Crise et Götterdämmerung
Alors que je viens de me garer à deux pas du Grand Théâtre de Provence, je lui demande s’il viendra à Barcelone avec moi. Je reçois ce premier message :
Je ne pense pas non. Attends je t’envoie le vrai texto que j’avais commencé à t’écrire parce que je ne veux pas faire semblant ou te mentir
puis celui-ci :
Des nouvelles ? Il m’a remis le grappin dessus et je me retrouve comme en 40 en train de me laisser couler au fond du lit. Résultat j’ai qu’une envie : qu’il revienne me serrer fort dans ses bras comme avant qu’il parte, qu’il me raconte toute sa série de mensonges qui me rendent prisonnier… quand je pense qu’hier je rêvais juste de rentrer et de retrouver ma maison et mes amis. J’y voyais clair. J’aimerais remonter le temps et te parler comme quand il n’était pas la, mais ca non plus ca n’est pas possible, puisque c’est comme si j’étais quelqu’un d’autre en sa présence, et ce quelqu’un n’est pas celui que tu connais et avec qui tu aimes passer du temps.
Je passerai près de vingt minutes au téléphone, juste avant
Götterdämmerung à le convaincre de tout plaquer, de le laisser, de mettre un terme à cette relation destructrice et malsaine et à changer même de numéro de téléphone afin que celui qui sera bientôt son ex ne puisse le harceler.
J’ai eu du mal à me concentrer sur les cinq heures de musique de cette fin de journée. Mon esprit est souvent parti vers les deux grands yeux verts auxquels je me suis déjà tant attaché. Vocalement, l’interprétation était de haut niveau sans être exceptionnelle. Le
Hagen de Mikhaïl Petrenko était nettement moins bon chanteur (mais plus subtil acteur) que celui de la
Fenice dix jours tôt.
Siegfried était campé par un Ben Heppner lourdaud et benêt à la voix un peu fatiguée et il faut mentionner la très belle prestation de Katarina Dalayman en
Brunnhilde et celle fort inattendue d’Anne Sofie von Otter en
Waltraute.
Quant à la mise en scène de Stéphane Braunschweig elle est banale sans être laide, elle fait preuve d’une fascination mystérieuse pour les escaliers et se laisse oublier facilement.
Et pourtant cette soirée sera sans doute pour longtemps la plus extraordinaire démonstration d’orchestre wagnérien que j’entendrai dans ma vie, tant Simon Rattle et ses chers Philharmoniker ont élevé à un niveau inouï l’interprétation de cette musique sublime. Alors que le rideau se levait sur les différents chanteurs et que le public les acclamait, c’est une intense et fervente standing ovation, plus que méritée, qui a été réservée au chef et à ses musiciens.