Ma première soirée au Bolchoi n’était pas au Bolchoi
Le matin, j’ai appris par les journaux le décès du père d’Orson. Je lui ai envoyé un petit mot pour lui dire que je pensais à lui depuis Moscou où il tombe beaucoup de neige. Elle recouvre la ville d’un épais manteau qui fond en fin de journée sous la pluie, alors que la température s’est adoucie. Le soir, après une journée de travail, c’est donc dans la gadoue que nous nous rendons à
Teatralskaya pour ma première soirée au Bolchoi qui est hélas en travaux depuis plusieurs années, travaux destinés en particulier à supprimer les rénovations de l’ère soviétique qui ont détérioré l’acoustique de la salle. En attendant, les spectacles ont lieu dans un théâtre construit en six mois à l’intérieur d’un bâtiment voisin ancien et que les moscovites appellent le
Nouveau Bolchoi. L’intérieur de la salle est effrayant de laideur, il ressemble à ce que l’on peut voir dans le golfe arabique. Le spectacle de ce soir,
Carmen, chanté en français et pour le 1121ème (!) fois au Bolchoi. L’orchestre est bon sans être exceptionnel, les chanteurs un peu inégaux avec un Escamillo inaudible. Les paroles sur titrées en russe seraient incompréhensible si on ne connait pas l’opéra par cœur. Les spectateurs sont insupportables, bruyants, parlant, envoyant des SMS, changeant de place sans vergogne. Quant à la mise en scène, je suis certain que Gérard Mortier l’aurait adoré tant elle était laide, vulgaire et en contre sens complet avec l’ouvrage. Il n’y manquait qu’une fellation et quelques corps nus pour que la joie ait été parfaite.
Après le spectacle je dîne encore au
café Pushkin. Je pousse le vice jusqu’à demander aux deux musiciennes si elles peuvent nous jouer l’
intermezzo de
Carmen où la harpe et la flûte ont les deux parties importantes. Elles s’en acquittent avec semble-t-il, beaucoup de plaisir.