La Neuvième Symphonie par les Berliner Philharmoniker et Simon Rattle
Lorsque j’étais adolescent, l’idée même d’aller de Prague à Berlin en train m’aurait excité au plus haut point. Aujourd’hui, bien sûr, la quantité de voyages effectués aurait tendance à banaliser une telle perspective. Et pourtant ce matin, en entrant dans la gare centrale de Prague, les boutiques gentiment ringardes, les messages en tchèque, le petit carillon les annonçant (sur la musique des premières notes de
Ma Vlast de Smetana), l’atmosphère même de la gare, mettaient mon cœur en joie malgré l’heure matinale. Je ne pouvais non plus m’empêcher de penser que Mahler est souvent venu dans cette gare, lorsqu’il dirigeait à Prague ou même sans doute lorsqu’il se rendait à Berlin depuis Vienne. La gare ancienne est maintenant presque totalement cachée par un grand hall moderne et fonctionnel mais, lorsque l’on prend le couloir qui mène aux quais, si l’on y prête attention, on passe sous l’ancien dôme
art nouveau de la gare, dans un état miséreux.
Le train
Johannès Brahms (!) qui va de Prague à Berlin en un peu moins de cinq heures a un itinéraire fort simple : il longe les cours sinueux de la Moldau, puis de l’Elbe et la vue est souvent fort belle jusqu’à Dresde. Il passe aussi à deux pas de Terezin et une rapide recherche Google m’a appris qu’en plus du supplice de Pavel Haas, Hans Krasa et Viktor Ullmann, Robert Desnos y est également mort du typhus peu après la libération du camp ; et que Karel Ancerl y a lui aussi été détenu avant d’être transféré à Auschwitz dont il a miraculeusement réchappé (sa femme et son fils y ont été gazés). En passant près de ce lieu tragique, j’ai fait le serment de m’y rendre un jour en pèlerinage.
Je suis arrivé à
Berlin Hauptbahnhof à 13h15, et par les miracles de la qualité du réseau de métro de Berlin, un quart d’heure plus tard, j’ai déposé ma valise au NH de la
Leipzigerstraße. Déjeuner tardif au
café Einstein, shopping chez
Saturn et chez
Düssmann.
A 19 heures je me rends à la
Philharmonie pour l’avant dernier étape de mon long cycle Mahler avec ce soir la
Neuvième Symphonie. Comme d’habitude, Rattle a choisi une première partie et ce soir c’est
Tableau, une œuvre d'Helmut Lachenmann des années 80. Beaucoup de bruit, de percussions, l’orchestre est bien sûr extraordinaire mais honnêtement, je me demande bien quel est l’intérêt d’une telle œuvre. Le public a l’air de s’ennuyer ferme et je me demande combien parmi les musiciens se sentent heureux de jouer ceci. Le compositeur, septuagénaire, vient saluer, visiblement heureux que l’on ait exhumé son œuvre. Puis c’est la
Neuvième, une spécialité de l’orchestre Philharmonique de Berlin, depuis les enregistrements mythiques de Bernstein (1979), Karajan (1980) et Abbado (1999). Le son est superlatif, absolument extraordinaire, d’unité, de consistance et de beauté. Les solos sont inimaginables et l’on se doit de citer le premier violon solo, Guy Braunstein, le premier violoncelle solo Ludwig Quandt, le cor Stefan Dohr qui m’avait déjà ébloui dans la
Cinquième. Pourtant, j’ai eu un peu de mal à entrer dans l’œuvre, sans que je ne sache vraiment pourquoi, peut-être la fatigue, peut-être le souvenir encore vivace de deux concerts de Claudio Abbado avec l’orchestre du Festival de Lucerne l’an passé.