Vltava
J'aime les musiques qui symbolisent le début du monde ou l'éveil de la nature. Parmi elles, il y a les premières mesures de l'
Or du Rhin, introduction à plus de seize heures de musique. Il y a aussi la longue pédale de
la de la
Première Symphonie de Mahler, peu à peu interrompue par un coucou particulier qui chante en quarte. Et puis il y a le début de la
Moldau. C'est sans doute l'une des musiques que je connais depuis le plus longtemps. Mon professeur de musique de Sixième nous l'avait fait écouter sur le gros haut-parleur en contreplaqué qui se trouvait à côté du tableau noir couvert de portées de la salle de musique. Il nous avait raconté l'histoire de ce morceau qui nous fait suivre le cours de la rivière, de sa source jusqu'à Prague. Les eaux sont figurées par un motif ondoyant d'abord confié aux flûtes et aux clarinettes, qui passe successivement aux autres instruments, s'amplifiant peu à peu comme la rivière s'élargit.
Lorsque j'avais douze ans, j'avais acheté en Suisse un petit lecteur enregistreur de cassettes. J'avais cassé ma tirelire pour l'acheter et j'étais terrifié de peur à l'idée de le passer en fraude à la douane. Mon père l'avait caché au dessus de la roue de secours de sa 404 blanche. J'avais également acheté ce qui était sans doute ma première cassette. Quelques oeuvres orchestrales dirigées par Ferenc Fricsay. Il y avait la
Petite Musique de Nuit, le poème symphonique
Les Préludes de Liszt, et la
Moldau. Et ce soir, en écoutant pour la première fois depuis longtemps le petit motif ondoyant de départ, j'ai été sidéré par le bruissement des vents qui se parlent dans l'orchestre, par la beauté de ce premier thème qui chante les forêts de Bohème.