Où l’on me fait le plaisir de venir me chercher en Rolls Royce à la Philharmonie après la Quatrième de Simon Rattle
J’avais un rendez vous professionnel planifié de longue date à Bruxelles ce matin et j’avais donc prévu depuis longtemps ce vol de Bruxelles à Berlin. Mon rendez vous a été annulé et je suis donc allé à Bruxelles pour rien, juste pour prendre mon vol.
Tegel, le NH Hotel de
Leipziger Straße, cela devient presque une habitude routinière. Le chauffeur de taxi m’a d’ailleurs appris à prononcer NH en allemand, car j’avais toujours du mal à me faire comprendre. En allemand, il convient de prononcer "
En-Haaa" et tout va bien.
La première partie du concert était consacrée à l’
Apollon musagète, un ballet pour orchestre à cordes de Stravinsky de 1947 que j’entendais en concert pour la première fois et qui malgré sa durée de trente minutes m’a semblé mortellement long. Après l’entracte, Simon Rattle dirigeait la
Quatrième Symphonie de Mahler dont je dois admettre qu’elle était d’un niveau inférieur aux
Deuxième et
Troisième Symphonies récemment entendues. L’orchestre était bien sûr admirable, mais Rattle a une conception un peu trop nerveuse de cette œuvre dont le caractère Haydnien a souvent été observé. Les deux premiers mouvements étaient donc un peu tonitruants à mon goût et manquaient de raffinement. Le troisième mouvement, en revanche était d’un niveau absolument merveilleux avec des cordes enchanteresses, marquées par le rythme sublime des pizzicati de contrebasses. Le dernier mouvement était lui aussi très réussi avec son orchestration subtile et sauvage entre les interventions de la soliste. Ce soir c’était Christiane Schäfer que j’entendais pour la quatrième fois dans cette œuvre et qui a maintenant de longs cheveux ébouriffés. La voix est restée enfantine, en revanche elle semble avoir encore perdu en puissance et même du bloc B peu éloigné de la scène, j’avais du mal à l’entendre. Le spectateur assis juste derrière moi a été pris d’une quinte de toux violente dans les dernières mesures si calmes de la symphonie et c’est dans une série d’éternuements mal contrôlés que l’œuvre s’est achevée. Le public berlinois semblait vouloir respecter une minute de silence, mais mon cher voisin tousseur s’est subitement lâché tellement fort que la salle est partie en applaudissements.
J’ai rapidement quitté la salle car Timur, un berlinois avec lequel j’entretiens une conversation sur
gros meow depuis des mois m’attendait devant la sortie principale de la salle,
Karajan Straße. A l’heure dite, il était là et, à ma grande surprise, comme il me l’avait annoncé par SMS, il était bien au volant d’une
Rolls Royce Silver Shadow de 1977 de couleur bordeaux. Je me suis installé sur les fauteuils en cuir et Timur, vêtu d’un manteau de fourrure, m’a accueilli avec un grand sourire, sous ses cheveux blond platine. Hélas, nous n’allions pas très loin car Timur voulait absolument un canard laqué pékinois pour dîner et d’après lui le meilleur canard de Berlin se trouve au
Peking Ente, un restaurant chinois sans grand caractère qui se trouve au numéro 1 de la VoßStraße, adresse ayant la particularité d’avoir été celle de la chancellerie de Hitler. Timur est et restera sans doute la rencontre la plus étonnante qu’il ne m’ait jamais été donné de faire. En résumé, à vingt cinq ans, il n’a aucun besoin de travailler pour vivre, il est originaire de Düsseldorf mais est venu vivre seul à Berlin, ses parents habitant à Lorient. Il parle donc un petit peu le français. Je n’ai pas réussi à lui faire dire ce qu’il fait de ses journées, sauf qu’il se lève entre onze heures et quatorze heures et qu’il va beaucoup en boîte. Il a deux
Rolls Royce dont une ayant appartenu au Baron Empain, il a aussi un château du 16ème siècle près de Leipzig où il se rend tous les quinze jours. Le canard, quand à lui était correct, sans plus, et beaucoup trop froid. Après notre dîner, Timur allait en boîte (il ne m’a hélas pas proposé de venir avec lui et ses amis). J’ai été tenté d'accepter son offre de me déposer avec la
Rolls devant l’hôtel, la distance était si courte que je suis rentré à pied, après l’avoir admiré s’éloigner dans son étonnant véhicule.