Rotterdam à Amsterdam
Le Concergebouw accueillait hier l'orchestre de Rotterdam autour d'un programme quelque peu hétéroclite, dirigé par Heinrich Schiff qui, le temps passant, ressemble de plus en plus à Johannes Brahms. Lorsqu'un chef dirige du piano ou du violon, il est facile à l'instrumentiste de regarder son orchestre, tournant parfois le dos au bublic, comme un chef "normal". J'ai découvert hier qu'il en va fort différemment d'un violoncelliste voulant diriger. Heinrich Schiff était donc bien sûr assis face à nous pour jouer et diriger le magnifique
Deuxième Concerto pour violoncelle de Josef Haydn. Il entrainait donc les tutti d'orchestre d'une main libre, ou de la tête, mais avec beaucoup de mal pour tenter d'apercevoir quelques uns de ses musiciens. Il nous a offert une très belle interprétation du concerto, ne manquant pas de fantaisie, en particulier dans les cadences à l'audace teintée d'humour. Et hélas, il n'y a pas de partie de basson dans le concerto de Haydn.
Suivait la
Kammersymphonie de Franz Schreker, une oeuvre de 1916 en un seul mouvement, pour 23 instruments (sept vents, onze cordes, harpe, célesta, harmonium, piano, timbale et percussions) ce qui limite un peu la portée chambriste d'une oeuvre que j'ai pour ma part trouvée un peu boursouflée. Et hélas, il n'y a évidemment dans cette oeuvre qu'un seul basson dont la partie était tenue par le deuxième basson de l'orchestre.
La deuxième partie était consacrée à
Totenfeier, la version originale du premier mouvement de la
Deuxième Symphonie, que Mahler a brièvement dirigé de façon indépendante sous forme d'un poème symphonique. L'orchestration diffère relativement peu du mouvement définitif. Ayant profité de l'entracte pour changer de place, je me suis retrouvé assis au premier rang du
Podium Sud, face au chef, juste derrière les quatre cors, à quatre mètres environ des cimbales et à environ six mètres des trois bassons. J'ai été subjugué par l'orchestration mahlerienne, depuis cette place quasiment de l'intérieur de l'orchestre, où l'on entend vraiment toutes les parties et d'où l'on comprend combien il doit être important pour les musiciens d'orchestre de s'écouter. Pas toujours facile d'ailleurs, comme en témoignent les coupe-sons que certains musiciens font installer derrière leur tête, en particulier ceux se trouvant devant les trompettes et les trombones. Heinrich Schiff a dirigé le mouvement avec une magnifique conviction, un vrai sens mahlerien des contrastes. Très souvent mon regard se tournait vers le profil du premier basson qui est non seulement
le plus beau bassoniste au monde, mais sans doute aussi l'un des meilleurs, puisqu'il vient d'entrer au London Symphony Orchestra et c'est probablement l'un de ses derniers concerts au sein de l'orchestre de Rotterdam. A la fin des applaudissements, alors qu'il est encore sur scène, je suis allé lui transmettre un message et le féliciter pour le concert. "
Je n'ai pas fait grand chose!" m'a-t-il modestement répondu.
Le
Rotterdams Philharmonisch Orkest sera le 14 novembre au
Théâtre des Champs Elysées sous la direction de Lothar Koenigs. Ils accompagneront Ben Heppner dans des extraits de
Tristan et de la
Tétralogie.