Lorsque nous avons quitté le Théâtre Mariinski, les rues de Saint Petersbourg étaient recouvertes de neige
C’est un peu un miracle que nous ayons réussi à passer ces trois jours ensemble à Saint Petersbourg. Qu’en quelques heures seulement nous ayons passé avec succès toutes les étapes de l’obtention de ton visa : la couverture santé pour la durée du séjour, le voucher d’hôtel envoyé par fax depuis la Russie, puis l’achat du billet d’avion la veille même de ton départ. Alors que je volais de Moscou à Saint Petersbourg dans un Airbus vert pomme de
Siberian Airlines, tu venais depuis Paris dans l’Airbus blanc d’Air France. A l’arrivée au Terminal domestique, Sergei, le chauffeur de taxi, m’a emmené dans sa Hundai rouge jusqu’au Terminal international où tu m’attendais, agressé par des hordes de chauffeurs de taxis verreux, et nous sommes partis ensemble en direction du centre. Nous sommes passés devant la gare de Moscou que je rêvais de voir depuis la
scène des Poupées russes.
Pendant ces trois jours, nous avons déambulé en tout sens dans la ville. Nous avons parcouru le Nevski Prospect, nous avons bu du vin blanc dans la salle de réception de l’hôtel Astoria où Hitler rêvait de fêter sa victoire, nous avons acheté des chocolats et des gâteaux dans cette épicerie où la serveuse mettait des heures à servir les clients, nous avons contemplé la ville depuis le dernier étage entièrement vide d’un hôtel à l’allure soviétique, nous avons découvert l’Hermitage et les quais de la Néva, nous avons acheté deux bonnets de laine noire à une petite vendeuse de rue, nous avons pris le métro dans les entrailles profondes du sol, nous avons admiré la statue de Pouchkine, visité le musée Youssoupov, pris un petit bus où l’on posait quelques roubles à même le sol, à côté d’un chauffeur qui maugréait. Nous avons été éblouis par les salles d’apparat du Palais d’hiver, nous avons vu les tombeaux des Romanov dans la cathédrale de la forteresse. Nous avons pris en photo la célèbre rue
Zodtchévo Rossi Ulitsa, large et haute de 22 mètres et qui étire ses 220 mètres du Théâtre Alexandrini à la place
Plochtchad Lomonossova
Et puis nous avons affronté toutes sortes de mégères au look soviétique : celles qui vendaient les billets de concert, qui ne parlaient pas un mot d’anglais et cherchaient à nous appliquer le tarif officiel pour non citoyen russe, celle de la cathédrale du sauveur sur le sang versé qui t’empêchait de prendre des photos, l’ouvreuse de la loge du Tsar au Théâtre Mariinski qui ne supportait pas que nous ayons occupé les places du premier rang pourtant restées vides.
Lorsque nous avons quitté le Théâtre Mariinski, les rues de Saint Petersbourg étaient recouvertes de cinq centimètres de neige. Nous avons marché dans la nuit blanche. La glace qui recouvrait les canaux gelés était elle aussi rendue immaculée par la neige. Nous sommes allés à l’angle de
Galernaia ulitsa dans une petite épicerie où tu as trouvé les cigarettes américaines Fantasia que tu aimes tant.
Oui c’était un miracle, ces trois jours et ces trois nuits que nous avons passées sans nous quitter une seule seconde.