La Turangalîla-symphonie à Dublin
Je me suis promené dans les rues froides mais ensoleillées de Dublin. Il y avait des kilts partout en ville en raison du match Irlande Ecosse du lendemain. J'ai eu un peu de mal à comprendre mes clients au bel accent irlandais et le soir j'ai pris un ticket au
National Concert Hall pour un concert de musique française.
La salle est un mélange assez maladroit d'architectures classique (avec des colonnes grecques et un assez bel orgue) et moderne (un balcon très laid). Le vert y règne en maître comme on peut l'imaginer.
Le RTÉ National Symphony orchestra a vite expédié une première partie dédiée à Ravel. Un
Alborado del gracioso assez banal, suivi des trois chants de Shéhérazade interprétés assez mal par une jeune soprano irlandaise Ailish Tynan "
ésie! ésie" criait-elle...
Je n'avais jamais remarqué l'ambiguité lascive du troisième poème de Tristan Klingsor:
L'indifférent
Tes yeux sont doux comme ceux d'une fille,
Jeune étranger,
Et la courbe fine
De ton beau visage de duvet ombragé
Est plus séduisante encor de ligne.
Ta lèvre chante sur le pas de ma porte
Une langue inconnue et charmante
Comme une musique fausse . . .
Entre!
Et que mon vin te réconforte . . .
Mais non, tu passes
Et de mon seuil je te vois t'éloigner
Me faisant un dernier geste avec grâce
Et la hanche légèrement ployée
Par ta démarche féminine et lasse. . . .
Suivait une fort belle
Turangalîla-symphonie avec ses dix mouvements de fatras habituel. Pascal Rophé a fort bien conduit l'orchestre dans cette oeuvre dense avec un Roger Muraro hallucinant de force et de présence, luttant parfois contre les ondes Martenot de Valérie Hartmann Clavérie dont l'instrument était clairement réglé trop fort.
Devant moi, un troupeau de petites vieilles sans doute toutes issues de la même maison de retraite se prenaient des fous-rires terribles à l'écoute de cette musique qui les surprenait. A ma droite un vieux couple dormait pendant le deuxième chant d'amour, lui avec sa grosse langue qui pendait en dehors de la bouche.
Pourtant à la fin, la salle entière s'est levée pour faire un triomphe au trio français de la Turangalîla-symphonie.