Mozart et Bruckner par la Staatskapelle et Daniel Barenboim au Musikverein
En fin de matinée départ pour Vienne où il fait gris. Après une réunion de travail, je file avec un collègue au
Musikverein où Daniel Barenboim dirige l’intégrale des symphonies de Bruckner dans l’ordre avec une symphonie par soirée, à la tête de sa
Staatskapelle. Les
Cinquième,
Septième et
Huitième symphonies sont jouées seules et les six autres sont, comme à Paris en avril, précédées d’un concerto de Mozart que Barenboim dirige bien sûr du piano. Barenboim affectionne beaucoup, et à juste titre, ces programmes Mozart Bruckner et ce soir, c’est le sixième concert, et donc la
Sixième Symphonie précédée du 22ème concerto qui, à Paris, avait précédé la
Neuvième. Vous suivez ?
Je suis particulièrement heureux de découvrir dans le programme du concert le fac-similé d’une affiche du septième concert d’abonnement de la saison Philharmonique 1898-1899 où, dans la même
Goldensaal, la même
Sixième Symphonie était créée par un certain Gustav Mahler.
Le 22ème Concerto donc, dans lequel Barenboim met toujours autant de fantaisie, mais bizarrement, quelque chose fonctionne moins bien qu’à Paris, peut-être seulement l’acoustique du
Musikverein qui met peu en valeur le son du Steinway privé de son couvercle. Je prends toujours autant de plaisir à entendre le très beau thème médian du dernier mouvement, que nous avions chanté dans les rues de Barcelone, Jean-François et moi, quatre jours plus tôt. En bis, Barenboim, qui semble être en pleine période Schubert, nous donne un
Impromptu dans une salle un peu bruyante du fait de l’étonnante irruption de spectateurs de la tribune qui tentent de repérer les rares places vides.
Mon collègue et moi en profitons pour changer aussi de place et nous prenons le corridor qui longe la salle et passons au milieu de tous les musiciens en frac qui attendent de rentrer en scène et nous nous installons sur scène, juste derrière les altos, sur deux chaises dont j’avais repéré qu’elles étaient vides. En trente années de concert, je pense n’avoir jamais vécu une expérience aussi intense, celle de se trouver vraiment au milieu des musiciens, de sentir le son aller de droite à gauche, d’avant en arrière et de voir le chef brandir sa baguette vers moi lorsqu’il souhaite plus d’énergie des altos, de comprendre la difficulté des cordes à s’écouter et à jouer ensemble pendant les tuttis de cuivres. Bien sûr, au
Concertgebouw ou à la Philharmonie de Berlin, l’expérience du
Podium ou de l’arrière scène est comparable, mais ces rares fauteuils sur la scène du
Musikverein sont vraiment une expérience inoubliable. Je connaissais très mal la
Sixième de Bruckner et bien qu’ayant au moins trois intégrales Bruckner au disque, je crois ne l’avoir jamais écoutée jusqu’à ce soir. Elle est d’un format assez classique avec ses blocs et ses contrastes puissants, mais je suis tombé vraiment amoureux du
Scherzo, l’un des plus réussis de Bruckner, avec son rythme initial des contrebasses qui entrainent tout l’orchestre dans une furie sauvage. Je ne devais pas être le seul à découvrir la
Sixième ce soir car la symphonie se termine sur un accord particulièrement tonitruant et Barenboim a baissé sa baguette et a reculé jusqu’à la barre de sécurité de son podium dans un silence étonnant. La salle a mis cinq bonnes secondes avant d’applaudir et le public viennois piégé a fait beaucoup rire tous les berlinois sur scène.
Dîner au restaurant de l’hôtel
Majestic dont la
Wienerschnitzel est toujours aussi recommandable.