Trois ou quatre consonnes et trois voyelles.
J’arrive à 18h30 pétantes devant chez Raphaël qui habite de fait à dix minutes à pied de chez moi. Erreur de communication, il pensait que nous avions rendez vous à 19:00 et il est en train de siroter du rosé sur le toit du
Printemps. Je suggère de venir le chercher là bas. Finalement il me propose de monter le rejoindre pour boire un verre avec ses amis. C’est un peu gênant de faire connaissance dans la vraie vie devant des amis mais je le prends pour une marque de confiance. Arrivé sur la terrasse ensoleillée du
Printemps, je l’aperçois, attablé avec deux amis. Il se lève pour m’accueillir. Il est beaucoup plus beau que sur les photos. D’intenses yeux bleus derrière des cils immenses, une barbe de deux jours très étudiée, une nuque parfaite (je suis toujours très sensible aux nuques), un jean Armani savamment troué, des chaussures improbables qui s’avèreront être des
Vuitton, ce garçon est un dandy au sourire ravageur.
Ses amis sont vraiment très gentils et ne montrent en tout cas aucune surprise à assister à notre rencontre.
Nous passons chez Raphaël qui souhaite troquer son tee shirt au décolleté vertigineux contre une vraie chemise et nous partons au Théâtre des Champs Elysées. Bel endroit pour une première soirée ensemble. Alors que nous nous installons à l’avant dernier rang de l’orchestre, notre voisine de derrière me demande de lui lire le programme car elle ne voit rien malgré ses grosses lunettes. Il s’avèrera qu’elle est également sourde puisqu’elle exhibera pendant tout le concert un gros appareil auditif très bruyant.
Le concert en lui-même est bien sans plus. L’orchestre de Dresde (à ne pas confondre avec la merveilleuse
Staatskapelle du
Semper Oper) joue une première partie Ravel (
Alborada del graciozo, Concerto en sol) assez moyennement. Bizarrement, l’orchestre nous gratifie d’un nombre incalculable de pains et de couacs mais joue toujours parfaitement ensemble, tenu d’une main de fer par Frühbeck de Burgos (tiens un autre Rafael dans la salle, mais trois consonnes et trois voyelles). Fazil Say, que je retrouve après deux concerts Mozart, n’est pas vraiment Ravélien, un rien maniéré, cherchant de l’originalité là où il faudrait de la simplicité. Son maniérisme est bien sûr accentué par ses tics de comportement qui énervent visiblement mon voisin de droite à la barbe blanche. Mon voisin de gauche, dont j’admire de temps à autre le profil, à l’air ravi. En bis, Fazil Say nous offre un Debussy et sa très belle improvisation sur
Summertime.
Entracte champagne avec
Paris Broadway et son compagnon de concert tout de
G-Star vêtu. Je me sens très fier d’être avec Raphaël même si une telle fierté me fait un peu honte.
En deuxième partie, la
Première Symphonie de Mahler est un peu malmenée. Premier mouvement manquant totalement de poésie, Frühbeck de Burgos ne laisse pas le
Naturlaut s’installer. Deuxième mouvement d’une raideur terrible qui ferait presque oublier qu’un
Ländler est une danse. Tout s’arrange dans le troisième mouvement, ironique à souhait et dans le quatrième, aux magnifiques couleurs et j’ai un véritable bonheur à voir les huit cornistes se lever dans les dernières mesures. Un très beau bis (sans doute le meilleur moment du concert) avec l’
Intermezzo de
Goyescas de Granados et un bout de
Zarzuela sans grand intérêt.
A l’origine, Raphaël devait partir juste après le concert pour se rendre à un anniversaire mais il a tout annulé pour rester avec moi et je dois reconnaître que rien ne pouvait me faire plus plaisir. J’ai donc passé deux heures merveilleuses à la
Sardegna avec entre lui et moi deux
timbala de melanzana, des spaghetti
Vongole, deux sabayons aériens et surtout le merveilleux spectacle de ses deux grands yeux bleus.