Tout sur Safir I
Un ami de Safir nous livre une petite
Daitsu beige que je loue 800 roupies (20 euros par jour). On quitte Flic en Flac et on rejoint l’autoroute à Port Louis. L’île n’a pas embelli depuis ma dernière venue, que ce soit du point de vue de l’urbanisation ou des zones plantées. La canne à sucre a tout envahi, rendant les paysages plus monotones. On arrive à Grand Baie, la station un peu animée du nord de l’île. Malgré l’insistance de Safir qui voulait aller au
Club Med, j’ai réservé au
Beauty Ocean, un joli petit hôtel boutique au luxe simple et au calme absolu. Le soir, on dîne dans un restaurant mauricien ce Grand Baie. Je ne sais comment j’étais parvenu à ne pas m’en apercevoir lorsque nous nous étions rencontrés il y a trois ans, mais Safir est vraiment très très con. Florilège :
S’étonnant de me voir lire un livre par jour : «
Oui moi aussi j’ai beaucoup pratiqué la lecture il y a deux ou trois ans, mais j’en ai fait le tour… »
A propos de ses toiles (oui, il peint et prétend avoir un mécène parisien) : «
Dans ma famille nous avons tous du talent, mais à Paris je ne peux pas réussir car je suis français (il est en fait de nationalité algérienne). Il faudrait que je m’installe à Montréal ou à Barcelone. »
Ou encore : «
A Maurice je ne suis pas en vacances parce que j’habite chez ma mère (en une semaine je ne l’ai vu que faire du sport, dormir, nager, manger et boire » (surtout boire).
A un moment, pendant le dîner je lui indique qu’il y a une certaine souffrance à aimer la musique classique car l’on est condamné à n’entendre dans la vie courante que de la musique que l’on n’aime pas. Il me répond : «
Ben non, il y a les ascenseurs ! » Le problème est qu’au second degré, sa réplique aurait été vraiment drôle. Mais il était tragiquement sérieux. A la fin du diner, je suis assez heureux d’apprendre qu’il meurt d’envie de voir un match de football à la télévision. Je le dépose à un café disposant de grands écrans et je rentre à l’hôtel.
Alors que j’arrive près de la porte de la chambre, je sens que j’écrase quelque chose avec la chaussure, quelque chose qui fait
splotch. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait de l’un de ces gros escargots de Maurice à la coquille longue et lisse, mais en regardant de plus près, j’ai vu une grenouille de belle taille dont les boyaux sortaient par le côté. Elle semblait encore en état de bouger un peu mais je l’ai abandonnée à son sort et je suis rentré dormir. Safir est revenu vers cinq heures du matin dans un relent de
Smirnoff Ice et de friture.