Soirée folle
Je feuillette le Libé du jour dans le salon de l'aéroport d'Istanbul. Un
article attire mon attention. Il est consacré à deux CD inattendus de la rentrée:
Niko, chanteuse d'origine hispano-japonaise, et
Riton, producteur anglais inclassable. Mais surtout, l'article se conclut par : "
Un remarquable ovni à déguster live cette nuit à Paris en avant-première". Le genre de truc auquel je ne sais pas résister. Un appel à nina pour en savoir plus. Riton passe en fait à Minuit, il suffit apparemment de s'y présenter. Très envie d'y emmener A. A justement, je passe le chercher à Versailles et quatre heures d'avion et une douche plus tard, pour le quatrième vendredi de suite, je file sur l'autouroute de l'ouest. Pour une raison sur laquelle je n'insisterai pas, il est enfermé chez lui, impossible d'en partir. Après une tentative infructueuse à base de ceinturons joints et attachés au balcon, c'est avec une échelle et en escaladant le mur d'enceinte qu'il parvient à me rejoindre. Nous filons sur Paris. Dîner à
l'Esplanade. Nous tentons le concert à la
Maroquinerie. Nous arrivons très en retard. Je demande si le concert de
Railletonne est commencé. La caissière me dit "
Ah ça n'est pas ce soir!" suivi d'un "
Aaaah, vous voulez dire Riton?".
En fait Riton n'est censé démarrer qu'à 1h30. Et pour finir, il n'arrivera qu'à 2h15. Trente minutes d'un show case amusant. Riton a un look vraiment british, cheveux longs blonds, teint rose, déanchement gentiment mal à l'aise. Ses deux acolytes jouant de synthés étranges ont le même look et la même tenue : une chemise dans les bordeaux, une cravate dans les roses. Le son est amusant, très anglais, un peu monotone peut être. Ce que j'entends ne m'incite pourtant guère à confirmer le texte stupidement racoleur de la pochette de son nouveau CD
Homies and Homos : "
Une pop arrogante et déviante matinée d'électro-funk cradingue"(sic).
A peines sortis, nina nous propose de passer à une soirée dans le 11ème. On file là bas. Dans un petit appartement, une dizaine de personnes, ambiance très cool. J'apprendrai plus tard que la plupart sont venus par hasard à cette soirée improvisée, uniquement parce qu'ils se trouvaient dans le même bar que nina et F.
Une fille montre à tout le monde son sein brûlé par une cigarette maladroite, des activités bizarres semblent se passer dans la chambre, A. a l'air de planer et d'aimer la soirée, on va faire un tour sur le balcon improvisé au dernier niveau d'un échafaudage recouvrant l'immeuble. La vue est belle sur le Boulevard Richard Lenoir avec une lune en son dernier quartier. On boit beaucoup, la fille au sein brûlé a maintenant une fesse de son pantalon déchirée. A. pisse généreusement de l'échafaudage vers la rue, quinze mètres plus bas. Il est saoul, je ne vaux guère mieux. nina est délicieuse, je me sens bien entre elle et A. J'ai envie de les serrer dans mes bras. On reboit de la
zubrowka.
Il est l'heure de filer. République, les grands boulevards, Opéra, Saint Augustin. A. nous prépare un verre de Manzana. On fume une dernière cigarette. Je pense que c'est sans doute notre dernière soirée avant longtemps. Ca me rend triste. On se dit au revoir à notre façon, tendrement et sexuellement. A un moment je me dis que j'aimerais mourir, tellement je me sens bien à ce moment. Il est sept heures. On dort juste trois petites heures. Je ramène A. à Versailles avant de récupérer mes filles. Je suis fatigué. Lui aussi. Il dort dans la voiture. Je le réveille lorsqu'il arrive près de chez lui. Je voudrais l'étouffer dans mes bras, lui dire que je l'aime, que je vais être malheureux sans lui. Je n'y arrive pas. Je le regarde s'éloigner. Il ne se retourne pas. J'accélère en direction de l'autoroute de l'ouest. Je me sens mutilé d'une partie de moi. Je repense à ces trois semaines écoulées. Je ne comprends pas très bien ce qui s'est produit. Je me demande si ma vie va être bouleversée par le tourbillon de ces derniers jours ou s'il ne s'agit pour finir que d'une parenthèse surprenante.