Figaro
Lorsque j'étais enfant, mes parents m'accompagnaient chez un coiffeur du centre ville. Je ne garde le souvenir que de quelques sensations: les vieux fauteuils de métal et de cuir rouge, le parfum de patchouli et de violette du patron, l'épais coussin supplémentaire qu'il installait sous mes fesses, le froid de la tondeuse sur ma nuque. C'est alors que j'avais dix ou douze ans que chez suivi mon père chez un coiffeur plus à l'écart du centre. C'était un salon tout neuf. Dans un coin, une radio Grundig était systématiquement calée sur France Musique. Il me coupait au rasoir, méthode étrange aujourd'hui disparue. Je lui ai sans doute été fidèle jusqu'à mon départ définitif de province.
Arrivé à Paris justement, je ne savais pas trop où aller. Je me suis laisser tenter par un coiffeur de la rue d'Assas sur la vitrine duquel était marqué
Hugues Renault, champion du Monde. C'est l'époque où l'on est passé du coiffeur de quartier à des salons plus sophistiqués. Il y a même eu une époque où chez Jean-Louis David, on se déshabillait avant d'enfiler une sorte de peignoir de coiffure. Un jour, alors que j'étais chez Hugues Renault, la coiffeuse me propose de m'assouplir les cheveux. Je réponds naïvement
pourquoi pas? Je me retrouve aussitôt bardé de petits bigoudis et une heure plus tard je ressors tout frisé avec une jolie permanente qui comme son nom l'indique, a tenu deux bonnes semaines. Je n'ai jamais remis les pieds chez Monsieur Renault. J'ai ensuite erré de coiffeur en coiffeur sans jamais en trouver un qui me satisfasse. Je me souviens d'avoir été massacré en dix minutes par l'un qui m'a naïvement confié avoir une prime de productivité. Je me souviens avoir fui devant une quinquagénaire bavarde, recommandée par mon ex belle-mère et à qui cette dernière racontait le moindre détail de ma vie.
Un jour, en passant devant la vitrine du Dessanges de l'avenue de la Bourdonnais, j'ai eu le regard attiré par un coiffeur blond comme les blés et d'une beauté à couper le souffle. Je suis entré sans rendez-vous et miracle, c'est lui qui m'a pris en charge. David a été mon coiffeur pendant des années. Je l'ai même suivi dans un autre salon. Je le croisais parfois au café Beaubourg et ça me gênait toujours beaucoup qu'il m'y vouvoie. Il est tombé très malade et je n'ai jamais eu de nouvelles.
C'est P. qui m'a entraîné chez son coiffeur du boulevard Saint Germain, quand lui habitait rue de Bièvre. Un mec direct, très sympa avec qui je passe maintenant une heure régulièrement depuis trois ou quatre ans. Et ce soir, il m'a annoncé qu'il quittait la France pour Toronto.
Merde. Je n'ai plus de coiffeur.