La Cinquième par Simon Rattle et les Berliner Philharmoniker
Je me lève à six heures trente car mon avion est à neuf heures à Malpensa. Au moment de quitter la chambre, je me dis qu’il est dommage de n’avoir même pas regardé la vue sur le lac. Je tire brusquement les rideaux et là, soudainement, je me retrouve face à l’un des plus beaux paysages que je n’ai jamais vus. Un ciel violet d’avant l’aurore, les îles sur le lac qui se reflètent en lui, quelques taches mauves et roses et la brume légère, qui donne un grain quasi photographique au paysage, le transformant en un immense nymphéas. Je suis resté abasourdi devant autant de beauté, les larmes aux yeux, incapable de bouger. J’ai failli rester, tellement j’étais honteux de profiter mieux de ce don du ciel, mais après dix minutes d'extase, j’ai pris le volant pour Malpensa et Berlin.
Berlin est presque devenue une routine pour moi avec cette visite mahlérienne mensuelle. Je suis arrivé un peu à l’avance à la Philharmonie et lorsque j’ai fait signe de sortir mon ticket en trop pour le vendre cinq ou six personnes se sont précipitées sur moi pour l’acheter. Je l’ai vendu au premier qui a accepté de payer le prix imprimé.
Ce soir, les
Philharmoniker nous proposaient en habile première partie la
Musique funèbre pour la reine Mary de Purcell, que j’avais découvert dans les années 70 dans l’enregistrement de Gardiner et que j’ai été ravi d’entendre pour la première fois au concert dans une interprétation très convaincante. La
Cinquième Symphonie quant à elle était tout simplement sublime, d’un niveau au moins égal aux
Deuxième et
Troisième avec un engagement et une prise de risque maximale de l’orchestre répondant comme un seul homme à son chef dans cette œuvre qu’ils ont si souvent joué ensemble. C’est d’ailleurs la Cinquième Symphonie qu’avait choisie Simon Rattle pour le
concert inaugural de son règne le 7 septembre 2002. Je me souviens que j’avais entendu ce concert depuis une
voiture de location à Toulouse et j’enrageais de ne pas être là. Rattle a choisi de placer le cor solo devant l’orchestre durant le scherzo, ce qui est une idée fort discutable, mais elle a permis de confirmer que Stefan Dohr est l’un des cornistes les plus extraordinaire de tous les temps, se sortant de ce mouvement diabolique avec un talent extraordinaire et sans la moindre fausse note. Très bel
Adagietto pas trop lent, exactement comme il faut, avant un final d’anthologie et le public de la Philharmonie acclamant son orchestre, debout.