Récital à Gaveau
J'étais un peu inquiet, après le
naufrage qu'avait été le
Premier Concerto de Tchaikowsky de
Cédric Tiberghien. L'horaire de ce récital est inhabituelle, 18 heures, la durée frustrante, soixante minutes et de plus, avec les embouteillages monstres de cette journée de grève, je trouve le moyen d'arriver avec quinze minutes de retard à la
salle Gaveau. L'assistance est clairsemée et je me faufile au premier balcon, juste au dessus du pianiste, derrière lui, alors qu'il a déjà bien entamé les Préludes de Chopin. Son jeu est superbe, puissant, très mélodieux, chantant un peu à la manière d'un Artur Rubinstein. Ma fille s'endort aussitôt et ne se réveillera que pour la deuxième partie du programme. Devant moi un couple très âgé écoute religieusement, en se tenant délicatement la main : elle lui caresse le dessus de la main avec l'extrémité de son index. Le récital se termine. L'assistance compense son faible nombre par des applaudissements nourris. Le pianiste a un joli geste pour partager le succès avec son instrument. Puis dans un élan généreux, il nous offre un bis incroyable : l'intégrale des Variations
Eroica de Beethoven, qu'il avale dans un mouvement puissant et chantant.
Fin du concert. J'obtient une dédicace de ce grand jeune homme blond et souriant, assailli par une horde de vieilles femmes en furie qui veulent toutes toucher le jeune prodige. L'une d'entre-elles au sourire édenté parvient même à lui voler un petit baiser.