient le premier
Abonnementkonzert de la saison. Je découvre mes nouvelles places, ayant été promu de la troisième à la seconde catégorie. Elles sont de côté mais au treizième rang, et l'acoustique est infiniment meilleure que celle de mes places de l'an passé. J'ai vendu ma seconde place à un juge allemand de Kiehl qui est passé par hasard devant le
Musikvrein et s'est décidé à la dernière minute à acheter un billet à la sauvette.
Cet après-midi, Daniele Gatti inaugure la saison avec un programme russe qui aurait beaucoup plu à Karajan: L'
Apollon musagète, un ballet un peu paresseux composé par Stravinsky uniquement pour cordes mais magnifiquement joué par l'orchestre et la
Dixième Symphonie de Schostakovich, qui utilise énormément le fameux thème DSCH.
En rentrant à l'hôtel, je pense que je me complique beaucoup la vie à venir à Vienne pour un programme que les
Wiener Philharmoniker joueront dans neuf jours au
Théâtre des Champs-Elysées.
Une heure plus tard, je suis au
Staatsoper pour une représentation des
Nozze di Figaro. On dit souvent qu'il ne faut jamais aller à l'opéra de Vienne lorsque les Wiener Philharmoniker sont en tournée et l'adage se vérifie ce soir. L'orchestre est absolument parfait, bien qu'il soit dirigé par un vieux cheval de labour anglais, Ivan Bolton, le teint rose, grassouillet et souriant, et semblant ravi d'être là. Sur scène, André Schuen qui se confirme étre le grand baryton de sa génération.