Un concert au Symphony Hall
C'est pour moi un des grands bonheurs de la vie que de découvrir l'un des plus grands orchestres dans
sa salle. Et c'était l'un des buts avoués de ce voyage que d'entendre chez lui le Chicago Symphony Orchestra. Le
Symphony Hall a été bâti en 1904. C'est une belle salle blanche aux fauteuils rouges avec un pavillon en forme de quart de sphère au dessus de l'orchestre. L'acoustique, comme la visibilité y sont excellentes de partout.
L'orchestre de Chicago a la réputation justifiée d'être le meilleur orchestre américain et l'un des meilleurs au monde. Au cours des quinze années de l'ère Barenboim (1991-2006), l'orchestre a pris une couleur de perfection technique, mais aussi d'une certaine froideur mécanique. Il est aujourd'hui dirigé principalement par Bernard Haitink et Pierre Boulez qui ont comme point commun d'être à l'opposé de tout show-off en terme de direction d'orchestre, d'être méticuleux, précis et sincères dans leur d"marche musicale. Le concert d'hier présentait en première partie, la symphonie
l'Horloge de Haydn, interprétée de façon très claire et mettant en valeur les solistes de l'orchestre (magnifique Mathieu Dufour). Pourtant ça et là, des petits ratages venaient gâcher une interprétation qui aurait pu être exceptionnelle, un manque de répétition peut-être.
La deuxième partie, consacrée à l'immense
Quatrième Symphonie de Schostakovich fut en revanche un moment extraordinaire de précision, de beauté, de clarté et d'émotion. Je me rappelerai jusqu'à mon dernier jour de l'ouverture grinçante et hurlante, de cette fugue bizarre et incroyablement virtuose de la fin du premier mouvement qui passe des premiers aux seconds violons et des altos aux violoncelles, des passages solistes hallucinants de beauté (les bois en général, et les cuivres puissants (incroyables tubas), de la petite cavalcade de cheval à la toute fin de ce premier mouvement et de la fin déliquescente marquée par le glockenspiel, dont Schostakovich arrive à nous faire nous demander si nous sommes dans le régistre de la joie ou dans celui des larmes.
A la sortie, j'ai littéralement incendié une ouvreuse en tailleur rouge et cheveux blanc qui a passé tout le Menuet de la symphonie de Haydn a discuter tranquillement à haute voix avec l'une de ses collègues, malgré les regards furibonds d'une partie de la galerie.