Larcin
Je devais avoir huit ans, et mon frère dix. C'était un samedi matin. Nous étions aux
Nouvelles Galeries qui ont depuis été rebaptisées
Galeries Lafayette. On se promenait au rayon des jouets, rêvant sans doute du Noël à venir. On a vu cette boîte de jeu éventrée, avec des pièces éparpillées. Des petits cubes en bois, quelques billes en métal. Je ne me souviens pas lequel de nous deux a eu l'idée de prendre les pièces. Je sais seulement que le fait qu'il ne soit pas permis de le faire ne m'a même pas effleuré l'esprit.
Un gardien nous a arrêtés à la sortie, emmenés dans un petit bureau. Maman est venue. J'ai pleuré.
En ressortant nous avons croisé papa qui venait à notre rencontre, très énervé dans son grand manteau gris. Il nous a flanqué deux claques. Une chacun.
Je me souviens surtout de la mienne. Mon oreille est restée douloureuse un long moment.
"Misère! Qu'ai-je donc aimé en toi, ô mon larcin, crime nocturne de mes seize ans? Tu n'étais pas beau, étant un larcin. As-tu même une existence réelle pour que je t'interpelle? (...) Ô corruption ! ô vie monstrueuse ! ô abîme de la mort ! Ai-je pu prendre plaisir à ce qui n'était pas licite pour la seule raison que ce n'était pas licite ?"
(Saint Augustin, Les Confessions II, 6)
Jules | 15.12.05 @ 11:13 >