La Joconde bleue
Après avoir déjeuné avec Gaëtan de passage à Paris le jour de son anniversaire, nous avons marché jusqu'à Saint Sulpice, juste histoire de désacraliser aux yeux de mes filles le
Da Vinci code, vu la veille en DVD. Puis, poursuivant notre marche jusqu'au
couvent des Cordeliers, nous avons visité l'
exposition dédié à Vinci. Je me demande comment on peut encore aimer la Joconde, tant il est impossible de la regarder comme un tableau mais juste comme un produit. Et de ce fait, il est intéressant de se laisser surprendre par ce qui pourrait avoir été les vraies couleurs du tableau, obtenues en simulant le vieillissement du tableau pendant les 500 ans de sa vie.
"Les diverses méthodes de reproduction technique de l'oeuvre d'art l'on rendue exposable à un tel point que, par un phénomène analogue à celui qui s'était produit à l'âge préhistorique, le déplacement quantitatif intervenu entre les deux pôles de l'oeuvre d'art s'est traduit par un changement qualitatif, qui affecte sa nature même. De même, en effet, qu'à l'âge préhistorique la prépondérance absolue de la valeur cultuelle avait fait avant tout un instrument magique de cette oeuvre d'art, dont on n'admit que plus tard, en quelque sorte, le caractère artistique, de même aujourd'hui la prépondérance absolue de sa valeur d'exposition lui assigne des fonctions tout à fait neuves, parmi lesquelles il se pourrait bien que celle dont nous avons conscience - la fonction artistique - apparaisse par la suite comme accessoire." (Walter Benjamin, "l'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, version de 1939)
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et Brecht, qui est plus proche de ce que tu dis :
"Dès que l'oeuvre d'art devient marchandise, on ne peut plus lui appliquer la notion d'oeuvre d'art ; aussi devons-nous alors, avec prudence et précaution, mais sans crainte, renoncer à la notion d'oeuvre d'art, si nous voulons conserver sa fonction à la chose même que nous entendons désigner. Car c'est une phase qu'elle doit traverser, et cela sans arrière-pensée ; ce détour n'est pas gratuit, il aboutit à une transformation fondamentale de l'objet et efface à tel point son passé que, si l'ancienne notion retrouvait son usage -et pourquoi ne le retrouverait-elle pas?-, elle n'évoquera plus aucun des souvenirs liés à son ancienne signification." (der Dreigroschenprozess, Versuche 8-10, fasc.3 ; cité par Benjamin, idem)
Jules | 17.06.07 @ 09:52 >