Rémi I
A l’origine, je devais dîner hier avec Rémi, un garçon immense qui fait des photos pour
Hermès. J’avais eu la bêtise de reporter ce dîner avec lui pour pouvoir rencontrer le brésilien, ce dont je m’étais mordu les doigts. Aujourd’hui, c’est Rémi qui décale, reporte le déjeuner en dîner, soit par revanche, soit, comme il le prétend, car il a pu aller faire quelques photos tarifées. Je profite du temps libre de cette journée pour faire des courses chez
Zegna, je découvre la magnifique nouvelle boutique
Ralph Lauren du boulevard Saint Germain, j’achète
Long Walk, le disque Buxtehude de Francesco Tristano, je revends tous mes disques
Perahia en perspective du coffret monumental bientôt publié, je dévore une magnifique poêlée de cèpes au
Balzar et je vais chez le coiffeur afin de mettre toutes les chances de mon côté avec Rémi. C’est un nouveau coiffeur, choisi par hasard, il s’appelle Bastien et il est vraiment adorable. J’avais très peur d’être coiffé par le patron qui avait l’air ennuyeux et moche et c’est avec beaucoup de satisfaction que j’ai finalement été pris en charge par Bastien, un garçon adorable qui, pour réussir ma nuque, m'a demandé de dodeliner de la tête de droite à gauche. C'était très amusant.
Le soir donc, je récupère Rémi à la sortie d’un
showroom près de l’Elysée. Il est impressionnant, avec son mètre quatre vingt douze, sa démarche chaloupée, ses lèvres charnues, ses grands yeux, sa mèche immense qui peut tomber jusqu’au menton s’il n’y prête attention et c’est le genre de garçon en direction duquel toutes les femmes et une partie des hommes regardent fascinés lorsqu’il entre quelque part. Après avoir clarifié la nature de cette soirée passée ensemble, après s’être fait refuser au
Mini-Palais pour cause de soirée privée, nous allons à la terrasse du
café de l’Esplanade. Il s’installe face à moi et pendant tout le dîner, sa beauté, sa voix douce qui contraste avec son allure de colosse me troubleront. Il me raconte tout de go son histoire, le départ de sa famille de Lille alors qu’il a quinze ans avec trois mille euros en poche, sa galère à Lyon puis à Montélimar, son travail dans une boutique de fringues, puis son premier contrat comme modèle à Montréal, accepté presque par hasard suite à un dépit amoureux, contrat qui lui ouvre la porte de la mode et de son environnement. Et lui bien sûr se laisse capter comme un papillon de nuit attiré par la lumière. Il a une bonne éducation, s’exprime bien et semble aussi très déterminé. Tard dans la nuit, je le redépose au
showroom.