Keith Jarrett à la Scala
A Bucarest la semaine dernière, j'ai acheté dans une librairie le récital à la Scala de Keith Jarrett. Il y avait longtemps que je souhaitais l'entendre, sans doute depuis que j'avais entendu le fameux Köln Recital de 1975. J'ai écouté ce disque non stop pendant toutes mes soirées à Istanbul et je suis tombé amoureux de l'ambiance de cette heure de piano improvisée. Il est incroyable que Keith Jarrett parvienne à captiver l'attention sur une telle durée. Le genre est inclassable, à mi chemin entre le jazz, le classique, la musique contemporaine et la variété, mais sans concession aucune à la facilité. Le texte d'accompagnement du CD m'a semblé interessant. Je vous en rapporte ici la traduction:
Concert Solo
La Scala
13 Février 1995
Après le concert à la Scala, un petit homme d’une soixantaine d’années arriva dans les loges avec quelques partitions orchestrales sous le bras, accompagné par un jeune (un petit-fils ? un petit-neveu ?). Je pensai d’abord que le jeune homme était un fan et qu’il avait emmené l’autre (manifestement un musicien) à mon concert ; les concerts de piano totalement improvisés sont plutôt rares.
Cependant, il s’avéra que le vieux Monsieur avait été l’assistant des chefs d’orchestre pour toutes les productions de la Scala ces 25 dernières années et que par conséquent, il avait entendu toute la musique émise dans cette salle, pendant toutes ces années. Il ne parlait pas anglais (le jeune homme traduisait).
Avec parfois des larmes dans les yeux, et en montrant son cœur pour essayer d’exprimer que ses sentiments étaient plus forts que les mots, il me dit qu’il avait tous mes albums et qu’il avait été pendant des années un grand amateur de ma musique, mais que rien n’avait pu le préparer à sa présence à ce concert solo à la Scala. Il dit qu’il s’agissait de l’expérience musicale la plus émouvante qu’il n’avait jamais eue (à nouveau en mettant sa main à son cœur et avec des larmes dans les yeux), même en tenant compte du fait qu’il avait entendu un nombre incroyable de concerts à la Scala et qu’il avait tous mes enregistrements.
Ma femme et moi, nous nous regardâmes, ne sachant pas trop quoi dire ou quoi faire. Je le remerciai, mais il n’y avait pas de façon adéquate pour le remercier de renforcer la conscience fragile (et parfois distante) que la musique se situe dans l’art de l’interpréter. Le cœur est où la musique est.
Keith Jarrett
Ahhh ouais mais forcément, ça tue Keith Jarrett. Presque aussi bien que Bill Evans :p
Nini | 03.10.05 @ 21:18 >