16416ème jour

Illusions du siècle passé

Je me souviens du premier jour, du jardinet de R. à Boulogne, de ton sourire et de tes lèvres rouges, je me souviens du petit carnet bleu et de ma R5 beige, je me souviens de ta main dans la mienne près des meules de foin, dans la nuit, je me souviens de ta main dans la mienne et de tes lèvres sur les miennes au musée Picasso, je me souviens du réveillon du jour de l’An chez C., je me souviens de la grande roue des Tuileries, je me souviens de la première fois qui n’en fut pas une, je me souviens de la fois suivante qui fut la première fois, je me souviens de la fête du Centenaire de Hermès, je me souviens de Poison et de la Panthère rose, je me souviens de la rue de Sontay, de la chambre du fond, de notre grand lit –déjà- et de la grande baignoire, je me souviens des pétards avec Olivier, et de mes pneus crevés, je me souviens de notre première dispute avenue de Versailles, je me souviens de notre premier voyage à Rome, des appels de phares de camionneurs sur l’autoroute, je me souviens de la vue sur Sienne et de notre petit Hôtel en réparation près du Colisée, je me souviens des ponts où tu m’as embrassé et où je t’ai embrassée dans la lumière romaine, je me souviens de l’arbre à singes de la rue Antoine Bourdelle, je me souviens de ton grand-père qui sourit, je me souviens de ta grand-mère qui a mal, je me souviens de leur maison dévastée par la tempête et de notre calin dans les bois, je me souviens de tes larmes quand tes grands parents sont partis, je me souviens des jus de fruits au petit déjeuner à l’Oriental, au bord du fleuve, je me souviens de ton arrivée a l’aéroport de Fiumicino, de notre déjeuner au Tre Scalini, je me souviens de la Villa d’Hadrien et de la Villa d’Este, je me souviens de la glace à la banane en Grèce, je me souviens avoir parlé de toi pour la première fois à Dinard, je me souviens de notre premier voyage à Clermont, je me souviens de Nouba qui a sauté dans tes bras dans la forêt de Tronçais, je me souviens de la tempête du 3 février place de la Concorde, je me souviens de ton envie d’être maman, je me souviens t’avoir serré dans mes bras Gare de Lyon alors que tu venais de savoir, je me souviens que tu étais malade en voiture en Espagne, je me souviens avoir chanté l’air de Papageno contre ton ventre, je me souviens de la flûte enchantée à l’Opéra Bastille, je me souviens de la neige qui tombait dans la nuit noire et silencieuse de Paris, sur notre R5 noire, je me souviens t’avoir dit que tu étais belle, je me souviens des lychees et de Madame André, je me souviens d'une petite fille, de sa petite bouille rouge et de ses cheveux noirs, je me souviens de nos précautions en la ramenant chez nous, je me souviens de notre joie à la revoir assise à notre retour de Prague, je me souviens de Hifipomme, de Chonchon, et de sa première glace, je me souviens du jour ou tu m’as annoncé la mort de mon grand-père dans la salle de bains de Bandol, je me souviens t’avoir regardé pédaler sur ton vélo dans la vallée des Rois, je me souviens du regard d’une petite fille, je me souviens d'une soeur disant Petite sœur, je me souviens du chant des oiseaux dans l’arbre de la cour, je me souviens avoir appris comment l’on dit enceinte en espagnol, je me souviens de deux petites filles trempant leurs churros dans le chocolat chaud à Grenade, je me souviens du jour ou tu m’as téléphoné pour m’annoncer que nous aurions trois filles, je me souviens des murailles d’Essaouira et de ta grand-mère, je me souviens du temps passé, du temps perdu, je me souviens du jour ou je t’ai trahie, je me souviens du jour ou tu m’as trahi, je me souviens de mes 40 ans, je me souviens de ce dernier jour d'un siècle où tu m’as embrassé en pleurant et où je t’ai embrassée en pleurant, je me souviens de mes pleurs en rédigeant la lettre que tu lis, je me souviens de tes pleurs en lisant cette même lettre.
Je me souviens du jour ou je t’ai pardonné, je me souviens du jour ou tu m’as pardonné, je me souviens du soleil, le 3 février, place de la Concorde, je me souviens d'être revenus à Bali tous ensemble, je me souviens avoir peint Almaviva au dessus de la porte d’entrée, je me souviens de notre joie et de notre fierté de voir ensemble nos filles grandir, je me souviens, sur la plage, de notre maison que tu as réussi à me convaincre d’acheter, je me souviens du festival Mahler à Vienne en 2011, je me souviens de nos petits enfants et de notre bonheur à les avoir près de nous, je me souviens d’E et S. et de toutes nos filles, je me souviens de nos vieux jours et de nos deux corps bronzés sur la plage de Sanur, je me souviens de nos arrières petits enfants, je me souviens du jour ou je me suis endormi pour toujours en te donnant la main, je me souviens t’avoir attendu, je me souviens du jour où tu m’as rejoint, je me souviens avoir été avec toi depuis toujours, je me souviens avoir été avec toi pour toujours.
Car hier est aujourd’hui. Et aujourd’hui est demain. Pour l’éternité. Car rien ne pourra jamais nous séparer.
@ 00:44 | >

:: comments

Tu aurais pu te linker sur certains trucs...
et tu te souviens de New York ?
Michael | 01.12.04 @ 02:35 >
 
Chapeau bas.
m@nu - url| 01.12.04 @ 04:10 >
 
(... mais Nouba... quand-même ! ;p)
m@nu - url| 01.12.04 @ 04:11 >
 
en 2 mots comme en 1000 : "touché-coulé"
M - url| 01.12.04 @ 21:33 >
 
Très joli texte, avec ou sans Pérec.
Guillermito - email - url| 06.12.04 @ 13:19 >
 
Où trouves-tu le courage d'écrire cela, de le publier?
Mon coeur se fend.
BZ - email| 29.12.04 @ 12:20 >
 
En te lisant j'ai retrouvé une phrase d'Eluard (je cite de mémoire) :

Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu

("La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur").
thomas - email| 06.01.05 @ 23:44 >
 
Wouaou !
C'est 100 % de toi ? Superbe et émouvant !
Isabelle | 11.01.05 @ 21:09 >
 

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